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Confiance dans l’institution judiciaire : parution du décret relatif aux mesures d’application des peines

Le décret fixe les modalités d’application des dispositions relatives à la libération sous contrainte applicable de plein droit et aux réductions de peines prévues par les articles 720 et 721 du code de procédure pénale résultant de l’article 11 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

par Margaux Dominatile 3 octobre 2022

Si l’on doit retenir quelque chose de cette fin d’année 2021, c’est bien l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. En matière d’exécution et d’application des peines, plusieurs mesures phares peuvent être dénombrées : la création d’un contrat d’emploi pénitentiaire, la suppression du crédit de réduction de peine (automatique) et la modification du régime des autres mécanismes d’application des peines, au premier rang desquels figure la systématisation de la libération sous contrainte (E. Daoud, Loi pour la confiance dans l’institution judiciaire : dispositions relatives à la procédure de jugement et à l’exécution des peines, Dalloz actualité, 1er févr. 2022). D’ailleurs, parmi d’autres insertions, l’on retrouve désormais au sein du code de procédure pénale un chapitre IV intitulé « Dispositions relatives à l’exécution des peines » (Loi n° 2021-1729, art. 11 à 13) inséré dans le titre II de la loi « Dispositions améliorant le déroulement des procédures pénales ». Il était donc temps, pour l’exécutif, de préciser certaines modalités d’application de cette loi (v. par ex., Décr. n° 2022-546 du 13 avr. 2022, Dalloz actualité, 20 avr. 2022, obs. D. Goetz).

Le décret n° 2022-1261 du 28 septembre 2022 entend donc fixer les modalités d’application de l’article 11 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, en particulier en ce qui concerne les dispositions relatives à la libération sous contrainte applicable de plein droit et les réductions de peines, prévues par les nouveaux articles 720 et 721 du code de procédure pénale. Ces dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2023.

La libération sous contrainte applicable de plein droit

La libération sous contrainte (LSC), créée par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, est un véritable cheval de Troie. Présentée comme un aménagement de peine permettant de lutter contre les sorties sèches, et donc indirectement comme une technique supplémentaire de réinsertion, il s’agit en réalité d’une procédure de gestion des flux carcéraux, qui n’a cessé de s’étendre au fil des lois successives, quitte à en devenir aujourd’hui systématique (M. Herzog-Evans, Réforme de la libération sous contrainte, D. 2022. 1061 ; v. égal., CGLPL, Rapport d’activité 2021, Dalloz, 2022, p. 27 ; v. égal. E. Senna, Le rapport d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour l’année 2021, AJ pénal 2022. 362 ).

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 avait déjà rendu obligatoire l’examen de la situation des personnes exécutant une peine inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement. La loi du 22 décembre 2021 en fait aujourd’hui une mesure de plein droit, que le juge de l’application des peines ne peut refuser que par une motivation spéciale sur l’impossibilité de mettre en œuvre l’une des mesures dédiées (v. P. Poncela, Le mirage du Panopticon, RSC 2022. 101 ). À défaut, le président de la chambre de l’application des peines pourra prononcer une LSC d’office ou sur saisine du condamné ou du procureur de la République.

En la matière, le décret du 28 septembre 2022 crée une sous-section 2 à la section 10 du chapitre II du titre II du Livre V, intitulée « Dispositions applicables à la libération sous contrainte de plein droit prévue au II de l’article 720 » et comprenant les articles D. 147-20 à D. 147-24 (Décr. n° 2022-1261 du 28 sept. 2022, art. 8). Les dispositions nouvelles précisent les modalités de mise en œuvre de la LSC prévue au II de l’article 720 du code de procédure pénale, applicable de plein droit aux personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à deux ans et dont le reliquat de peine à exécuter est inférieur ou égal à trois mois. Il détermine notamment :

  • les conditions dans lesquelles la décision du juge de l’application des peines intervient (C. pr. pén., art. D. 147-23) ;
  • la notion d’impossibilité matérielle qui ne résulte plus, désormais, que de l’absence d’hébergement, ou de l’impossibilité pour un organisme tiers d’héberger l’intéressé (C. pr. pén., art. D. 147-21) ;
  • le rôle du service pénitentiaire d’insertion et de probation, c’est-à-dire notamment la remise d’un avis au juge de l’application des peines sur la mesure la plus adaptée et les impossibilités éventuelles (C. pr. pén., art. D. 147-21 et D. 147-22 ; C. pénit., D. 422-4-2) ;
  • l’inapplicabilité de la LSC de plein droit (C. pr. pén., art. D. 147-24).

