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Conformité à la Constitution de l’action en démolition

La limitation de l’action en démolition aux zones mentionnées au 1° de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme dans sa rédaction résultant de la loi « Macron » du 6 août 2015 est conforme à la Constitution.

par Marie-Charlotte Lesergentle 20 novembre 2017

Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 12 septembre 2017 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par deux associations de protection de l’environnement portant sur les dispositions de l’article L. 480-13, 1°, du code de l’urbanisme telles qu’issues de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances (V. Civ. 3e, QPC, 12 sept. 2017, n° 17-40.046, Dalloz actualité, 19 sept. 2017, obs. M.-C. Lesergent isset(node/186510) ? node/186510 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186510).

Les associations requérantes, qui demandaient la démolition d’une construction édifiée au sein d’une zone située en dehors des parties actuellement urbanisées d’une commune mais qui n’est pas répertoriée au sein de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, reprochaient à ces dispositions d’interdire sur la majeure partie du territoire national l’action en démolition d’une construction édifiée en méconnaissance d’une règle d’urbanisme, sur le fondement d’un permis de construire annulé par le juge administratif. Il en résulterait une méconnaissance du droit des tiers d’obtenir la « réparation intégrale » du préjudice causé par une telle construction et une atteinte disproportionnée au principe de responsabilité. En faisant obstacle à l’exécution de la décision d’annulation du permis de construire par le juge administratif, ces dispositions méconnaîtraient également le droit à un recours juridictionnel effectif, qui implique celui d’obtenir l’exécution des décisions juridictionnelles. Enfin, ces dispositions violeraient le principe de contribution à la réparation des dommages causés à l’environnement garanti par les articles 1er et 4 de la Charte de l’environnement.

En effet, l’article 111 de la loi « Macron », qui reprend le résultat des travaux de la commission Labetoulle dans son rapport remis le 25 avril 2013 « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre » (V. sur ce point, F. Chenot, AJDI 2016. 593 ), a restreint le champ d’application de l’action en indiquant que la démolition des constructions réalisées en application d’un permis de construire annulé par la suite ne pouvait être fondée que si ces ouvrages étaient localisés dans une des quinze zones définies comme nécessitant une protection particulière, énumérées aux a à o du 1° de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme. Ces zones sont définies comme présentant un enjeu particulier de protection de la nature et des paysages, de sites sensibles ou du patrimoine architectural et urbain (bande littorale de 100 mètres, cœurs des parcs nationaux, sites désignés Natura 2000, sites inscrits ou classés, etc.).

Principe de responsabilité et droit à un recours juridictionnel effectif

Pour écarter ce grief, le Conseil constitutionnel considère que, en interdisant l’action en démolition en dehors des zones qu’il a limitativement retenues, le législateur a entendu réduire l’incertitude juridique pesant sur les projets de construction et prévenir les recours abusifs susceptibles de décourager les investissements, et a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général.

Il soulève également le fait que l’action en démolition des constructions dont le permis de construire a été annulé ne fait pas l’objet d’une interdiction générale, dès lors qu’elle demeure ouverte dans les zones sensibles et qu’elle peut toujours être demandée, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile, lorsque l’ouvrage a été édifié sans autorisation d’urbanisme ou s’il méconnaît le permis de construire accordé.

Il poursuit en soulignant que, même lorsque cette action est exclue, le tiers lésé par une construction peut en obtenir réparation sous la forme indemnitaire.

Enfin, arguant que la démolition d’une construction ne découle pas nécessairement de la décision rendue par un juge administratif prononçant l’annulation du permis de construire, même si elle emporte sa disparition rétroactive, aucune atteinte au droit d’obtenir l’exécution d’une décision de justice ne peut être constatée.

Ainsi, les dispositions litigieuses sont jugées comme ne portant pas d’atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’obtenir réparation de leur préjudice, ni d’atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif.

Articles 1er, 2 et 4 de la Charte de l’environnement

Invocables à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité depuis 2011 (Cons. const. 8 avr. 2011, n° 2011-116 QPC, AJDA 2011. 762 ; ibid. 1158 , note K. Foucher ; D. 2011. 1258 , note V. Rebeyrol ; ibid. 2298, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; RDI 2011. 369, étude F. G. Trébulle ; Constitutions 2011. 411, obs. F. Nési ), les articles 1er, 2 et 4 de la Charte de l’environnement étaient aussi, en l’espèce, considérés comme ayant été méconnus par la nouvelle rédaction de l’article L. 480-13, 1°, du code de l’urbanisme.

Après avoir cité les formulations de principe relatives à l’obligation de vigilance environnementale (art. 1er et 2 de la Charte), qui s’impose à l’ensemble des personnes publiques et privées, et à l’obligation de contribution à la réparation des dommages causés à l’environnement (art. 4), les juges de la rue Montpensier estiment que, s’il est loisible au législateur de définir les conditions dans lesquelles une action en responsabilité peut être engagée sur le fondement de la violation de ces obligations, il ne saurait restreindre le droit d’agir en responsabilité dans des conditions qui en dénaturent la portée.

En l’espèce, le juge constitutionnel relève que si le législateur a défini une série de zones dans lesquelles les ouvrages construits en violation des règles d’urbanisme peuvent continuer à être démolis en application du 1° de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, c’est précisément pour tenir compte de l’importance particulière pour la protection particulière pour l’environnement de la plupart de ces zones.

Enfin, en rappelant que l’action en démolition ne fait pas l’objet d’une interdiction générale et qu’il existe d’autres formes de réparations possibles, notamment sous forme indemnitaire, telles que mentionnées lors de l’examen du premier grief d’inconstitutionnalité, il en conclut que les dispositions contestées ne portent pas atteinte aux droits et obligations qui résultent des articles 1er, 2 et 4 de la Charte de l’environnement.

Conformité à la Constitution

Par conséquent, les mots « et si la construction est située dans l’une des zones suivantes : » figurant au premier alinéa du 1° et les a à o du même 1° de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, sont déclarés conformes à la Constitution.

Cette décision permet de lever le doute qui planait sur la constitutionnalité de cet article depuis sa modification par la loi « Macron » (V. en ce sens, B. Busson, RDI 2015. 560 ).