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Concurrence déloyale, violation d’une obligation contractuelle et action en contrefaçon : clarification de la règle du non-cumul des responsabilités
Concurrence déloyale, violation d’une obligation contractuelle et action en contrefaçon : clarification de la règle du non-cumul des responsabilités
Le 5 octobre 2022, la Cour de cassation, dans un arrêt publié au Bulletin, confirme sa jurisprudence constante en matière de concurrence déloyale et clarifie l’articulation de l’action en contrefaçon, de l’action en responsabilité civile (plus précisément en parasitisme) et de la responsabilité contractuelle. Elle précise que la violation d’un contrat de licence de logiciel doit être considérée comme une contrefaçon.
Si l’économie numérique fait l’objet d’une attention constante au regard du droit de la concurrence, à propos des abus de position de dominante ou du contrôle des concentrations notamment, le droit de la responsabilité civile révèle également toute son utilité et sa pertinence dans ce domaine. Le contentieux relatif à la reproduction du code source d’un logiciel est à cet égard particulièrement riche. En voici une nouvelle illustration.
Le 5 octobre 2022, la Cour de cassation, dans un arrêt publié au Bulletin, a clarifié l’articulation de l’action en contrefaçon, de l’action en responsabilité civile (plus précisément en parasitisme) et de la responsabilité contractuelle. Elle confirme ainsi sa jurisprudence constante en matière de concurrence déloyale et précise le domaine d’application du principe de non-cumul des responsabilités.
Les faits qui ont donné lieu à l’affaire sont assez classiques. Une société (la société Entr’ouvert) a mis au point un logiciel dénommé « Lasso » qui permet la mise en place d’un système d’authentification unique qu’elle diffuse sous licence libre GNU GPL (la GNU General Public License qui fixe les conditions légales de distribution d’un logiciel libre du projet GNU, créé par Richard Stallman). À la suite d’un appel d’offres de l’État pour la réalisation du portail « mon service public », la société Orange avait proposé une solution informatique de gestion d’identités et de moyens d’interfaces à destination des fournisseurs de services, par le truchement d’une plateforme dénommée IDMP (IDentité Management Platform). Or, cette plateforme intégrait le logiciel Lasso qui y était enchâssé. Orange avait finalement remporté cet appel d’offres.
Mais l’entreprise Entr’ouvert, titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le logiciel en question, estimant que la mise à disposition de son logiciel par l’intermédiaire du système IDMP n’était pas conforme aux clauses de la licence libre et constituait un acte de concurrence déloyale, a fait procéder à une saisie-contrefaçon et a assigné la société Orange en contrefaçon de droits d’auteur et en parasitisme.
Le jugement de première instance, en date du 21 juin 2019, avait déclaré la société Entr’Ouvert irrecevable à agir sur le fondement de la contrefaçon et avait rejeté sa demande au titre du parasitisme. Par un arrêt du 19 mars 2021, la cour d’appel de Paris avait quant à elle condamné le concessionnaire (la société Orange) à payer 150 000 € de dommages et intérêts pour parasitisme, mais avait rejeté l’action en contrefaçon.
Un pourvoi en cassation a été formé par le concédant, accompagné d’un pourvoi incident du concessionnaire. C’est donc à une double question que la Cour de cassation devait en l’espèce répondre. D’abord, s’agissant de la qualification des faits distincts, condition de l’action cumulative en concurrence déloyale et en contrefaçon ; et, ensuite, s’agissant du cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles.
L’avantage de pouvoir répondre à un appel d’offres s’apparente à un fait distinct de l’acte de contrefaçon d’un logiciel libre
C’est d’abord le moyen du pourvoi incident qui attire l’attention.
Rappelons que les titulaires de droits de propriété intellectuelle considéraient que la société Orange avait violé les articles 4 et 10 de la licence GNU GPL 2 en incorporant une partie du programme informatique Lasso dans un autre programme, et ce, sans autorisation du titulaire des droits. C’est toutefois sur le fondement des agissements parasitaires, et donc de l’article 1240 du code civil, que les juges d’appel ont condamné Orange à des dommages et intérêts.
Il était reproché au juge du fond d’avoir dénaturé les conclusions des parties en condamnant la société à des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle, pour des faits qui auraient dû être tirés de la violation des clauses du contrat de licence. En somme, se posait la question suivante : l’acte de parasitisme, consistant dans l’intégration du logiciel du concédant dans le logiciel du concessionnaire, constitue-t-il un fait distinct de la violation du contrat de licence, emportant la recevabilité de l’action cumulative ?
Car, en filigrane, c’est dans l’épineuse question des « faits distincts » que le premier enseignement de l’arrêt s’insère. L’on sait en effet que l’action en concurrence déloyale peut être exercée cumulativement avec l’action en contrefaçon à...
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