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Contrats de logiciel et compétence internationale en matière contractuelle
Contrats de logiciel et compétence internationale en matière contractuelle
Aux fins de détermination de la compétence internationale des juridictions des États membres au sens de l’article 7.1, b), du règlement (UE) n° 1215/2012 dit « Bruxelles I bis », le lieu d’exécution d’un contrat ayant pour objet le développement et l’exploitation suivie d’un logiciel destiné à répondre aux besoins d’un client établi dans un État membre autre que celui dans lequel la société ayant créé, conçu et programmé ce logiciel est établie est le lieu où ce client accède audit logiciel, c’est-à-dire consulte et utilise celui-ci.
par Colin Reydellet, Avocat au Barreau de Lyon, docteur en droitle 16 décembre 2024
Encore un arrêt de la Cour de justice portant sur l’option de compétence en matière contractuelle prévue par le règlement (UE) n° 1215/2012 dit Bruxelles I bis, sur laquelle la jurisprudence n’est finalement pas totalement tarie. L’affaire présente la particularité de se prononcer sur un contrat (oral est-il dit) « ayant pour objet le développement et l’exploitation [d’un] logiciel aux fins de son utilisation en Allemagne » conclu entre un développeur établi en Autriche et son client allemand (le logiciel a pour vocation l’analyse automatisée de tests du covid-19). Le développeur autrichien s’est prévalu d’impayés devant les juridictions autrichiennes, dont son client allemand a dénié la compétence. Juridiquement, le chef de compétence querellé est celui du célèbre article l’article 7.1, b), du règlement (UE) n° 1215/2012 dit « Bruxelles I bis », dont les termes sont ici reproduits : « une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre : 1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ; b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est : - pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, - pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ».
Partageons avec l’avocat général J. Richard de La Tour (concl. présentées le 5 sept 2024, dans lesquelles il précise s’être appuyé « en grande partie » sur le travail de thèse de M. El Hage, Le droit international privé à l’épreuve de l’internet, LGDJ, 2022) que, au regard de la prégnance de l’informatique dans le quotidien des entreprises et des particuliers, il est surprenant que la question du for du contrat en matière de « contrats de logiciel » (formulation ici retenue à titre fonctionnel) ne soit posée que pour la première fois devant la Cour de justice avec cette affaire. En cela, l’arrêt, quoique relativement court, mérite l’attention.
Pour en apprécier la portée, il convient de rappeler brièvement l’économie générale de la disposition appliquée. Ce faisant, quoique ce point n’ait pas fait l’objet de contestations, on lira que le contrat en cause est un contrat de « fourniture de services » pour les besoins de la détermination de la compétence internationale, ce qui pose la question de la portée de l’arrêt quant aux contrats concernés. Enfin, si la réponse apportée par la Cour de justice ne surprend pas, le silence qu’elle observe par rapport à certaines observations de l’avocat général n’est pas sans apporter d’enseignements.
L’économie générale de l’article 7.1 du règlement (UE) n° 1215/2012 dit « Bruxelles I bis »
C’est peu dire que cette disposition, qui existe depuis la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, est sans doute celle qui a fait l’objet des plus grandes critiques doctrinales, autant pour sa rédaction que pour le sort jurisprudentiel qui lui a été réservé dès 1976 (critiques toujours d’actualité, comme l’illustre l’intervention du Pr D. Sindres à la Cour de cassation le 18 janv. dernier, qui reprend à son compte la proposition déjà formulée ailleurs de supprimer purement et simplement cette option de compétence – auteur auquel se réfère également l’avocat général dans ses concl.). À grands traits, dans sa première version, il n’existait aucune référence aux contrats de vente de marchandises et de fourniture de services, et la difficulté a très vite porté, d’une part, sur l’identification de l’obligation dont il fallait tenir compte pour en déterminer le lieu d’exécution et, d’autre part, sur la méthode de détermination de ce lieu.
