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Condamnation de Mathieu Gallet pour favoritisme : ce qu’il faut retenir du jugement

Le TGI de Créteil vient de reconnaître l’ancien président de l’INA coupable de délit d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics en raison de certains marchés passés par cet institut ne répondant pas aux règles de forme applicables en la matière. L’analyse de ce jugement peut néanmoins susciter un certain nombre d’interrogations.

par Jérôme Lasserre Capdevillele 29 janvier 2018

Aux termes de l’article 432-14 du code pénal : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession » (sur ce délit, v. Rép. pén., Favoritisme [Marchés publics], par J. Lasserre Capdeville ; J.-Cl. Pénal, Favorisme, par C. Claverie-Rousset, fasc. 10, 2016).

Cette infraction, dite de « favoritisme », est au cœur d’une affaire médiatique intéressant l’ancien président du conseil d’administration de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Il lui est ainsi reproché d’avoir méconnu, au moment de sa présidence, certaines dispositions de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics (JO 7 juin), du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article 3 de l’ordonnance précitée (JO 31 déc.) et enfin de la réglementation interne à l’INA, par la communication d’une information utile à une société finalement candidate, mais aussi par l’instauration d’un délai limité à cinq jours pour faire acte de candidature à un marché, par la passation d’un avenant et d’un marché complémentaire indus et enfin par une scission opérée à propos de l’achat de prestations de conseil auprès d’une société.

Par un jugement du 15 janvier 2018, la 9e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance (TGI) de Créteil reconnaît le prévenu coupable du délit de favoritisme envisagé par l’article 432-14 du code pénal en raison des manquements précités. Il est condamné à une peine d’un an emprisonnement avec sursis ainsi qu’au paiement d’une amende de 20 000 €. Les médias ont relayé ces derniers jours cette condamnation, en raison notamment de l’activité exercée par l’intéressé aujourd’hui à Radio France (A. Piquard, Favoritisme à l’INA : Mathieu Gallet condamné à un an de prison avec sursis, Le Monde, 16 janv. 2018)

Cette décision, prenant la forme d’un jugement de 30 pages, a pour intérêt de nous rappeler dans quelles circonstances le délit précité peut être retenu. Il est vrai que cette incrimination ne donne pas lieu à une jurisprudence très abondante ces dernières années, du moins de la part de la Cour de cassation (réc., v. simplement, Crim. 6 déc. 2017, n° 16-85.947 ; 15 mars 2017, n° 16-83.838, Dalloz actualité, 7  avr. 2017, obs. C. Benelli-de Bénazé ). Pour autant, elle n’échappe pas, selon nous, à toute interrogation, tant sa motivation laisse parfois à désirer concernant l’élément matériel du délit, caractérisé à plusieurs reprises (I), ainsi que son élément moral (II).

I. La caractérisation de l’élément matériel du délit

Un constat préalable s’impose : nous ne sommes pas ici en présence de marchés publics « traditionnels ». En effet, cela a été dit dans l’introduction, ils relevaient de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et son décret d’application n° 2005-1742 du 30 décembre 2005. Il convient de garder à l’esprit que l’INA est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) financé majoritairement sur fonds publics et inscrit sur la liste des organismes divers d’administration centrale (ODAC) par le ministère de l’économie et des finances. Cela expliquait l’exclusion des règles « traditionnelles » du code des marchés publics. En outre, on comprend à la lecture de la décision que l’INA pouvait, grâce à sa réglementation interne, s’écarter de certaines des dispositions précitées. Voilà qui complique la situation. Cela est d’ailleurs très net à la vue du jugement. Ce dernier reproduit, à la page 17, deux notes de la Cour des comptes indiquant les principales règles de forme à appliquer en fonction du montant des marchés passés, sans viser lui-même un quelconque fondement légal ou réglementaire.

