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[TRIBUNE] La consécration de la victimisation secondaire ne doit pas se faire au détriment des droits de la défense
[TRIBUNE] La consécration de la victimisation secondaire ne doit pas se faire au détriment des droits de la défense
Le Tribunal correctionnel de Paris, le 13 mai dernier, a franchi une étape inédite en droit pénal français en reconnaissant, dans l’affaire Gérard Depardieu, la notion de victimisation secondaire. Si ce concept trouve application depuis une dizaine d’année au niveau conventionnel, cette création prétorienne dénote de la jurisprudence traditionnelle de la Cour européenne des droits de l’homme en imputant pour la première fois à un prévenu la responsabilité de l’attitude de son avocat lors de l’audience. Une telle lecture fragile juridiquement fait peser un véritable risque sur la liberté de parole de l’avocat et l’effectivité des droits de la défense.
par Pauline Dufourq, Avocat pénaliste et enseignant à Sciences Po Parisle 19 mai 2025

La motivation de la décision du tribunal correctionnel
Le 13 mai 2025, Gérard Depardieu a été condamné à dix-huit mois de prison avec sursis pour agression sexuelle concernant deux femmes à l’occasion du tournage du film Les volets verts. Cette décision est inédite en ce qu’elle consacre, pour la première fois en droit pénal français, la notion de victimisation secondaire à l’égard d’un prévenu en raison du comportement de son conseil lors de l’audience.
Dans la motivation de son jugement, le tribunal correctionnel souligne, s’agissant de l’indemnisation des parties civiles :
« Le tribunal considère qu’elles ont été exposées à une dureté excessive des débats à leur encontre, allant au-delà des contraintes et des désagréments strictement nécessaires à la manifestation de la vérité, au respect du principe du contradictoire et à l’exercice légitime des droits de la défense.
Si les droits de la défense et la liberté de parole de l’avocat à l’audience sont des principes fondamentaux du procès pénal, ils ne sauraient toutefois justifier des propos outranciers ou humiliants, portant atteinte à la dignité des personnes ou visant à les intimider.
En l’espèce, les parties civiles ont été confrontées à une défense particulièrement offensive, reposant sur l’usage répété de propos manifestement inutiles à l’exercice des droits de la défense, et destinés à les heurter.
(…) Ce dénigrement objectivable, constitutif d’une victimisation secondaire, a engendré un préjudice distinct de celui lié à l’infraction elle-même. Ce préjudice, venant aggraver le dommage initial, doit faire l’objet d’une indemnisation spécifique. »
Ainsi, M. Depardieu se voit condamner à réparer le préjudice sollicité par les parties civiles en raison de la « dureté excessive des débats » à l’égard des parties civiles et notamment des questions et de l’attitude de son conseil lors de l’audience. Le tribunal relève ainsi que l’existence d’une défense offensive avec le recours à des propos inutiles à l’exercice des droits de la défense et destinés à heurter les parties civiles est constitutif d’une victimisation secondaire.
Les contours du concept de victimisation secondaire
La notion de victimisation secondaire renvoie, selon le professeur Darsonville, à une double souffrance : la victime est d’une part touchée par l’acte criminel, d’autre part affectée par la manière dont la procédure judiciaire est menée. Ce second traumatisme peut résulter de la durée excessive de l’enquête, de propos stéréotypés ou sexistes tenus durant les auditions, ou encore de l’attitude des professionnels du système judiciaire (Procès de Gérard Depardieu : la victimisation secondaire retenue à l’encontre de l’acteur, Le club des juristes, 13 mai 2025).
Ce concept a été progressivement développé au niveau européen depuis une dizaine d’année, sous l’impulsion de la Cour européenne des droits de l’homme.
Apparue dans l’arrêt Y. c/ Slovénie du 28 mai 2015 (CEDH 28 mai 2015, n° 41107/10), la notion évolue jusqu’à la consécration d’une obligation positive pour les états de protéger les victimes. Dans son arrêt du 27 mai 2021, J.L c/ Italie (CEDH 27 mai 2021, n° 5671/16, AJ pénal 2022. 200, note J. Portier ; RTD civ. 2021. 853, obs. J.-P. Marguénaud
), elle va plus loin encore en considérant que les obligations positives incluent le devoir « de protéger l’image, la dignité et la vie privée de celles-ci » (§ 139 ; A. Glazewski, Souffrir deux fois ou quand la procédure devient une épreuve...
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