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Article
Compétence pour connaître d’une demande de production de pièces (bis repetita)
Compétence pour connaître d’une demande de production de pièces (bis repetita)
Dans les procédures comportant une mise en état, une demande de production de pièces formée conformément aux dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile peut être présentée devant la juridiction de jugement par une partie qui n’en a pas saisi le conseiller de la mise en état.
par Maxime Barba, agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Grenoble Alpesle 8 décembre 2023
La production forcée de pièces entre les mains d’une partie ou d’un tiers fait l’objet de peu de jurisprudence. Parce que les textes n’ont pas changé depuis bien longtemps, ce qui est rare en procédure civile. Parce que la jurisprudence n’a pas varié davantage, ce qui est encore plus rare en procédure civile. C’est là un îlot de stabilité. Par cet arrêt publié, la chambre commerciale entend maintenir cette stabilité.
Le litige intéresse au fond le droit des sociétés (ce qui explique la compétence de la chambre commerciale pour en connaître). Le conseil de surveillance d’une SAS révoque le président du directoire et lui verse son solde de tout compte ainsi qu’une indemnité. L’intéressé soutient que sa révocation est abusive. Il assigne la société ainsi que d’autres membres du conseils de surveillance, notamment afin d’obtenir réparation. Le jugement de première instance n’est pas connu. Toujours est-il qu’un appel est interjeté, par le révoqué lui-même.
À hauteur d’appel, l’appelant formule une demande de production de pièces se trouvant entre les mains des intimés, consistant en l’occurrence en un pacte d’actionnaires occulte. La Cour d’appel de Paris juge, par un arrêt du 6 janvier 2022, que la demande de production forcée, sous astreinte, du pacte d’actionnaires relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état (CME) et n’est plus recevable au stade du débat au fond. Pourvoi est formé contre cet arrêt.
Le deuxième moyen de cassation – seul examiné par la Cour – est expéditif. Il place l’arrêt d’appel en contradiction frontale avec la jurisprudence classique de la Cour de cassation, selon laquelle, dans les procédures avec mise en état, une demande de production de pièces formée conformément aux dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile peut être présentée devant la juridiction de jugement par une partie qui n’en a pas saisi le conseiller de la mise en état (Civ. 3e, 15 oct. 2014, n° 13-10.332, Dalloz actualité, 6 nov. 2014, obs. F. Mélin ; AJDI 2015. 54 ; Gaz. Pal. 23 déc. 2014, p. 42, obs. L. Raschel). Dès lors, la seule question est de savoir si la chambre commerciale entend maintenir cette jurisprudence. La réponse, d’une certaine fermeté, est positive :
« Vu les articles 11, 138, 139, 142, 771 et 907 du code de procédure civile :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dans les procédures comportant une mise en état, une demande de production de pièces formée conformément aux dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile peut être présentée devant la juridiction de jugement par une partie qui n’en a pas saisi le conseiller de la mise en état.
6. Pour rejeter la demande de production forcée du pacte d’actionnaires, l’arrêt retient que cette demande relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état et n’est plus recevable au stade du débat au fond.
7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles 11,...
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Auteur(s) : Pierre Callé; Laurent Dargent