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Conditions du transfert d’un demandeur d’asile après consultation du fichier Eurodac

La preuve de la saisine de l’État membre responsable d’un demandeur d’asile peut être apportée par le préfet par tous moyens et non exclusivement par la production de l’accusé de réception Dublin et émis par le point d’accès national.

par Emmanuelle Maupinle 5 septembre 2019

Saisi pour avis par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le Conseil d’État précise les modes de preuves de la saisine de l’État responsable préalablement au transfert d’un « dubliné ».

En vertu des règlements (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 (dit « Dublin III ») et (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, « lorsque le préfet est saisi d’une demande d’enregistrement d’une demande d’asile, il lui appartient, s’il estime après consultation du fichier Eurodac que la responsabilité de l’examen de cette demande d’asile incombe à un État membre autre que la France, de saisir la direction générale des étrangers en France du ministère de l’intérieur, qui gère le « point d’accès national » du réseau Dublinet pour la France. Les autorités de l’État regardé comme responsable sont alors saisies par le point d’accès français, qui archive les accusés de réception de ces demandes ». Les demandes émanant des préfectures sont, en principe, transmises le jour même aux autorités des autres États membres si elles parviennent avant 16h30 au point d’accès national et le lendemain si elles y parviennent après cette heure. Et les préfectures ont directement accès aux accusés de réception archivés par le point d’accès national.

Ainsi, précise le Conseil d’État, « la décision de transfert d’un demandeur d’asile vers l’État membre responsable au vu de la consultation du fichier Eurodac ne peut être prise qu’après l’acceptation de la reprise en charge par l’État requis, saisi dans le délai de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. À cet égard, s’il est nécessaire que les autorités françaises aient effectivement saisi les autorités de l’autre État avant l’expiration de ce délai de deux mois et que les autorités de cet État aient, implicitement ou explicitement, accepté cette demande, la légalité de la décision de transfert prise par le préfet ne dépend pas du point de savoir si les services de la préfecture disposaient matériellement, à la date de la décision du préfet, des pièces justifiant de l’accomplissement de ces démarches ».

L’accusé de réception n’est pas le seul moyen de preuve

La décision de transfert est annulée par le juge « si elle a été prise alors que l’État requis n’a pas été saisi dans le délai de deux mois ou sans qu’ait été obtenue l’acceptation par cet État de la reprise en charge de l’intéressé ». Pour forger sa conviction, il s’appuie sur l’ensemble des éléments versés au dossier par les parties, mais, « il ne saurait exiger de l’auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu’il avance ».

Il résulte des articles 15 et 19 du règlement (CE) n° 1560/2003 que « la production de l’accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d’accès national de l’État requis lorsqu’il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l’existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d’établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies ».

Lorsque l’accusé de réception n’est pas produit, le juge doit se prononcer au vu de l’ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d’accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l’État requis de son acceptation implicite de reprise en charge. Enfin, si, « selon l’article L. 742-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile “L’autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l’intéressé” en cas d’annulation de la mesure de transfert, une telle annulation prononcée en raison du non-respect du délai de deux mois […] implique nécessairement, même en l’absence de conclusions en ce sens et si aucune circonstance ne s’y oppose, que la France soit responsable de l’examen de la demande d’asile et que soient prises les mesures qui en découlent. En revanche, l’annulation de la mesure au motif que le ou les États requis, saisis dans le délai de deux mois mentionné ci-dessus, n’ont ni implicitement ni explicitement accepté la reprise en charge, implique seulement que l’autorité administrative réexamine la situation du demandeur à la date de l’annulation ».