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Contrariété à l’ordre public international de la délégation de puissance paternelle sans l’accord de la mère

Le Conseil d’État affirme la contrariété à l’ordre public international d’une décision judiciaire sénégalaise de délégation de puissance paternelle accordée par le seul père de l’enfant au profit d’une ressortissante française pour justifier le refus d’un titre de séjour pour l’enfant.

L’autorité administrative française peut, dans bien des hypothèses, être confrontée à des jugements rendus par des tribunaux étrangers. Ainsi en va-t-il des jugements d’adoption qui créent un lien de filiation à l’égard d’un Français, ou des jugements qui emportent délégation d’autorité parentale : ils rendent potentiellement nécessaire l’octroi d’un titre de séjour à l’enfant pour produire toute leur efficacité.

Depuis une vingtaine d’années, le Conseil d’État a repris à son compte le principe consacré par la Cour de cassation dans l’arrêt Hainard (Civ. 1re, 3 mars 1930, S. 1930. I. 377), selon lequel « les jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l’état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France, indépendamment de toute déclaration d’exequatur, sauf dans la mesure où ils impliquent des actes d’exécution matérielle sur des biens ou de coercition sur des personnes » (CE 24 nov. 2006, Bellounis, n° 275527, Lebon ; AJDA 2007. 638 , note O. Lecucq ; AJ fam. 2007. 225, obs. A. Boiché ).

Ce principe de reconnaissance de plano des décisions étrangères repose sur une présomption de régularité des jugements rendus en matière d’état des personnes. S’il n’appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l’opposabilité en France des jugements étrangers (l’action en exequatur relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire), il n’en demeure pas moins qu’il appartient à l’autorité administrative, « sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de ne pas fonder sa décision sur des éléments issus d’un jugement étranger qui révèlerait l’existence d’une fraude ou d’une situation contraire à la conception française de l’ordre public international » (CE 23 déc. 2011, n° 328213, Lebon ; D. 2012. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ).

Dans l’arrêt sous examen, une ressortissante française, Mme A., a obtenu d’un tribunal sénégalais une « délégation de puissance paternelle » sur sa nièce, de nationalité sénégalaise et née en 2013. Elle a ensuite demandé la délivrance d’un visa long séjour « visiteur », qui lui a été refusé par les autorités consulaires françaises à Dakar le 30 décembre 2021.

La requérante a saisi la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France d’un recours préalable, et face au silence de cette commission, a saisi le Tribunal administratif de Nantes. Par un jugement du 28 février 2023, le Tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet de ce recours et a enjoint le ministère de l’Intérieur de faire délivrer à l’intéressée le visa de long séjour sollicité. Le 24...

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