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Conclusions en appel, le péché par action et par omission

Aucune sanction ne s’attache à la substitution du mot « Discussion » par d’autres termes dans les conclusions d’appel dès lors que celles-ci distinguent, de manière claire et lisible, les prétentions ainsi que les moyens soutenus en appel à l’appui des prétentions, à la différence de l’omission de la mention de réformation au dispositif des conclusions… si l’appel toutefois est postérieur au 17 septembre 2020.

Il en est de certains épisodes jurisprudentiels comme de certains musiciens, ils se construisent par la répétition des gammes. En mode mineur comme majeur. Cet arrêt, sans doute mineur par son double enseignement, connu pour ne pas dire rabâché, peut apparaître majeur si on l’examine sous l’angle de la confrontation ; l’absence d’un mot ne conduit pas aux mêmes conséquences procédurales.

Deux locataires, un particulier et une société d’ostéopathie, avaient unilatéralement résilié leur bail pour entrave à l’exercice de leur activité professionnelle puis assigné la SCI bailleresse en dommages et intérêts pour résiliation à ses torts. Les deux locataires déboutés relevèrent appel devant la Cour d’appel de Paris, laquelle, ne voyant pas d’intitulé « Discussion » dans leurs conclusions, avait finalement décidé de l’évacuer. Reprochant à la cour d’avoir refusé d’examiner ses moyens invoqués dans ses conclusions au soutien de ses prétentions, les locataires formèrent un pourvoi et la SCI bailleresse, qui de son côté fut sanctionnée faute d’effet dévolutif de son appel incident dès lors que l’infirmation du jugement n’avait pas été mentionnée au dispositif de ses conclusions d’intimée, présenta un pourvoi incident. L’appréciation expéditive de la Cour de Paris est censurée par la deuxième chambre civile qui, cassant et annulant la décision, apporte cette double solution :

« Vu l’article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :
(…)
9. En statuant ainsi, alors que les conclusions de l’appelante distinguaient, de manière claire et lisible, les prétentions ainsi que les moyens soutenus en appel à l’appui des prétentions, la cour d’appel, qui a ajouté au texte une condition qu’il ne prévoit pas, a violé le texte et le principe susvisés ».
Et sur le moyen du pourvoi incident,
« Vu les articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
(…)
16. En statuant ainsi, la cour d’appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l’état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n’était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 16 avril 2019, une telle portée résultant de l’interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’application de cette règle de procédure dans l’instance en cours aboutissant à priver la société SCI d’un procès équitable au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Le péché par action : la forme cède devant le fond

Après Douai, voilà Paris ! On a encore en tête l’arrêt de la Cour d’appel de Douai qui avait refusé de prendre en compte les prétentions faute pour une partie d’avoir intitulé sa discussion « Discussion ». Face à cette maxima culpa de l’appelant dont le tort avait été de substituer un terme par un autre, en l’occurrence « En droit » au lieu de « Discussion », la Cour de cassation n’avait pas hésité : si la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion, il n’est pas exigé que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d’appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion », lesquels doivent seulement apparaître de manière claire et lisible. Il suffit de se reporter à cet arrêt (Civ. 2e, 8 sept. 2022, n° 21-12.736 F-B, Dalloz actualité, 13 oct. 2022, obs. R. Laffly ; D. 2022. 1600 ; ibid. 2023. 571, obs. N. Fricero ; AJDI 2022. 775 ; JCP 24 oct. 2022, obs. N. Gerbay) pour constater que la solution donnée est rigoureusement identique à celle d’aujourd’hui. Tout y est, à nouveau au mot près : la dénaturation des écritures, la portée des textes, l’absence d’une exigence formelle du terme discussion ou encore le constat de conclusions qui...

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