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Contestation sérieuse et incompétence du juge-commissaire : un système complexe mais dans lequel certaines erreurs peuvent être rattrapées

Le créancier qui, invité par le juge-commissaire à saisir le tribunal compétent pour statuer sur la contestation sérieuse opposée à la créance déclarée, n’assigne que le liquidateur devant ce juge, peut former appel du jugement d’irrecevabilité en intimant l’ensemble des parties.

Indivisibilité du contentieux de l’admission au passif

Le contentieux de l’admission des créances au passif d’une procédure collective concerne, indivisiblement, le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire (ou le liquidateur). Il en résulte notamment, en cas d’appel de l’ordonnance du juge-commissaire se prononçant sur la créance déclarée, la nécessité pour l’appelant d’intimer l’ensemble des autres parties, à peine d’irrecevabilité de son appel (Com. 29 sept. 2015, n° 14-13.257, Dalloz actualité, 14 oct. 2015, obs. X. Delpech ; D. 2015. 2007 (appel du débiteur) ; 31 mai 2016, n° 14-20.882 (appel du créancier) ; 13 sept. 2016, n° 14-28.304 (appel du liquidateur)).

Pareillement, si le juge-commissaire se déclare incompétent à raison d’une contestation sérieuse, il doit désigner la partie qui aura la charge de saisir le juge compétent dans le délai d’un mois (C. com., art. R. 624-5). La partie ainsi désignée devra nécessairement citer l’ensemble des autres parties à comparaître devant ce juge, à peine d’irrecevabilité de sa demande (Com. 5 sept. 2018, n° 17-15.978, Dalloz actualité, 19 sept. 2018, obs. X. Delpech ; D. 2018. 1751 ; ibid. 2019. 1903, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; Gaz. Pal. 15 janv. 2019, p. 74, obs. P.-M. Le Corre ; BJE nov. 2018, p. 447, obs. J. Théron). Cependant, la Cour de cassation a récemment précisé que si la partie qui a la charge de saisir le juge compétent dans le délai d’un mois n’assigne que l’un des deux autres acteurs cités dans le délai d’un mois, il est encore temps pour lui de mettre en cause le troisième jusqu’à ce que le juge statue (Com. 14 juin 2023, n° 21-24.458 et n° 21-25.638 F-B, D. 2023. 1174 ). La solution est opportune et offre une solution de rattrapage bienvenue. Mais quid si cette possibilité n’est pas utilisée ? Une omission sur ce dernier point est-elle susceptible d’être réparée dans le cadre des voies de recours ? C’est à cette question que répond, positivement, la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juillet 2023.

L’espèce soumise à la Cour de cassation

En l’espèce, une banque avait accordé un prêt à une société, garanti par une hypothèque constituée par un tiers. La société débitrice fut placée en liquidation judiciaire et la procédure fut étendue au constituant de l’hypothèque. Dans cette procédure collective étendue, la banque déclara sa créance à titre privilégié. La validité de l’hypothèque fut contestée. Considérant qu’une telle contestation ne relevait pas de son office juridictionnel, le juge-commissaire sursit à statuer et invita la banque à mieux se pourvoir. La banque assigna alors le liquidateur devant le juge compétent, mais négligea d’attraire dans cette instance le débiteur et, surtout, le constituant de l’hypothèque. Pour cette raison, le tribunal saisi déclara son action irrecevable.

La banque fit appel de ce dernier jugement. La créance ayant été cédée, le cessionnaire de la créance intervint volontairement dans l’instance d’appel et procéda à une double démarche. D’une part, il appela en intervention forcée le constituant de la garantie, à qui la procédure collective était étendue D’autre part, il forma lui-même appel du jugement en intimant le liquidateur et ce même constituant. Pour déclarer ce dernier appel irrecevable, la Cour d’appel de Chambéry énonça que seules les personnes ayant...

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