Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

La compétence de l’autorité judiciaire pour les actes de l’administration pénitentiaire

La responsabilité de l’État ne peut être mise en cause que devant le juge judiciaire, s’agissant des actes élaborés par les personnels de l’administration pénitentiaire et transmis au juge de l’application des peines dans le cadre de l’instruction d’une demande de libération conditionnelle.

par Margaux Dominatile 12 mai 2022

Dans une décision du 22 avril 2022, les 9e et 10e chambres réunies du Conseil d’État ont été appelées à déterminer si la juridiction administrative peut connaître du litige relatif aux actes d’investigation réalisés par l’administration pénitentiaire lors d’une procédure d’aménagement de peine.

En l’espèce, une personne détenue forme une demande de libération conditionnelle en 2018. Un rapport est ensuite élaboré par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) à l’intention du juge de l’application des peines dans le cadre de l’instruction de cette demande. Il relate notamment des extraits de conversations téléphoniques qui font état des relations tumultueuses entre le détenu et ses grands-parents, censés l’héberger s’il était libéré. En 2019, la directrice adjointe du centre pénitentiaire où le détenu est écroué émet un avis réservé à la demande d’aménagement de peine, au regard des carences du projet d’hébergement et des « relations non apaisées » du détenu avec ses grands-parents (§ 1 de la présente décision). Le 13 mars 2019, le tribunal de l’application des peines rejette sa demande de libération conditionnelle. Le détenu saisit ensuite le tribunal administratif territorialement compétent d’une demande tendant à la condamnation de l’État en réparation de son préjudice moral. Il estime en effet que « la référence à ses conversations téléphoniques avec sa grand-mère, procédant d’écoutes réalisées et exploitées dans des conditions illégales […], avait exercé une influence sur le sens de ce jugement de rejet » (§ 2). Dans ce dessein, la faute reprochée à l’État ne concerne pas l’écoute des conversations téléphoniques, mais bien l’utilisation de leur retranscription durant la procédure d’aménagement de la peine. En effet, les articles 727-1 et D. 419-3 du code de procédure pénale ne prévoient cette technique qu’aux fins de prévision des évasions et afin d’assurer la sécurité et le bon ordre au sein des établissements pénitentiaires. Cette juridiction ayant rejeté sa demande au fond, il forme un pourvoi en cassation (CJA, art. R. 811-1).

Le Conseil d’État constate d’abord que les jugements qui concernent les mesures de libération conditionnelle sont rendus par le tribunal de l’application des peines « après avis du représentant de l’administration pénitentiaire […] » (C. pr. pén., art. 712-7). Ensuite, il soulève d’office la question de...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :