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Conditions indignes de détention et principe d’interdiction de reformatio in pejus

L’interdiction de la reformatio in pejus ne s’applique pas devant le premier président de la chambre de l’application des peines lorsqu’il statue dans le cadre du recours de l’article 803-8 du code de procédure pénale. 

Envisagée sous le prisme du droit à un recours effectif, la saga judiciaire relative aux conditions indignes de détention continue d’alimenter le travail de la Haute juridiction qui en explore ses modalités.

Le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme ouvrait cette entreprise de remodelage du droit positif en déniant le caractère effectif du référé-liberté porté devant le juge administratif, en raison de l’absence « réelle et concrète pour le demandeur bénéficiant d’une décision favorable d’obtenir le redressement de sa situation » (CEDH 30 janv. 2020, JMB c/ France, n° 9671/15, § 216, Dalloz actualité, 6 févr. 2020, obs. E. Senna ; AJDA 2020. 263 ; ibid. 1064 , note H. Avvenire ; D. 2020. 753, et les obs. , note J.-F. Renucci ; ibid. 1195, obs. J.-P. Céré, J. Falxa et M. Herzog-Evans ; ibid. 1643, obs. J. Pradel ; ibid. 2021. 432, chron. M. Afroukh et J.-P. Marguénaud ; JA 2020, n° 614, p. 11, obs. T. Giraud ; AJ pénal 2020. 122, étude J.-P. Céré ). Les juridictions internes ont été une caisse d’écho de cet arrêt (Crim. 8 juill. 2020, n° 20-81.739, rapp. C. Guéry et avis S. Zientara-Logeay ; Dalloz actualité, 31 août 2020, obs. C. Margaine ; AJDA 2020. 1383 ; ibid. 1383 ; D. 2020. 1774 , note J. Falxa ; ibid. 1643, obs. J. Pradel ; ibid. 2021. 1564, obs. J.-B. Perrier ; AJ fam. 2020. 498, obs. L. Mary ; AJ pénal 2020. 404, note J. Frinchaboy ; RFDA 2021. 87, note J.-B. Perrier ; RSC 2021. 517, obs. D. Zerouki-Cottin ; RTD civ. 2021. 83, obs. P. Deumier ; JCP 2020. 1075, note V. Peltier ; Gaz. Pal. 29 sept. 2020, n° 33, p. 12, note J.-P. Céré ; ibid. 17 nov. 2020, n° 40, p. 60, note F. Fourment ; RDLF 2020, chron. n° 63, note J. Schmitz ; CE 27 janv. 2021, n° 445873), aboutissant à une censure, par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 2 oct. 2020, n° 2020-858/859 QPC, Dalloz actualité, 9 oct. 2020, obs. F. Engel ; AJDA 2020. 1881 ; ibid. 2158 , note J. Bonnet et P.-Y. Gahdoun ; D. 2021. 57, et les obs. , note J. Roux ; ibid. 2020. 2056, entretien J. Falxa ; ibid. 2367, obs. G. Roujou de Boubée, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; ibid. 2021. 1308, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; AJ fam. 2020. 498, obs. L. Mary ; AJ pénal 2020. 580, note J. Frinchaboy ; RFDA 2021. 87, note J.-B. Perrier ; 16 avr. 2021, n° 2021-898 QPC, Dalloz actualité, 28 avr. 2021, obs. D. Goetz ; D. 2021. 748, et les obs. ; ibid. 1106, obs. J.-P. Céré, J. Falxa et M. Herzog-Evans ; 18 févr. 2022 n° 2021-972 QPC, Dalloz actualité, 28 févr. 2022, obs. E. Maupin ; Avocats pour la défense des droits des étrangers (Assoc.), AJDA 2022. 376 ; D. 2022. 351 ; Rev. crit. DIP 2023. 351, Variété T. Fleury Graff et I. Giauffret ), des dispositions relatives à la détention provisoire et aux requêtes en aménagement de peine. Après que cette censure est intervenue, le législateur, par la loi du 8 avril 2021 (Loi n° 2021-403 du 8 avr. 2021, Dalloz actualité, 13 avr. 2021, obs. D. Goetz ; tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention), a introduit l’article 803-8 dans le code de procédure pénale. Selon cette disposition, un prévenu ou une personne condamnée peut exercer un recours devant, respectivement, le juge de la liberté et de la détention ou le juge d’application des peines, afin que soient constatées ses conditions indignes de détention et qu’il y soit mis fin.

C’est concernant les modalités de ce recours que la chambre criminelle de la Cour de cassation a dû se prononcer dans un arrêt du 8 janvier 2025. En l’espèce, le requérant a saisi le juge de l’application des peines afin de faire reconnaître le caractère indigne de ses conditions de détention, et d’y remédier. La requête a été déclarée recevable, puis bien fondée, « en retenant comme seule condition de détention indigne l’état des sanitaires de la cour de promenade du bâtiment B ». Seul le requérant interjette appel de l’ordonnance du juge d’application des peines devant le premier président de la chambre de l’application des peines (CHAP). Ce dernier infirme partiellement l’ordonnance du juge de l’application des peines. La personne condamnée forme un pourvoi en cassation en alléguant que le principe d’interdiction de reformatio in pejus s’oppose à ce que le juge du second degré, statuant sur le seul appel de la personne condamnée, puisse réformer l’ordonnance de première instance en défaveur de celui-ci. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle affirme que la juridiction de second degré peut infirmer partiellement l’ordonnance du juge d’application des peines qui était favorable à la personne détenue, seul appelant. Elle exclut donc la prohibition de la reformatio in pejus de l’appel formé contre l’ordonnance prévue par l’article 803-8 du code de procédure pénale.

Une autonomie légistique du recours prévu à l’article 803-8 du code de procédure pénale

La Cour de cassation évacue explicitement l’application de l’interdiction de reformatio in pejus en matière de contentieux des conditions de détention. La première leçon à tirer semble donc être que le fait, pour une cour d’appel, de dédire une juridiction de première instance sur la caractérisation des conditions indignes de détention est bien assimilable à une aggravation du sort de l’appelant.

Ensuite, ce sont bien sûr les motifs qui justifient cette position qui méritent d’être relevés. Dans un premier temps, la Cour tire de la différence d’objet, entre les procédures d’application des peines et le recours de l’article 803-8 du code de procédure pénale, une différence de régime. Si le contentieux lié à l’exécution des peines répond du principe de prohibition de reformatio in pejus, il n’en demeure pas moins que le recours de l’article 803-8 du code de procédure pénale s’inscrit dans un environnement légistique différent du contentieux de l’application des peines et se soustrait ainsi à certaines des dispositions venant régir cette matière. C’est sans doute ce qui doit être compris lorsque la Cour affirme que « ces décisions prises en matière de conditions de détention indignes sont sans lien avec le comportement ou les mérites...

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