Plusieurs faits sont donc reprochés au prévenu : la communication préalable d’une information relative à un marché à un candidat (A), l’instauration d’un délai de dépôt des candidatures privilégiant l’un des candidats (B) et enfin des fractionnements de marchés afin d’échapper à des règles de procédure trop lourdes (C).

A. La communication d’une information à un candidat

Le délit de favoritisme a été retenu, à plusieurs reprises, en cas de divulgation privilégiée et confidentielle d’informations à une entreprise candidate portant, par exemple, sur la consistance du marché projeté, sur les offres des concurrents, sur le coût, etc. (Crim. 12 juin 2003, n° 02-81.122, RSC 2004. 427, obs. J. Buisson  ; 20 avr. 2005, n° 04-83.017, Bull. crim. n° 139 ; D. 2005. 2454 , obs. A. Bugada, Y. Picod, Y. Auguet, F. Chopin, N. Dorandeu, M. Gomy, S. Robinne et V. Valette ; RTD com. 2005. 857, obs. B. Bouloc ; 7 sept. 2005, n° 05-80.164 ; 14 févr. 2007, n° 06-81.924, Bull. crim. n° 47 ; AJDA 2007. 853 , note J.-D. Dreyfus ; AJ pénal 2007. 183 ; 23 mai 2007, n° 06-87.898).

En l’espèce, il est reproché au prévenu de s’être entretenu avec un associé de la société R…, lors de l’exécution d’un premier marché qu’elle avait obtenu, sur l’existence future d’un second marché pour résoudre la problématique de la direction des collections INA. Les juges estiment, dans leur décision du 15 janvier 2018, qu’il « est donc établi qu’au cours du premier contrat souscrit avec la société R…, [le prévenu] a fourni des éléments d’information […] qui ont procuré ou tenté de procurer à cette société un avantage injustifié pour la mettre en position favorable en vue de l’appel à la concurrence lors du marché suivant de 2013 ». Ils déclarent encore que, par ces actes de communication d’information, l’ancien président du conseil d’administration « a sciemment commis les premiers faits délictueux qui lui est reproché (sic) ».

Ce passage peut susciter, selon nous, quelques interrogations. Cela a été noté, la caractérisation du délit implique d’être en présence d’une information intrinsèquement utile pour le candidat, c’est-à-dire privilégiée. À défaut de pouvoir démontrer cette caractéristique, le délit ne sera logiquement pas retenu (Paris, 21 nov. 2008, n° 07/05606).

Or qu’en était-il en l’espèce ? Il semble que l’information portait uniquement sur l’éventualité d’un nouveau marché. L’information ne paraissait donc pas très précise. Surtout, si le marché a bel et bien été passé, cela a été seulement en 2013, c’est-à-dire plus de deux après la communication en question. Peut-on alors encore parler d’information privilégiée dans de telles circonstances ? Les juges ont implicitement répondu par la positive, mais hélas sans motiver ce point. Il serait heureux que les juges d’appel, qui auront à connaître prochainement de cette affaire, soient plus précis sur ce point.

B. L’instauration d’un délai de dépôt des candidatures privilégiant l’un des candidats

Il est également reproché au prévenu d’avoir procuré un avantage injustifié à la société R… en fixant un délai relativement court pour le dépôt des candidatures pour un nouveau marché. Plus précisément, ce délai se situait entre la date de publication de l’avis d’appel à candidature au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), soit le 22 février 2013, et la date limite de réception des candidatures, ici le 27 février 2013. Il était donc de cinq jours.

La 9e chambre correctionnelle du TGI de Créteil affirme alors que : « l’extrême brièveté de ce délai de deux jours et demi, ou trois jours et demi pour les entreprises de conseil travaillant le samedi, n’avait pour but de procurer ou de tenter de procurer à cette société un avantage injustifié pour la mettre en position favorable lors de cet appel à la concurrence lors de ce marché de 2013. Dans ces conditions d’absence totale d’urgence notamment, ce très bref délai ne pouvait avoir pour but que de favoriser la société R. ». Voilà qui est catégorique.

