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Article
Compétence de la cour d’appel pour relever d’office l’irrecevabilité des conclusions
Compétence de la cour d’appel pour relever d’office l’irrecevabilité des conclusions
L’article 914 du code de procédure civile qui donne compétence exclusive au conseiller de la mise en état pour prononcer l’irrecevabilité des conclusions ne prive pas la cour d’appel de la possibilité de relever d’office cette sanction.
par Romain Lafflyle 18 juin 2018
Une banque relève appel d’un jugement du tribunal de grande instance et la société civile immobilière (SCI) intimée, constituée sur l’appel adverse, notifie tardivement ses conclusions au regard des dispositions de l’article 909 du code de procédure civile. Ni l’appelante ni le conseiller de la mise en état ne s’emparent du moyen d’irrecevabilité mais c’est la cour d’appel de Douai, statuant au fond, qui relève d’office le moyen pour juger irrecevables les conclusions notifiées au-delà du délai de deux mois (de trois mois depuis le 1er septembre 2017). Condamnée en appel au paiement de diverses sommes au profit de l’appelante par la cour d’appel, la SCI forme alors un pourvoi au visa de l’article 914 du code de procédure civile qui donne compétence au seul conseiller de la mise en état pour juger irrecevables des conclusions notifiées tardivement. Pour la demanderesse au pourvoi, la cour, empiétant sur les pouvoirs de son conseiller, aurait ainsi commis un excès de pouvoir. La deuxième chambre civile rejette le pourvoi en rappelant que si le conseiller de la mise en état a bien une compétence exclusive pour prononcer l’irrecevabilité des conclusions « cette restriction ne fait pas obstacle à la faculté pour la cour d’appel de relever d’office cette fin de non-recevoir ».
En jugeant que la cour d’appel pouvait relever d’office le moyen d’irrecevabilité, la deuxième chambre civile ne fait finalement que respecter un certain parallélisme des formes de sanction entre appelant et intimé et c’est pour cette raison qu’un arrêt en sens opposé eut été étonnant. En effet, la deuxième chambre civile, par arrêt publié au bulletin, avait statué exactement de la même manière en approuvant une cour d’appel qui avait relevé d’office la sanction de la caducité de la déclaration d’appel (Civ. 2e, 11 mai 2017, n° 16-14.868, Dalloz actualité, 6 juin 2017, obs. R. Laffly isset(node/185036) ? node/185036 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>185036). La seule condition, sans cesse rappelée par la haute juridiction, étant bien sûr d’ordonner la réouverture des débats sur le moyen relevé d’office par application de l’article 16, alinéa 3, du code de procédure civile.
Appelant et intimé ne pourront toutefois considérer cet arrêt comme une dispense du respect des dispositions de l’article 914 puisque l’un et l’autre doivent nécessairement saisir le conseiller de la mise en état pour qu’il statue sur la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions. Ils ne peuvent saisir la cour d’appel de tels moyens dans leurs conclusions au fond, ce d’autant plus que l’article 914 nouveau exige une saisine du conseiller de la mise en état par des conclusions « spécialement adressées à ce magistrat ». Surtout, appelant et intimé n’ont aucune garantie que la cour relèvera d’office le moyen. En effet, une fois le conseiller de la mise en état dessaisi (à l’ouverture de l’audience avant le décret du 6 mai 2017 et désormais avec l’ordonnance de clôture) la Cour, à l’instar de certaines fins de non-recevoir, peut – et non doit – relever d’office le moyen tiré de la caducité de la déclaration d’appel ou de l’irrecevabilité des conclusions. Il ne s’agit pas d’un moyen d’ordre public. Ainsi, la première chambre civile a pu juger qu’une cour d’appel pouvait parfaitement prendre en considération des conclusions d’intimé, non notifiées dans le délai de deux mois de l’article 909, si l’appelant n’avait pas préalablement saisi le conseiller de la mise en état pour les voir déclarer irrecevables (Civ. 1re, 16 déc. 2015, n° 14-24.642, Dalloz actualité, 12 janv. 2016, obs. R. Laffly ; AJ fam. 2016. 156, obs. S. Thouret ).
Enfin, si d’aucuns nourrissaient encore des doutes sur le caractère d’ordre public ou non des sanctions posées par les articles 908 et suivants, les choses sont désormais affirmées puisque l’arrêt précité du 20 avril 2017 mentionnait déjà une simple possibilité, tandis que celui du 17 mai 2018 emploie bien le terme de faculté pour la cour d’appel.
Alors quelle est la résonnance de cet arrêt au regard des nouvelles dispositions de l’article 914 du code de procédure civile ? L’arrêt du 20 avril 2017 approuvant la possibilité de relever d’office la caducité de la déclaration d’appel était une anticipation du nouveau texte puisque l’article 914 dispose depuis le 1er septembre 2017 que « la cour d’appel peut, d’office, relever la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel ou la caducité de celui-ci ». S’il ne s’agit donc que d’une simple possibilité pour la cour d’appel, seule l’irrecevabilité de l’appel et non l’irrecevabilité des conclusions est visée. Pourrait-on en déduire que la cour, en l’état du nouvel article 914, peut relever d’office le moyen de caducité mais n’a plus le pouvoir de relever d’office celui d’irrecevabilité des conclusions ? Il semble difficile, pour l’instant, d’être affirmatif. Selon l’intérêt défendu, soit l’on fera prévaloir une application actualisée de cet arrêt publié du 17 mai 2018 qui donnerait toujours compétence à la cour pour prononcer d’office l’irrecevabilité des conclusions alors même que le conseiller de la mise en état a toujours eu une compétence exclusive en la matière, soit l’on avancera une approche légaliste pour conclure que, si le législateur a expressément entendu écarter la possibilité pour la cour de relever d’office la sanction de l’irrecevabilité des conclusions, c’est que cette jurisprudence, rendue en l’absence de texte, est bien obsolète.
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