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Article
Congé annuel : nouvelles précisions de la CJUE
Congé annuel : nouvelles précisions de la CJUE
Le seul fait qu’un travailleur, du secteur public ou du secteur privé, n’ait pas demandé à bénéficier de son congé annuel avant la fin de la relation de travail ne permet pas de le priver d’une indemnisation du congé non pris.
par Marie-Christine de Monteclerle 12 novembre 2018
Le droit au congé annuel payé de chaque travailleur « doit être considéré comme un principe de droit social de l’Union revêtant une importance particulière », réaffirme la grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans deux arrêts qui vont contraindre à nouveau les administrations françaises à revoir leurs règles d’indemnisation en cas de congé non pris par un de leurs agents ou anciens agents.
Même si, curieusement, les textes qui limitent de façon stricte la possibilité d’indemniser un agent public pour un congé annuel non pris ou de reporter ce congé n’ont toujours pas été modifiés, il est acquis qu’ils doivent, en application de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 telle qu’interprétée par la CJUE (CJCE 20 janv. 2009, aff. C-350/06, AJDA 2009. 245, chron. E. Broussy, F. Donnat et C. Lambert ; RDT 2009. 170, obs. M. Véricel ; RTD eur. 2010. 673, chron. S. Robin-Olivier ; Rev. UE 2014. 296, chron. V. Giacobbo-Peyronnel et V. Huc ), être écartés dans le cas d’un agent qui n’a pu prendre son congé du fait d’une maladie (CE, avis, 26 avr. 2017, n° 406009, Ministre de l’intérieur, Dalloz actualité, 3 mai 2017, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2017. 911 ; AJFP 2017. 216, et les obs. ; AJCT 2017. 405, obs. L. Derridj ).
La CJUE étend l’obligation d’indemnisation à deux autres hypothèses : celui, si certaines conditions sont réunies, d’un agent qui a quitté ses fonctions sans prendre son congé annuel et celui d’une personne décédée. Dans la première espèce était en cause un ancien employé du Land de Berlin, auquel cette administration refusait toute indemnisation au motif qu’il n’avait pas demandé à prendre ses congés. La Cour de justice estime que la directive ne peut certes pas être interprétée comme ouvrant droit à indemnité « quelles que soient les circonstances à l’origine de l’absence de prise de congé annuel ». Et elle souligne que « toute interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88 qui serait de nature à inciter le travailleur à s’abstenir délibérément de prendre ses congés annuels payés durant les périodes de référence ou de report autorisé applicables, afin d’augmenter sa rémunération lors de la cessation de la relation de travail, serait […] incompatible avec les objectifs poursuivis par l’instauration du droit au congé annuel payé ».
Pour autant, « le travailleur doit être considéré comme la partie faible dans la relation de travail, de telle sorte qu’il est nécessaire d’empêcher que l’employeur ne dispose de la faculté de lui imposer une restriction de ses droits ». Par conséquent, « il importe d’éviter une situation dans laquelle la charge de veiller à l’exercice effectif du droit au congé annuel payé se trouverait entièrement déplacée sur le travailleur, tandis que l’employeur se verrait, de ce fait, offrir une possibilité de s’exonérer du respect de ses propres obligations, en prétextant qu’une demande de congés annuels payés n’a pas été introduite par le travailleur ».
Pour que l’employeur soit dispensé d’indemniser le travailleur, il doit donc « veiller concrètement et en toute transparence à ce que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre ses congés annuels payés, en l’incitant, au besoin formellement, à le faire, tout en l’informant, de manière précise et en temps utile pour garantir que lesdits congés soient encore propres à garantir à l’intéressé le repos et la détente auxquels ils sont censés contribuer, de ce que, s’il ne prend pas ceux-ci, ils seront perdus à la fin de la période de référence ou d’une période de report autorisée, ou, encore, à la fin de la relation de travail lorsque cette dernière intervient au cours d’une telle période ». C’est à l’employeur qu’il appartient d’établir qu’il a fait preuve de toute la diligence requise, précise la CJUE. On notera que, par un second arrêt du même jour (aff. C-684/16), elle arrive à une solution identique s’agissant d’un travailleur du secteur privé.
Le droit à congé est transmis aux héritiers
Dans la seconde espèce, la Cour de justice avait joint le cas de la veuve d’un employé de la ville de Wuppertal et celui de la veuve d’un salarié du secteur privé qui, toutes deux, réclamaient le versement d’une indemnité compensant les congés annuels que leurs époux n’avaient pu prendre avant leurs décès respectifs. Elle estime dans les deux cas que l’article 7 de la directive 2003/88/CE ainsi que l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union « s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, en application de laquelle, lorsque la relation de travail prend fin en raison du décès du travailleur, le droit à des congés annuels payés acquis en vertu desdites dispositions et non pris par ce travailleur avant son décès s’éteint sans pouvoir donner naissance à un droit à une indemnité financière au titre desdits congés qui soit transmissible aux ayants droit dudit travailleur par la voie successorale ». Si, en droit du travail français, cette règle est posée par l’article L. 3141-28 du code du travail, une réponse ministérielle (JO Sénat Q, n° 1736, 12 mars 1981, p. 357) l’exclut pour les « agents communaux ».
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