Plusieurs observations s’imposent pourtant à la lecture de la décision. Tout d’abord, aucun texte, à notre connaissance, n’impose un délai déterminé pour ce type d’opération. De plus, il faut noter que ce délai de 5 jours a été imposé à l’ensemble des candidats et que 16 entreprises ont répondu à l’avis en question. Sept d’entre elles ont d’ailleurs été sélectionnées et elles ont toutes été auditionnées. Enfin, si le délai pour faire acte de candidature au marché était effectivement très court, il en a été différemment pour la suite de la procédure, et notamment le dépôt des offres.

Surtout, il est manifeste que les juges ont souhaité lier ce chef de poursuite avec celui évoqué précédemment : c’est parce que la société R. savait qu’il y aurait un nouveau marché qu’il a été plus simple pour elle, que pour ses concurrentes, de déposer sa candidature. Or, pour pouvoir se prononcer de la sorte, encore faut-il, à notre sens, que l’information en question soit véritablement privilégiée, et donc utile, à la société en question.

Était-ce le cas ? Observons les faits. Il était, semble-t-il, simplement attendu des entreprises intéressées par le marché de candidater à celui-ci et de remettre neuf documents justifiant de leurs capacités professionnelles (liste de références de prestations de même nature effectuées antérieurement), leur capacité technique (moyens humains et techniques affectés à la gestion des dossiers) et capacités financières (chiffre d’affaires global et chiffre d’affaires réalisé en rapport avec l’objet du marché). Dès lors, le fait de savoir qu’un marché sera ouvert un jour indéterminé, au final plus de deux ans après cette communication, est-il de nature à favoriser la société « informée » pour mieux se produire les documents précités et donc élaborer bien plus facilement un acte de candidature ? Le jugement du TGI ne dit mot, hélas, sur ce point.

C. Le fractionnement de marchés afin d’échapper à certaines exigences procédurales

Les règles de procédure applicables aux marchés publics sont d’une intensité variable selon l’estimation du montant du marché. Une manœuvre fréquente consiste alors à diviser le marché pour que son montant soit inférieur aux seuils à partir desquels s’imposent notamment les procédures de publicité et de mise en concurrence. On parle classiquement, dans ce cas, de « saucissonnage ». Cette hypothèse a été caractérisée à plusieurs reprises par les juges (v. par ex., Crim. 11 déc. 2002, n° 02-80.699, Bull. crim. n° 374 ; 28 janv. 2004, n° 02-86.597, Bull. crim. n° 23 ; AJDA 2004. 885 , note J.-D. Dreyfus ; RDI 2004. 297, obs. J.-D. Dreyfus ; RSC 2004. 633, obs. E. Fortis ; RTD com. 2004. 623, obs. B. Bouloc ; 7 avr. 2004, n° 03-84.191, Bull. crim. n° 93 ; D. 2004. 1864 ; 13 sept. 2006, n° 05-83.159 ; 6 juin 2007, n° 06-85.072 ; 10 sept. 2008, n° 08-80.589, RTD com. 2009. 220, obs. B. Bouloc ; 6 oct. 2010, n° 10-82.839).

Or cette hypothèse est relevée à deux reprises dans l’affaire qui nous occupe. Néanmoins, dans ces cas encore, des interrogations demeurent.

En premier lieu, il est reproché au prévenu d’avoir procuré à la société R… un avantage injustifié en signant le 10 octobre 2013 avec cette société un avenant, pour un montant de 19 000 €, au marché initial notifié le 26 avril 2013 (lui-même de 180 000 €), mais aussi d’avoir signé, avec la même société, un marché complémentaire, pour un montant de 90 000 €, au marché initial.

Dès lors, pour le jugement, « ce découpage à dessein d’une prestation de service répondant à l’unicité de cette définition constitue un artifice pour masquer, à travers une scission d’achats de prestation de conseil, la volonté de ne contracter à nouveau qu’avec la société R… en violations des dispositions de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 […] et son décret d’application n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 […] ».

