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La compétence du juge de l’honoraire pour apprécier la nature du mandat
La compétence du juge de l’honoraire pour apprécier la nature du mandat
La Cour de cassation admet que le juge de l’honoraire est compétent pour apprécier le caractère gratuit ou onéreux du mandat confié par le client à son avocat en infléchissant une nouvelle fois l’interprétation de l’article 174 du décret du 27 novembre 1991.
par Cécile Caseau-Rochele 27 novembre 2020
À l’instar des feuilles mortes, les arrêts de la Cour de cassation sur l’étendue du pouvoir du juge de l’honoraire tombent en grand nombre en cette période automnale (v. nos art. : Les pouvoirs du juge de l’honoraire : encore une pierre à l’édifice jurisprudentiel, JCP 2020. 1745 ; Civ. 2e, 22 oct. 2020, n° 19-15.985, Dalloz actualité, 17 nov. 2020), comme en témoigne un nouvel arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 5 novembre 2020.
En l’espèce, un homme a confié en 2003 à son épouse avocate la défense de ses intérêts et ceux de sa sœur dans un litige successoral qui a duré plusieurs années. Entre-temps, le couple a divorcé en 2017. Alors qu’aucune convention d’honoraires n’avait été conclue à l’époque, l’avocate a établi une facture en 2016 que l’ex-époux a refusé de régler en l’absence, selon lui, d’un mandat à titre onéreux, tout en la déchargeant du dossier. L’avocate a alors saisi le bâtonnier de son ordre, puis en appel le premier président, d’une demande de fixation de ses honoraires. Déboutée de toutes ses demandes, elle a formé un pourvoi composé de deux moyens qui portaient, d’une part, sur une question de procédure et, d’autre part, et surtout, sur l’étendue du pouvoir du juge de l’honoraire de se prononcer sur le caractère onéreux du mandat confié à l’avocat. Après avoir écarté le premier moyen comme n’étant pas de nature à entraîner la cassation, la haute juridiction a affirmé très clairement (§ 6) qu’il « relève de l’office même du juge de l’honoraire de déterminer, lorsque cela est contesté, si les prestations de l’avocat ont été fournies ou non à titre onéreux » pour approuver le premier président d’avoir décidé que le mandat qui liait l’avocate et son ex-époux n’avait pas été donné à titre onéreux (§ 7).
L’affaire offre à la Cour de cassation l’opportunité d’énoncer pour la première fois que le juge de l’honoraire est compétent pour se prononcer sur la nature du mandat. La solution peut sembler relever de l’évidence mais elle méritait d’être précisée pour compléter la construction jurisprudentielle relative à la compétence du juge taxateur. Selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation considère en effet que l’appréciation de l’existence du mandat relève de la compétence du juge de droit commun (Civ. 2e, 10 sept. 2009, n° 08-18.800, D. 2011. 552, obs. B. Blanchard ; 8 mars 2018, n° 16-22.391, Dalloz actualité, 20 mars 2018, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2018. 624 ; ibid. 2019. 91, obs. T. Wickers ) par une interprétation restrictive de l’article 174 du décret du 27 novembre 1991. Elle a néanmoins récemment infléchi sa position en admettant que l’appréciation de l’étendue du mandat relève quant à elle de la compétence du juge de l’honoraire (Civ. 2e, 17 janv. 2019, n° 18-10.016, Dalloz actualité, 1er févr. 2019, obs. G. Deharo ; JCP 2019. 450, nos obs.).
La solution mérite d’être approuvée. Elle offre la possibilité au juge taxateur de vérifier qu’un honoraire est réellement dû avant d’en fixer le montant, ce qui est juridiquement cohérent. Par ailleurs, d’un point de vue purement pragmatique, la solution évite à l’avocat qui réclame ses honoraires ou au client qui les conteste de devoir multiplier les procédures entre le juge de droit commun et le juge de l’honoraire (v. déjà C. Caseau-Roche, Honoraires d’avocat : retour sur la jurisprudence récente, D. avocats 2019. 183 ). Ce faisant, la portée de l’arrêt risque en pratique d’être relativement limitée car la question de savoir si l’avocat travaille gratuitement se pose rarement. Il faut avouer que l’affaire était singulière puisque le contentieux sur les honoraires s’inscrivait dans un contexte de conflit conjugal entre les parties. C’est en effet après treize ans de traitement bénévole du dossier que l’avocate a présenté une première facture à son futur ex-époux alors que le couple se séparait.
Au final, l’arrêt démontre une fois encore l’utilité de rédiger désormais une convention d’honoraires pour éviter – ou tout du moins anticiper – un éventuel conflit sur les honoraires d’autant plus délicat lorsqu’il s’inscrit au sein d’une famille déchirée.
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