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Contrôle de proportionnalité et filiation : toujours pas d’atteinte disproportionnée…

À l’occasion d’une action en constatation de la possession d’état, la Cour de cassation confirme la conventionnalité de principe des délais de prescription prévus par le droit français en matière de filiation. Elle approuve par ailleurs le contrôle de proportionnalité effectué en l’espèce par la cour d’appel et écarte tout atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de la demanderesse.

par Laurence Gareil-Sutterle 14 janvier 2021

L’arrêt de rejet rendu par la première chambre civile le 2 décembre 2020 (n° 19-20.279) est un nouvel exemple du contrôle de proportionnalité admis dans son principe par la Cour de cassation en matière de filiation depuis un arrêt du 10 juin 2015 (Civ. 1re, 10 juin 2015, n° 14-20.790, D. 2015. 2365 , note H. Fulchiron ; ibid. 2016. 857, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1966, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; RTD civ. 2015. 596, obs. J. Hauser ; ibid. 825, obs. J.-P. Marguénaud ; Dr. fam. 2015. Comm. 163, note C. Neirinck). Son originalité tient à ce qu’il concerne, pour la première fois selon nous, une action en constatation de possession d’état et donc la mise en œuvre de la combinaison des articles 321 et 330 du code civil.

En l’espèce, une femme, Mme A., est née le 24 juillet 1971. Ce même jour, l’homme qu’elle prétend être son père, M. C., décède accidentellement, laissant pour héritiers sa sœur et ses neveux. Pour une raison qu’on ignore, Mme A. laisse s’écouler près de quarante-cinq ans avant d’agir en justice afin que soit reconnue l’existence d’une possession d’état à l’égard de M. C.. Ainsi, le 15 avril 2016, elle assigne en justice le procureur de la République de Marseille. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence déclare son action irrecevable comme prescrite. Selon les juges du fond, si Mme A. avait bien jusqu’au 24 juillet 2016 pour agir, elle aurait dû intenter son action contre les héritiers du père prétendu. En conséquence, son assignation délivrée en avril 2016 au procureur de la République n’a pu interrompre le délai de prescription et son action est désormais prescrite.

Le pourvoi de Mme A. contenait deux angles d’attaque.

Le premier consistait, sommairement, à démontrer que son assignation adressée au procureur avait bien interrompu la prescription car elle ignorait l’existence des héritiers. Nous n’insisterons pas sur ce point car la Cour de cassation l’a déclaré irrecevable « comme proposant une argumentation incompatible avec celle que [Mme A.] a développée devant la cour d’appel en soutenant avoir entretenu avec les héritiers de [M. C.] des relations régulières pendant de nombreuses années ».

Le second angle d’attaque, qui découlait de l’échec du premier, reposait sur l’atteinte disproportionnée que la solution retenue portait au droit au respect de la vie privée de Mme A. puisque celle-ci se trouvait ainsi privée du droit d’établir son lien de filiation et du droit de connaître ses origines. C’est là qu’intervient le désormais fameux contrôle de proportionnalité.

La Cour de cassation expose tout d’abord les textes du code civil qui aboutissent à la prescription de l’action en constatation de la possession d’état de Mme A. à l’égard de M. C. Elle rappelle qu’il résulte des articles 330 et 321 du code civil combinés que cette action peut être exercée par tout intéressé...

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