Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Concurrence déloyale caractérisée pour une vente de bijoux contrefaisants : sanction au titre du risque de confusion de « l’effet de gamme »

La commercialisation d’une « gamme entière » de bijoux reproduisant à l’identique des modèles de bijoux originaux constitue un acte de contrefaçon et un acte de concurrence déloyale lorsqu’elle est susceptible de générer un risque de confusion et qu’elle révèle un acte parasitaire.

L’appréciation de l’originalité des bijoux Hermès reproduits

L’action en contrefaçon et en concurrence déloyale exercée par la société Hermès était fondée en l’espèce sur les faits d’importation et de commercialisation de bracelets, colliers, boucles d’oreilles et boutons de manchette par la société Creative Guiot de Bourg qui portaient atteinte selon elle à ses droits sur le modèle de bijou « Chaîne d’ancre » et ses dérivés. Ce modèle commercialisé depuis plusieurs années par la société Hermès sous forme de bracelets et de colliers présente la particularité de reproduire au niveau du fermoir le système d’une ancre marine, c’est-à-dire d’une chaîne constituée de maillons argentés qui s’attache avec un fermoir en forme de T. Ce modèle est décliné dans une gamme complète de bijoux. La contrefaçon était invoquée au titre du droit des dessins et modèles et du droit d’auteur.

S’agissant de l’atteinte aux droits de la société Hermès sur les modèles communautaires de bijou DM/063981 et DM/078873, la qualification de la contrefaçon ne soulevait aucune difficulté, bien que traditionnellement d’application complexe et exigeante (Com. 23 juin 2021, n° 19-18.111, D. 2021. 1237 ; ibid. 2022. 1433, obs. J.-C. Galloux et P. Kamina ; Dalloz IP/IT 2022. 36, obs. A.-E. Kahn ; à propos d’un modèle de verre protégé par la société Lalique, la Cour rappelle que l’impression visuelle globale produite par les modèles litigieux suppose de prendre en compte tous les éléments et de ne pas en exclure certains, en l’occurrence la tige et le socle du verre devaient être également inclus dans l’analyse).

La contrefaçon au sens de l’article L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle relatif aux modèles s’apprécie, en effet, en fonction de l’impression visuelle d’ensemble qui se dégage de la copie alléguée, la contrefaçon étant écartée lorsque cette impression est différente de celle du modèle copié. Or, les bijoux commercialisés par la société Creative Guiot de Bourg reproduisaient à l’identique la gamme Hermès, le critère tenant à l’impression visuelle globale était donc satisfait.

S’agissant de l’atteinte au droit d’auteur, l’appréciation de la contrefaçon appelle plus de précisions dans la mesure où elle repose sur l’originalité de l’œuvre prétendument reproduite, ce qui ne relève pas de l’évidence s’agissant du domaine des arts appliqués. Rappelons qu’en vertu de l’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle, les œuvres de l’esprit sont protégées, « quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination » par le droit d’auteur du seul fait de leur originalité, ce qui inclut la catégorie des œuvres d’art appliqué (Com. 18 juin 1970, n° 69-10.375). Toutefois, l’originalité est d’appréciation plus délicate en matière d’art appliqué puisque la création a une vocation utilitaire et qu’elle se heurte à l’impossibilité de protéger une forme qui serait l’expression de sa fonction...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :