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Compétence universelle : la majorité veut aller plus loin

Après les arrêts de la Cour de cassation sur la compétence universelle, les parlementaires veulent aller plus loin pour assouplir les verrous posés par la loi, afin que puissent être jugés en France, des crimes de génocide, contre l’humanité et crimes de guerre commis à l’étranger. Les députés Renaissance ont ainsi déposé un amendement pour supprimer deux des trois critères prévus par la loi.

par Pierre Januel, Journalistele 21 juin 2023

La France a toujours manié avec prudence la compétence universelle pour les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. L’article L. 689-11 du code de procédure pénale prévoit trois verrous : la résidence habituelle en France de l’auteur ; la double-incrimination, imposant que, pour les crimes contre l’humanité et crimes de guerre les faits soit également punis par la législation de l’État où ils ont été commis ; le fait que la poursuite ne puisse être exercée qu’à la requête du procureur de la république antiterroriste.

La législation française a toutefois montré ses limites dans deux contextes très différents. En raison du critère de double-incrimination, la possibilité de juger en France des crimes commis en Syrie a fait l’objet d’une longue controverse juridique. Elle a récemment été tranchée par la cour de cassation (Dalloz actualité, 26 mai 2023, obs. N. Coutrot-Cieslinski), qui après avoir jugé de l’inverse, a adopté une version souple de ce critère. La guerre en Ukraine et les crimes qui y sont commis posent la question de la venue en France de criminels de guerre.

Au Sénat, le socialiste Jean-Pierre Sueur s’est depuis longtemps mobilisé (Dalloz actualité, 17 févr. 2022, obs. P. Januel) sur ce sujet. Lors du passage de la loi Justice, il a fait adopter un amendement pour préciser que, concernant les crimes contre l’humanité et crimes de guerre, la qualification pénale des faits n’avait pas être « identique dans les deux législations ». Il souhaitait également assouplir le critère de résidence, mais il s’est heurté à l’opposition de la rapporteure, qui craignait « son impact sur les relations internationales et sur l’action de la France dans le monde », ainsi que du gouvernement.

Un amendement venu de la majorité

Les députés de la majorité se sont également emparés de ce sujet. Guillaume Gouffier Valente a ainsi travaillé depuis plusieurs mois à une proposition de loi, finalement déposée par l’ensemble du groupe Renaissance. Elle a été reprise dans un amendement du groupe au projet de loi Justice. L’objectif est, là-aussi, de supprimer le critère de résidence, pour permettre l’incrimination de toute personne se trouvant en France. Seul serait conservé le monopole du parquet, afin d’éviter des instrumentalisations comme ce fut le cas en Belgique, où ce monopole fut rétabli après une dizaine d’années.

Guillaume Gouffier Valente veut que ce projet de loi soit l’occasion d’avancer. Comme le conclut sa proposition de loi, la France « ne doit pas affaiblir son rôle dans la justice pénale internationale ni sa crédibilité dans le concert des nations en devenant un refuge d’impunité pour les criminels internationaux ».

L’amendement sera débattu ce mercredi ou jeudi, en commission des lois. Toutefois, selon nos informations, la Chancellerie souhaiterait conserver un critère de résidence, une simple présence en France étant vue comme trop souple. Un compromis pourrait être trouvé d’ici les débats en séance, qui auront lieu début en juillet.