Mais étions-nous en présence d’un marché unique ainsi « découpé » ? Les juges l’estiment par une motivation que l’on peut qualifier de « sommaire » : « Comme le Contrôleur général économique et financier et la Cour des comptes l’ont successivement établi, les prestations convenues en 2013 par le marché initial, l’avenant n° 1 et le marché complémentaire avec la société R…, représentent un tout homogène constituant une unité fonctionnelle pour un ensemble de prestations nécessaires à un même projet ». Rien de plus.

En second lieu, la SARL B… aurait été également avantagée. En l’espèce, il est reproché au prévenu d’avoir scindé l’achat de prestations de conseil, en recrutant sans mise en concurrence préalable d’autres prestataires et sans appel d’offres à candidature, cette SARL par plusieurs contrats successifs. Ces derniers portaient, pour les années 2012, 2013 et 2014, sur les montants respectivement de 50 000 euros, puis à nouveau 50 000 € et enfin 30 000 €. Ainsi, du fait de tels montants, ils avaient pu faire l’objet, chacun, d’une procédure déléguée impliquant un formalisme léger.

Or, pour le TGI de Créteil, « force est de constater que ce découpage à dessein d’une prestation de service répondant à l’unicité de cette définition constitue un artifice pour masquer, à travers une scission d’achats de prestations de conseil, la volonté de ne contracter sans mise en concurrence qu’avec M. P… sous couvert de la société B… créée à cet effet, et ce en violation de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 […] et à son décret d’application n° 2005-649 du 6 juin 2005 […] ».

Ainsi, comme pour le cas précédent, l’accent est mis sur une prestation de service unique qui aurait été découpée afin d’échapper à l’application de règles de procédure plus lourdes. Cependant, et là encore, cette affirmation est peu étayée : « Comme la Cour des comptes l’a relevé : […] la récurrence des contrats avec la même entreprise aurait pu amener l’INA à s’interroger sur l’homogénéité des prestations et considérer que les contrats, dès 2013, auraient dû relever d’une procédure “allégée” impliquant la mise en œuvre » de certaines règles de procédure.

L’ancien président du conseil d’administration de l’INA ayant interjeté appel de ce jugement, il y a lieu à espérer que les juges qui auront à se pencher à nouveau sur cette affaire rechercheront plus précisément, à la vue des circonstances de fait, si les prestations concernées étaient bien homogènes, et donc si concrètement nous étions en présence de marchés ayant été indûment fractionnés.

Pour résumer, une décision plus argumentée est attendue à propos des différents éléments matériels du délit retenus ici par les magistrats du TGI de Créteil. Il en va en outre de même à propos de l’élément intentionnel de l’infraction.

II. La caractérisation de l’élément moral du délit

Le délit d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics est une infraction intentionnelle. Il est vrai que pour l’article 121-3 du code pénal, tous les crimes et délits sont intentionnels hormis, concernant les délits, lorsque la loi en dispose autrement. Or l’article 432-14 ne disant rien sur ce point, l’incrimination est obligatoirement intentionnelle. La jurisprudence a d’ailleurs confirmé cette solution à de nombreuses reprises (Crim. 14 janv. 2004, n° 03-83.396, Bull. crim. n° 11 ; D. 2004. 470, et les obs. ; AJ pénal 2004. 113, obs. A. Pitoun ; RTD com. 2004. 623, obs. B. Bouloc ; Dr. pénal 2004. Comm. 50, obs. M. Véron). La doctrine a d’ailleurs pu noter que cet élément moral prenait la forme à la fois d’un dol général, ici la conscience et la volonté du prévenu de commettre l’élément matériel de l’infraction, et d’un dol spécial, qui se traduira par la volonté de privilégier un candidat en particulier (v. Rép. pén., v° Favoritisme [Marchés publics], v. J. Lasserre Capdeville, n° 97).

