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Condamnation de la France pour refus d’indemnisation de dégradations subies par un château saisi pendant une information judiciaire

La France est condamnée à l’unanimité pour violation du droit au respect des biens, dans une procédure dans laquelle un château, saisi pendant quelques années, avait subi des dégradations importantes. Le motif déterminant de cette condamnation est la « preuve impossible » imposée à la requérante propriétaire du bien du lien de causalité entre l’inertie de ses services et la survenance des dommages, notamment en l’absence de tout inventaire établi à l’origine.

Par un arrêt qui servira très certainement et concrètement aux praticiens, pour rappeler aux autorités judiciaires leur devoir de veiller à la conservation des biens qu’elles saisissent provisoirement, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France à l’unanimité pour violation du droit au respect des biens (art. 1er du Premier protocole additionnel à la Convention) résultant du refus d’indemniser une personne morale qui avait vu son château – saisi et placé sous « scellé » au cours d’une instruction – subir d’importantes dégradations. C’est l’aboutissement d’une procédure de près de vingt années, qui témoigne s’il en était besoin du temps nécessaire à ce que des législations et des pratiques plus respectueuses des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme soient mises en place par les États membres.

Acte 1 : la procédure judiciaire ayant conduit à la saisie du château

L’information judiciaire, ouverte en 2002, concernait des anomalies financières de gestion constatées dans une société anonyme en lien avec la SCI propriétaire du bien. Il apparaissait que cette société avait pris en charge des frais relatifs à la constitution de la SCI et à l’acquisition ainsi qu’à la rénovation du château. Les qualifications relevées étaient celles de blanchiment, abus de biens sociaux et banqueroute, à l’encontre notamment du promoteur immobilier qui occupait un poste dans chacune des sociétés.

Quelques semaines plus tard, ainsi qu’il ressort d’un procès-verbal de transport, la saisie « matérielle » était intervenue sur le fondement de l’article 92 du code de procédure pénale pour un motif juridique qui demeure assez flou, lié à l’utilité pour la manifestation de la vérité comme à la crainte « d’une dissipation par changement de propriétaire de manière frauduleuse ». Dans les faits, et cela prête presque à sourire, la saisie s’était matérialisée par l’apposition d’« une bande police autour de la totalité du château », ainsi que d’un verrou extérieur sur la porte principale, dont la clé avait été gardée sous scellé. Il ne s’agissait pas d’une saisie pénale spéciale, puisque ces saisies n’existaient pas jusqu’en 2010. Aucun régime encadrant la saisie d’un tel bien immobilier n’était alors prévu par la loi. Malgré plusieurs alertes données au juge d’instruction par la propriétaire du château, indiquant notamment que...

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