Les réductions de peine

Créées en 1972 et réformées à de nombreuses reprises depuis, les réductions de peine sont prévues par les articles 721 et suivants du code de procédure pénale. L’on en dénombrait trois types : le crédit de réduction de peine (C. pr. pén., art. 721 anc.), les réductions de peines supplémentaires (C. pr. pén., art. 721-1 anc.), et les réductions de peines exceptionnelles (C. pr. pén., art. 721-3 anc.).

D’une part, la loi du 22 décembre 2021 conduit à la fusion du crédit de réduction de peine et des réductions supplémentaires de peine, sous la forme d’une réduction de peine unique (C. pr. pén., art. 721). Le principal effet de cette fusion était que la mauvaise conduite puisse conduire à ce que les réductions ne soient pas accordées ou que celles de l’année antérieure soient retirées (M. Herzog-Evans, Fusion des réductions de peine, préc.). D’autre part, cette loi crée un nouveau type de réduction exceptionnelle de peine (C. pr. pén., art. 721-4). Elle peut être accordée lors de l’exécution de la peine à toute personne qui, soit durant sa détention provisoire, soit durant l’exécution de sa peine, mettrait « fin à toute action individuelle ou collective de nature à perturber gravement le maintien du bon ordre et la sécurité de l’établissement ou à porter atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique des membres du personnel pénitentiaire ou des détenus de l’établissement ».

Les articles 2 à 6 du décret du 28 septembre 2022 précisent les modalités d’application de l’article 721 du code de procédure pénale, qui prévoit qu’une réduction de peine peut être accordée par le juge de l’application des peines, après avis de la commission de l’application des peines, aux personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté qui ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion. Le décret détermine notamment les modalités d’octroi ou de retrait de ces réductions (art. 3).

S’agissant de l’octroi des réductions de peine (art. 3), le décret entérine la judiciarisation du processus de réduction de peine (v. M. Giacopelli, Pour la confiance dans l’institution judiciaire en droit de l’exécution des peines – Beaucoup de bruit…, JCP n° 3, 24 janv. 2022. 88). Une fois par an, la commission d’application des peines examine d’office la situation du condamné (C. pr. pén., art. D. 116). L’on peut également noter que lorsqu’une personne condamnée doit exécuter plusieurs peines privatives de liberté relevant de régimes de réduction de peine distincts, le régime le plus strict s’applique tant qu’une ou plusieurs des peines en cours d’exécution ou devant être exécutée correspond à l’une des condamnations visées aux articles 721-1-1 et 721-1-2 ou à l’une des situations décrites au huitième alinéa de l’article 721 (C. pr. pén., art. D. 116-3).

Le retrait des réductions de peine (art. 3) peut intervenir pour « mauvaise conduite ». Au sein de l’article D. 116-5, l’on apprend que celle-ci peut résulter « de refuser de se soumettre au prélèvement biologique prévu au premier alinéa du I de l’article 706-56 ou de commettre ou de tenter de commettre des manœuvres destinées à substituer à son propre matériel biologique le matériel biologique d’une tierce personne, lorsqu’il a été condamné pour le délit prévu par le II de cet article 706-56 ». L’article D. 116-6 détermine les modalités de retrait des réductions de peine par le juge de l’application des peines.

En bref, les questions posées par l’adoption de la loi du 22 décembre 2021 semblent demeurer en suspens. À ce titre, force est de constater que l’analyse développée par le Professeur Muriel Giacopelli demeure toujours d’actualité : « malgré les projections très optimistes de l’étude d’impact, c’est un pari très aventureux qu’a fait le législateur sur l’avenir en ne maîtrisant pas la réception des nouvelles réductions de peine par les magistrats non-demandeurs de la réforme, ni celle des condamnés qui ont perdu la main sur la date prévisible de leur libération dès l’écrou » (v. M. Giacopelli, préc.).