S’agissant de l’identification de l’obligation, les versions linguistiques de la première version de la Convention de Bruxelles étaient contradictoires. La Cour de justice est alors venue préciser qu’il devait s’agir de « l’obligation qui sert de base à la demande » (ce qui correspondait à la version linguistique italienne), et non l’obligation caractéristique du contrat (CJCE 6 oct. 1976, De Bloos c/ Bouyer, aff. C-14-76), ce qu’ont acté les auteurs de la révision de la Convention en 1978. Autrement dit, pour un même contrat, selon la demande qui est formulée, plusieurs juridictions différentes peuvent se déclarer compétentes, ce qui constitue le premier défaut de la solution. Surtout, lorsque plusieurs demandes sont présentées sur des obligations différentes, il convient de s’adonner à un exercice d’évaluation de l’importance de ces obligations : soit l’une peut être qualifiée de « principale », auquel cas elle seule permet d’établir la compétence du juge (CJCE 15 janv. 1987, Shenavaï c/ Kreischer, aff. C-266/85), soit ces obligations sont « équivalentes », et le litige doit être scindé entre les différentes juridictions du lieu d’exécution de chacune de ces obligations (CJCE 5 oct. 1999, Leathertex c/ Bodetex, aff. C-420/97, Leathertex Divisione Sintetici SpA c/ Bodetex BVBA, D. 1999. 270 ; Rev. crit. DIP 2000. 76, note H. Gaudemet-Tallon
). Au temps pour la prévisibilité des solutions, au temps pour l’opportunité de cet édifice.
Pour ce qui est de la méthode de détermination du lieu d’exécution, de manière audacieuse et peut-être pour peser dans l’adoption de la Convention de Rome à venir (1980) sur la loi applicable aux contrats internationaux, la Cour de justice a consacré la méthode consistant à déterminer la loi applicable à l’obligation litigieuse par le jeu de la règle de conflit de lois, à déduire de cette loi la localisation de l’exécution de cette obligation, et à apprécier in fine si ce lieu de localisation est celui de son État (CJCE 6 oct. 1976, Tessili c/ Dunlop, aff. C-12-76). Nul besoin de souligner la complexité d’une telle construction, au demeurant inapplicable à certaines obligations, telles les obligations de ne pas faire (CJCE 19 févr. 2002, Besix c/ WAK, aff. C-256/00, Rev. crit. DIP 2002. 577, note H. Gaudemet-Tallon ; RTD com. 2002. 591, obs. A. Marmisse
). La Cour de justice n’a pour autant jamais dévié de cette jurisprudence (CJCE 28 sept 1999, Groupe Concorde c/ Capitaine du navire Suhadiwarno Panjan, aff. C-440/97, D. 1999. 242
; Rev. crit. DIP 2000. 253, note B. Ancel
).
Lors de la transformation de la Convention en règlement (CE) n° 44/2001 dit « Bruxelles I », le législateur européen a tenté de circonscrire les difficultés en insérant une définition textuelle du lieu d’exécution pour les deux contrats les plus courants : la vente de marchandises et la fourniture de services. Pour ces contrats, l’obligation « qui sert de base à la demande » est réputée être, alternativement, le lieu de livraison des marchandises et le lieu de fourniture des services (autrement dit, mais implicitement, le lieu de l’obligation principale du contrat). Si cet encart, associé au développement en pratique des clauses attributives de juridiction ou d’arbitrage, a pu limiter le contentieux sur le critère de compétence en matière contractuelle, il en a suscité un nouveau sur le champ d’application de ces contrats nommés, la subdivision en catégories juridiques créant mécaniquement des difficultés de qualifications – ainsi des hypothèses dans lesquelles le contrat oscille entre vente et fourniture de services (CJUE 25 févr. 2010, Car Trim c/ KeySafety Systems, aff. C-381/08, D. 2010. 1837 , note T. Azzi
; ibid. 1585, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke
; ibid. 2323, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; ibid. 2012. 1144, obs. C. Witz
; RTD eur. 2010. 421, chron. M. Douchy-Oudot et E. Guinchard
). Toujours est-il que cette disposition a été maintenue lors de la refonte du texte en règlement (UE) n° 1215/2012, à son article 7.1.
Le contrat de logiciel en cause est un contrat de fourniture de services
Le contrat dont il est question dans la présente affaire est-il un contrat de vente de marchandises, un contrat de fourniture de services ou un autre contrat au sens de l’article 7.1 du règlement (UE) n° 1215/2012 ?
