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Conditions du refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen fondé sur la vie privée et familiale

Pour refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, les juges doivent apprécier la proportionnalité de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale de la personne recherchée, et non par sa délivrance.

Par un arrêt du 20 octobre 2021, la chambre criminelle a rappelé que la chambre de l’instruction doit, lorsqu’elle se prononce sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, apprécier la proportionnalité de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale de la personne recherchée par l’exécution du mandat, et non par sa délivrance. La chambre de l’instruction avait en effet contrôlé la proportionnalité de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale par la délivrance du mandat d’arrêt européen par les autorités allemandes. Si la chambre criminelle a désapprouvé un tel contrôle, elle n’a pas pour autant cassé l’arrêt, en ce qu’il résultait de ses énonciations que la remise aux autorités allemandes de la personne recherchée ne portait pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

La solution n’a rien de nouveau : il y a déjà plus de dix ans, la chambre criminelle a affirmé que l’atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale, découlant de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui pouvait résulter de la remise de la personne, constituait un motif de refus d’exécution du mandat d’arrêt européen (Crim. 12 mai 2010, n° 10-82.746, AJ pénal 2010. 408, obs. J. Lasserre Capdeville ; RSC 2011. 469, chron. B. Aubert ). Après quelques hésitations (v. par ex. Crim. 30 juin 2010, n° 10-83.802), la chambre criminelle a constamment rappelé cette jurisprudence (Crim. 22 sept. 2010, n° 10-86.327 ; 8 juin 2011, n° 11-83.622, RTD eur. 2012. 515, obs. B. Thellier de Poncheville ; 29 févr. 2012, n° 12-81.030, RTD eur. 2013. 292-18, obs. B. Thellier de Poncheville ; 15 avr. 2015, n° 15-81.953, RTD eur. 2016. 374-31, obs. B. Thellier de Poncheville ; 5 mai 2015, n° 15-82.108, AJ pénal 2015. 611, obs. T. Herran ; RSC 2015. 906, obs. F. Cordier ; RTD eur. 2016. 374-31, obs. B. Thellier de Poncheville ; 12 avr. 2016, n° 16-82.175, D. 2016. 899 ; 31 oct. 2018, n° 18-86.010 ; 18 juin 2019, n° 19-83.411). Cette jurisprudence est désormais bien établie par la chambre criminelle, qui a par ailleurs précisé que ce motif de refus n’avait pas à être relevé d’office et devait être invoqué devant la chambre de l’instruction (Crim. 15 sept. 2015, n° 15-85.428). Cependant, la recherche de la disproportion de l’atteinte à la vie privée causée par la remise s’impose lorsqu’elle est invoquée par l’intéressé (Crim. 26 juin 2019, n° 19-83.554, RSC 2019. 900, obs. J.-F. Renucci ) et ce même si l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas expressément invoqué (Crim. 12 avr. 2016, préc.).

Ce motif de refus d’exécution a été développé par la chambre criminelle alors même qu’il n’est pas prévu par la décision-cadre du Conseil 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres et alors même qu’initialement, la Cour de justice de l’Union européenne s’opposait aux refus d’exécution fondés sur le risque de violation des droits fondamentaux. Ce n’est qu’à partir de 2016 que la Cour de justice a admis qu’un risque d’atteinte aux droits fondamentaux, en l’occurrence au droit à ne pas être exposé à des traitements inhumains ou dégradants découlant de l’exécution de la peine dans l’État d’émission, constituait un motif pour reporter ou refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen (CJUE 5 avr. 2016, Aranyosi et Căldăraru, aff. C-404/15 et C-659/15 PPU, AJDA 2016. 1059, chron....

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