Cependant, force est de reconnaître qu’en matière de favoritisme, les magistrats ne s’embarrassent pas toujours pour caractériser précisément l’élément intentionnel précité. Ils recourent en effet souvent à des présomptions en se fondant, plus particulièrement, sur la qualité de l’intéressé. Cette jurisprudence se retrouve tant à l’égard des élus que des professionnels (Crim. 15 sept. 1999, n° 98-87.588, Dr. pénal 2000. Comm. 28, obs. M. Véron ; 15 déc. 2004, n° 03-83.474 ; 8 mars 2006, n° 05-85.276 ; 27 sept. 2006, n° 06-81.300 ; 25 juin 2008, n° 07-88.373, Bull. crim. n° 166 ; AJDA 2008. 1463 ; AJ pénal 2008. 466 ; RTD com. 2009. 220, obs. B. Bouloc ; pour le cas d’un président d’université, v. Crim. 17 déc. 2008, n° 08-82.319, Bull. crim. n° 261 ; AJDA 2009. 725 ; AJ pénal 2009. 131, obs. J. Lasserre-Capdeville ; RSC 2010. 141, obs. C. Mascala ; RTD com. 2009. 471, obs. B. Bouloc ).

Dans l’affaire qui nous occupe, il apparaît que les juges du TGI de Créteil se sont inspirés de cette jurisprudence. En effet, le prévenu soutenait que, « venant du privé », il n’avait pas une connaissance particulière de la réglementation en matière de marchés publics et qu’il souhaitait faire appel comme il en avait l’habitude dans ses activités précédentes, à des sociétés de conseil. Il mettait donc en avant son absence de connaissance précise des règles applicables aux marchés publics passés par l’INA. Or la 9e chambre correctionnelle réfute ce moyen en rappelant que l’intéressé est diplômé de l’IEP de Bordeaux où il a suivi la formation de la section ECO-Fi et a ensuite obtenu un diplôme d’analyse économique et décisions publiques à l’Université de Paris Panthéon-Sorbonne. Il est alors affirmé que « sa formation universitaire l’a amené pour le moins à se questionner sur la commande publique et les grands principes des marchés publics ». Son passé professionnel est également pris en considération pour au final estimer qu’il a commis « sciemment l’ensemble des faits qui lui sont reprochés » et donc délibérément perpétré le délit de favoritisme.

Cette solution est a priori convaincante. Pourtant un élément peut susciter la discussion selon nous. Notre hypothèse est loin d’être « classique ». En effet, il ne s’agissait pas d’appliquer les règles du code des marchés publics, mais des dispositions particulières trouvant leur siège dans l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, mais aussi dans son décret d’application, voire dans la réglementation interne à l’INA.

La réglementation applicable à l’espèce n’était pas des plus connues. D’ailleurs, le jugement se contente de reproduire à sa page 17 un rappel des règles applicables en citant deux notes de la Cour des comptes, et ce sans mentionner un quelconque article.

Soulignons encore que, jusqu’à une date récente, on ne savait même pas de façon certaine si un manquement à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 pouvait entraîner la caractérisation du délit de favoritisme envisagé par l’article 432-14 du code pénal. Il a fallu que la chambre criminelle de la Cour de cassation rende une décision le 17 février 2016 pour qu’une réponse positive soit expressément dégagée sur ce point (Crim. 17 févr. 2016, n° 15-85.363, AJDA 2016. 342 ; ibid. 1239 , note S. Niquège ; D. 2016. 483 ; AJ pénal 2016. 266, obs. A. Février ; AJCT 2016. 399, obs. J. Lasserre Capdeville ; RTD com. 2016. 345, obs. B. Bouloc ).

L’ancien président du conseil d’administration de l’INA n’avait-il donc absolument pas le droit de ne pas connaître parfaitement ces dispositions, alors que les juges font eux-mêmes preuve de prudence en la matière, en se contentant de reproduire les deux notes précitées, du fait de l’incertitude entourant cet encadrement juridique ? On peut légitimement s’interroger.