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Compétence universelle : la fin du désamour français ?
Compétence universelle : la fin du désamour français ?
Dans deux arrêts très attendus du 12 mai 2023, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a reconnu aux juridictions françaises une compétence universelle dans deux affaires concernant la Syrie et précisé les critères de mise en œuvre de ce mécanisme .
La compétence universelle permet aux juridictions nationales de poursuivre et de juger des infractions en se fondant uniquement sur leur gravité, quand bien même celles-ci auraient été commises à l’étranger, par des étrangers et à l’encontre de victimes étrangères. Elle existe dans de nombreuses législations nationales afin de compléter les mécanismes de justice pénale internationale destinés à lutter contre l’impunité en matière de crimes internationaux.
Selon les pays, les législations en vigueur sont plus ou moins incitatives. En France, le juge se fonde non sur les normes de droit international mais sur les dispositions des articles 689 et suivants du code de procédure pénale pour vérifier sa compétence ; en outre, le droit français soumet la compétence universelle à des conditions de mise en œuvre particulièrement strictes.
Dans les deux affaires qui nous occupent, la Cour de cassation était invitée à se prononcer sur les conditions de mise en œuvre de la compétence universelle prévue par l’article 689-2 du code de procédure pénale relatif aux actes de torture et l’article 689-11 du même code relatif aux crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Les conditions posées par cette dernière disposition sont communément qualifiées de « verrous de la compétence universelle », tant elles tendent à limiter son utilisation.
Le régime français de la compétence universelle a récemment suscité un intérêt très fort au sein de la communauté des juristes, des acteurs de la société civile et, plus largement, des citoyens attachés à l’idée que la France a un rôle éminent à jouer dans la poursuite des crimes internationaux les plus graves.
Cet intérêt s’est surtout fait ressentir à la suite de l’arrêt du 24 novembre 2021 dans lequel la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est fait l’écho de « réticences à une vraie compétence universelle » (K. Mariat, La compétence universelle peut attendre, AJ pénal 2022. 80 ). Dans cet arrêt largement commenté et critiqué, la chambre criminelle a déclaré la justice française incompétente pour juger des faits commis en Syrie entre 2011 et 2013 et susceptibles de revêtir la qualification de crimes contre l’humanité (n° 22-80.057). Le second pourvoi (n° 22-82.468) concerne quant à lui des faits commis en Syrie entre 2012 et 2018 et susceptibles d’être qualifiés de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture.
Cet intérêt s’est encore traduit par la communication qui a entouré les décisions du 12 mai dernier, rendues qui plus est par la formation de jugement la plus solennelle de la Cour de cassation. La diffusion en ligne de l’audience de plaidoiries du 17 mars 2023 (il s’agit de la deuxième audience filmée et diffusée depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1729 du 22 déc. 2021) s’inscrit dans un objectif de transparence sur le fonctionnement de la justice et l’élaboration des décisions (C. Soulard, Audiences filmées : la Cour de cassation ouvre grand la porte de ses audiences, Dalloz actualité, 21 avr. 2023). Elle a, en outre, largement contribué au retentissement de ces arrêts et à la compréhension de leurs enjeux.
De la décision de l’assemblée plénière dépendait l’avenir de la compétence universelle en France, à la fois pour les deux dossiers en cause, mais également pour de nombreuses procédures pendantes : 85 enquêtes préliminaires et 79 instructions, selon les indications données à l’audience par le procureur général près la Cour de cassation.
Les trois questions posées à l’assemblée plénière...
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