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Conditions de garde à vue : réserve d’interprétation en cas d’atteinte à la dignité

Lorsque les conditions de garde à vue portent atteinte à la dignité de la personne, le Conseil constitutionnel juge, par une réserve d’interprétation, que l’autorité judiciaire doit prendre immédiatement toute mesure permettant de mettre fin à cette atteinte ou, si aucune mesure ne le permet, ordonner la remise en liberté.

Par des recommandations publiées au Journal officiel le 21 septembre 2021, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a dressé un bilan calamiteux des conditions matérielles de déroulement de garde à vue en France, dénonçant « la totale indignité des conditions d’accueil dans les locaux de garde à vue et de dégrisement de la police nationale, singulièrement sur le ressort de la préfecture de police de Paris ». Malgré les alertes régulières émanant de ses services depuis plus de dix ans, la CGLPL a ainsi constaté l’état déplorable de locaux, souvent inadaptés et sous-dimensionnés, induisant des conditions d’accueil indignes, tout autant que des situations d’hygiène structurellement dégradantes. Toutefois, malgré les réponses et justifications apportées par les autorités publiques, cette situation n’a guère évolué au fil des années.

Forte de ce triste constat, l’Association des avocats pénalistes (ADAP) a engagé un contentieux administratif afin qu’il soit enjoint aux ministres compétents de prendre toutes mesures utiles à faire cesser de telles atteintes aux droits des personnes. Au soutien de son action, l’ADAP a présenté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), portant sur les articles 62-3, 63, 63-5, 154 et 706-88 du code de procédure pénale. Dès lors que le placement et le maintien en garde à vue d’un justiciable n’est pas subordonné à des capacités d’accueil et des conditions matérielles assurant le respect de la dignité des personnes, le Conseil d’État, jugeant la question sérieuse, a décidé de la transmettre au Conseil constitutionnel.

Conforté par les interventions volontaires du Conseil national des barreaux (CNB) et du Syndicat des avocats de France (SAF), ce contentieux s’est inscrit dans la droite ligne de récentes évolutions jurisprudentielles, ayant inspiré l’adoption de l’article 803-8 du code de procédure pénale qui protège désormais le droit au respect de la dignité en prison (v. not., Dalloz actualité, 21 déc. 2020, obs. H. Diaz ; ibid., 26 avr. 2021, obs. H. Diaz). Le débat pouvait ici se résumer en une question, simple et élémentaire, ainsi que l’énonçait Me Patrice Spinosi pour l’ADAP : quelle(s) garantie(s) effective(s) et concrète(s), le Conseil constitutionnel voulait-il assurer à la dignité des personnes ainsi détenues ?

Le Conseil constitutionnel : juge de la constitutionnalité de la loi, pas de son application

Par une décision du 30 juillet 2010, les sages de la rue Montpensier ont déjà eu l’occasion d’affirmer « qu’il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de veiller à ce que la garde à vue soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne ; qu’il appartient, en outre, aux autorités judiciaires compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par le code de procédure pénale et, le cas échéant, sur le fondement des infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne gardée à vue et d’ordonner la réparation des préjudices subis » (Cons. const. 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, AJDA 2010. 1556 ; D....

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