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Le Conseil d’État refuse d’interdire les lanceurs de balle de défense

Si les lanceurs de balle de défense utilisés de façon inappropriée sont susceptibles de provoquer des blessures graves, les juges du Palais-Royal estiment que les forces de l’ordre ne peuvent pas s’en passer.

par Marie-Christine de Monteclerle 6 février 2019

Le juge des référés du Conseil d’État, statuant en formation de trois juges, a refusé, le 1er février, d’interdire le recours par les forces de l’ordre, lors de manifestations, aux lanceurs de balle de défense (LBD), armes non létales controversées qui ont causé de graves blessures au cours des derniers mois.

Le juge était saisi de trois requêtes. La première lui avait été présentée directement par la CGT, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France pour qu’il suspende l’exécution de l’article D. 211-19 du code de la sécurité intérieure et de l’instruction du ministre de l’intérieur du 2 août 2017 en tant qu’ils autorisent l’usage du LBD. Par ailleurs, d’autres organisations interjetaient appel du rejet, par le juge du référé-liberté du tribunal administratif de Paris, de leur demande tendant à ce qu’il soit ordonné au préfet de police d’interdire l’usage de ces armes lors des manifestations dans la capitale. Enfin, des particuliers faisaient appel du rejet par le tribunal administratif de Montpellier d’une requête similaire visant le préfet de l’Hérault. Le Défenseur des droits, opposant résolu à l’usage du LBD pour le maintien de l’ordre, a présenté des observations au soutien des trois recours (v. égal. Dalloz actualité, Le droit en débats, 5 févr. 2019, par V. Brengarth).

Après avoir rappelé les règles d’emploi du LBD, le juge concède que son usage « a certes provoqué des blessures, parfois très graves, […] sans qu’il soit établi que toutes les victimes se trouvaient dans les situations justifiant cet usage ». Toutefois, l’instruction ne révèle pas « une intention des autorités concernées de ne pas respecter les conditions d’usage strictes mises à l’utilisation de ces armes, lesquelles constituent un élément du dispositif global de maintien de l’ordre dans ces circonstances particulières. La circonstance que des tirs de LBD de 40 mm n’aient pas été pratiqués dans les conditions prévues par les textes et rappelées aux forces de l’ordre, qui est susceptible d’engager la responsabilité de l’administration, n’est pas davantage de nature à révéler une telle intention. Il ne résulte pas non plus de l’instruction que les conditions mises à l’utilisation de ces armes et rappelées aux points 2 et 3 ne pourraient pas, par nature, être respectées dans ce type de circonstances ».

Sur l’autre plateau de la balance, « les très nombreuses manifestations qui se sont répétées semaine après semaine depuis le mois de novembre 2018 sur l’ensemble du territoire national, sans que des parcours soient toujours clairement déclarés ou respectés, ont été très fréquemment l’occasion de violences volontaires, de voies de fait, d’atteintes aux biens et de destructions. L’impossibilité d’exclure la reproduction de tels incidents au cours des prochaines manifestations rend nécessaire de permettre aux forces de l’ordre de recourir à ces armes, qui demeurent particulièrement appropriées pour faire face à ce type de situations, sous réserve du strict respect des conditions d’usage s’imposant à leur utilisation, qu’il appartient tant aux autorités nationales qu’aux responsables d’unités de rappeler ».

Le Conseil d’État conclut qu’« en l’état de l’instruction, l’usage du LBD de 40 mm ne peut être regardé comme de nature à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester et au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ».