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S’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime être de nature à fonder celle-ci, il n’est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.
par Corinne Bléry, Professeur de droit privé, Université Polytechnique Hauts-de-Francele 11 janvier 2023
L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 15 décembre 2022 est publié. Son attendu de principe est pourtant devenu quasiment rituel, qui rappelle l’exigence jurisprudentielle de concentration des moyens et exclut dans la même foulée la concentration des demandes. Cette publication traduit sans doute ici la volonté de la haute juridiction d’asséner la leçon, alors que, dans l’espèce en question, il n’était pas si difficile de manier ces notions (pour des hypothèses inverses, v. C. Bléry, Délicat maniement de la concentration des moyens ou des demandes : preuve par trois, Gaz. Pal. 26 juill. 2022, p. 37). Exiger la concentration des demandes était en outre assez choquant compte tenu des faits.
En 1998, une enfant de trois ans est blessée dans une station de lavage exploitée par une société, assurée par Generali IARD.
La victime est indemnisée de ses divers préjudices par un arrêt d’appel du 9 février 2006. Par la suite, elle assigne l’assureur, en présence de la CPAM locale, afin d’obtenir l’indemnisation de ses frais de prothèses futures, pour la période postérieure à la fin de sa puberté.
Un premier arrêt, infirmatif, condamne l’assureur à diverses sommes dont une pour les prothèses. Sur pourvoi de l’assureur, l’arrêt est cassé (Civ. 2e, 12 déc. 2019, n° 18-24.398 NP), au visa des articles 455 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, pour des raisons purement procédurales, donc.
La cour d’appel de renvoi confirme au contraire le jugement par un arrêt du 5 janvier 2021. Elle déclare irrecevable la demande présentée au titre des frais prothétiques : le représentant était tenu, d’une part, de présenter lors de l’instance ayant donné lieu à l’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 9 février 2006, toutes les demandes tendant à l’indemnisation du préjudice corporel subi par la victime et, d’autre part, de réserver à cette occasion le poste relatif aux frais prothétiques futurs.
Elle dit n’y avoir lieu d’ordonner une mesure d’instruction et confirme aussi le jugement en ce qu’il déboutait la CPAM.
La victime se pourvoit en cassation, par un moyen divisé en six branches. La Cour de cassation ne répond spécialement qu’à la première, qui invoque une violation des articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile.
La Cour de cassation casse au visa du seul l’article 1355 du code civil et en commençant par rappeler la formule « rituelle » (v. chapô).
Elle expose ensuite les affirmations contradictoires de la cour d’appel pour les condamner : la cour d’appel a violé le texte susvisé en déclarant irrecevable la demande relative aux frais futurs, « alors, d’une part, qu’il résultait de ses propres constatations que les frais de prothèses futures, pour la période postérieure à la puberté, n’avaient pas été pris en compte par l’arrêt du 9 février 2006, d’autre part, que [la victime], sans être contrainte de faire réserver ses droits, n’était pas tenue de présenter, au cours de la première instance, toutes les demandes fondées sur le dommage qu’elle avait subi ».
En application de l’article 624 du code de procédure civile, cette cassation entraîne la cassation des chefs de dispositifs de l’arrêt qui ont dit n’y avoir lieu d’ordonner une mesure d’instruction et qui ont confirmé le jugement déboutant la caisse de toutes ses demandes, principales comme accessoires, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Les parties sont à nouveau renvoyées devant une cour d’appel…
L’autorité de la chose jugée n’en finit pas d’occuper la Cour de cassation. Ici, ce n’est pas la notion stricto sensu qui est en cause, ni même l’obligation procédurale que la haute juridiction lui a rattachée (assez artificiellement) depuis 2006, à savoir l’obligation de concentration des moyens qui incombe aux plaideurs. Il s’agit d’une autre concentration, celle...
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Droit et pratique de la procédure civile 2021/2022
01/2021 -
10e édition
Auteur(s) : Serge Guinchard; Monique Bandrac; Serge Guinchard; Corinne Bléry; Georges Bolard; Vincent Bolard; Nicolas Cayrol; Didier Cholet; Dominique D Ambra; Carole Fattaccini; Frédérique Ferrand; Natalie Fr