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La connaissance réputée ou supposée de l’acte frauduleux du débiteur

Le créancier exerçant l’action paulienne est réputé avoir connaissance de l’acte frauduleux de son débiteur dès la date de sa publication au service chargé de la publicité foncière. Cette connaissance constitue le point de départ de la prescription de son action.

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à partir du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l’exercer. Le point de départ de la prescription d’une action personnelle est donc, soit la connaissance réelle ou effective des faits permettant de l’exercer, soit leur connaissance réputée ou supposée. C’est cette alternative que les textes expriment respectivement par les expressions « a connu », d’une part, et, « aurait dû connaître », d’autre part. Laquelle des deux branches de l’alternative faut-il retenir, et sur la base de quel critère ? La question est loin d’être oiseuse, car selon que l’on retient l’une ou l’autre branche, on aboutit à l’extinction ou non d’un droit, comme l’illustre l’arrêt rapporté.

Au cas d’espèce, une personne s’était portée caution d’une société au profit d’une banque. Elle effectua un peu plus de deux ans plus tard une donation-partage de la nue-propriété de l’un de ses immeubles à ses deux enfants. L’acte fut publié quelques jours plus tard au service de la publicité foncière. La société débitrice principale ayant été défaillante, le créancier engagea des poursuites contre la caution en exécution de son engagement. Pour faire aboutir cette poursuite, le créancier exerça une action en inopposabilité de la donation-partage effectuée par la caution au profit de ses enfants. Or, cinq ans s’étaient écoulés entre la mise en œuvre de cette action paulienne et la publication de l’acte de donation-partage. Les juges du fonds décidèrent qu’en application de l’article 2224 du code civil, l’action était prescrite et donc irrecevable.

C’est le point de départ du délai de prescription retenu par la cour d’appel qui fait difficulté en l’espèce. Les juges du fond avaient retenu que le point de départ de la prescription de l’action paulienne est la connaissance réputée ou supposée par le créancier des faits permettant de l’exercer.

Le pourvoi en cassation conteste ce point de départ : « la publication de [l’acte de donation-partage] au service de la publicité foncière ne fait pas, à elle seule, courir le délai de prescription ». La formulation de l’argumentation est quelque peu ambiguë, en raison de l’expression « à elle seule ». Deux interprétations de l’argumentation sont possibles.

La première interprétation se résumerait dans la proposition suivante : le point de départ de la prescription de l’action paulienne est la connaissance réelle ou effective par le créancier de l’acte frauduleux de son débiteur.

Ce serait donc à tort que les juges du fonds ont considéré que ce point de départ est la connaissance réputée ou supposée.

La seconde interprétation du pourvoi part du postulat que le point de départ de la prescription de l’action paulienne est bien la connaissance réputée ou supposée par le créancier de l’acte frauduleux de son débiteur, comme la cour d’appel l’a retenu. La contestation du pourvoi porte alors plutôt sur la caractérisation de cette connaissance réputée ou supposée. L’argumentation se résume dans la proposition...

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