Il est constant que, pour l’application de l’option européenne de compétence en matière contractuelle, la Cour de justice retient de longue date que « la notion de services implique, pour le moins, que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération » (CJCE 23 avr. 2009, Falco c/ Weller-Lindhorst, aff. C-533/07, D. 2009. 1489 ; ibid. 2384, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; ibid. 2010. 1585, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke
). La nouvelle formulation adoptée par le règlement (CE) n° 44/2001, telle qu’interprétée à la lumière de l’arrêt Falco, a permis de retenir une conception extensive de la notion de « fourniture de services » et d’échapper à la complexité du système Tessili – De Bloos. Ainsi, par exemple, d’un contrat de transport aérien de personnes (CJCE 9 juill. 2009, Rehder c/ Air Baltic, aff. C-204/08, D. 2009. 1904
; ibid. 2010. 1585, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke
; ibid. 2011. 1445, obs. H. Kenfack
; RTD com. 2009. 825, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast
; RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard
), d’un contrat d’agence commerciale (CJUE 11 mars 2010, Wood Floor c/ Silva Trade, aff. C-19/09, D. 2010. 834
; ibid. 2323, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; ibid. 2011. 1374, obs. F. Jault-Seseke
; RTD com. 2010. 451, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast
; RTD eur. 2010. 421, chron. M. Douchy-Oudot et E. Guinchard
), d’un contrat-cadre de concession (CJUE 19 déc/ 2013, Corman-Collins c/ La Maison du Whisky, aff. C-9/12, Dalloz actualité, 20 janv. 2014, obs. F. Mélin ; D. 2014. 1059, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke
; ibid. 1967, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; AJCA 2014. 28
, note G. Parleani
; Rev. crit. DIP 2014. 660, note D. Bureau
; RTD civ. 2014. 848, obs. L. Usunier
; RTD com. 2014. 443, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast
; ibid. 457, obs. P. Delebecque
; 8 mars 2018, Saey Home & Garden c/ Lusavouga-Máquinas, aff. C-64/17, Dalloz actualité, 19 mars 2018, obs. F. Mélin ; D. 2018. 565
; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; ibid. 2019. 783, obs. N. Ferrier
; AJ contrat 2018. 240, obs. I. Luc
), d’un contrat de crédit (CJUE 15 juin 2017, Kareda c/ Benkö, aff. C-249/16, Dalloz actualité, 22 juin 2017, obs. F. Mélin ; D. 2017. 1306
; ibid. 2054, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; ibid. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke
; RTD com. 2017. 743, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast
), ou encore d’un avant-contrat relatif à la conclusion future d’un contrat de franchise (CJUE 14 sept 2023, EXTÉRIA c/ Spravime, aff. C-393/22, Dalloz actualité, 29 sept. 2023, obs. F. Mélin ; D. 2023. 1599
; ibid. 2024. 1735, obs. L. d’Avout, S. Bollée, E. Farnoux et A. Gridel
; Rev. crit. DIP 2024. 332, note M. Minois
; RTD com. 2023. 991, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast
). La Cour de cassation semble être au diapason de la Cour de justice à cet égard (par ex, Com. 16 nov. 2010, n° 09-66.955, Dalloz actualité, 1er déc. 2010, obs. X. Delpech ; D. 2010. 2917, obs. X. Delpech
; ibid. 2011. 1374, obs. F. Jault-Seseke
; ibid. 1445, obs. H. Kenfack
; ibid. 2434, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; Rev. crit. DIP 2011. 139, rapp. A. Potocki
; RTD com. 2011. 669, obs. P. Delebecque
; Civ. 1re, 27 mars 2007, n° 06-14.402, D. 2007. 1085, obs. I. Gallmeister
; ibid. 2562, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; ibid. 2008. 1507, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke
; RTD com. 2007. 629, obs. P. Delebecque
; 19 nov. 2014, n° 13-13.405, Dalloz actualité, 12 déc. 2014, obs. F. Mélin ; D. 2015. 51
, note G. Lardeux
; ibid. 943, obs. D. Ferrier
; ibid. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke
; ibid. 2031, obs. L. d’Avout...
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