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Contrôle de la qualification du temps de travail effectif en matière de trajets professionnels atypiques

En l’absence de nécessité de se conformer aux directives de l’employeur et d’impossibilité de vaquer à ses occupations, les temps de trajet entre l’hôtel imposé et les lieux d’accomplissement du contrat de travail pour un salarié en déplacement ne relèvent pas du temps de travail effectif. Ces critères sont en revanche remplis pour le salarié contraint, sous peine de sanctions disciplinaires, de suivre un protocole contraignant dans un cours laps de temps pour rejoindre ses locaux de travail à partir de l’entrée du site d’une centrale nucléaire ; et ce quand bien même le règlement du site est imposé par le propriétaire de la centrale, et non par l’employeur lui-même.

Par deux arrêts du 7 juin 2023, la chambre sociale rappelle les critères fondamentaux du temps de travail effectif qui doivent être tirés de l’article L. 3121-1 du code du travail et appliqués aux temps de trajet des salariés, pour ce qui concerne le trajet entre le domicile et le lieu de travail. Le mérite de ces arrêts est de préciser la logique devant être déployée par le juge à l’occasion du contrôle des critères dans des situations plus complexes qu’un classique déplacement entre le domicile habituel du salarié et un lieu de travail sans particularité.

Dans le premier arrêt, le salarié partant pour la semaine visiter en tant que « client mystère » des concessions d’experts en contrôle technique automobile était logé dans des hôtels désignés par l’employeur, loin de son domicile habituel. Dans le second, c’est l’arrivée sur le lieu d’exécution du contrat de travail qui posait la question de la qualification du temps de travail effectif, puisque le salarié devait suivre des directives de sécurités précises et contraignantes dès l’entrée du site de la centrale nucléaire au sein duquel les bureaux de la société l’employant sont situés.

Rappel des critères du temps de travail effectif

Pour mémoire, de l’article L. 3121-1 sont tirés trois critères cumulatifs et interdépendants. Le temps de travail effectif est tout d’abord un temps à disposition de l’employeur (Soc. 31 mars 1993, n° 89-40.865 ; 28 oct. 1997, n° 94-42.054 P, D. 1997. 252 ; Dr. soc. 1998. 15, note J. Savatier ; 7 avr. 1998, n° 95-44.343 P, D. 1998. 130 ; Dr. soc. 1998. 530, note G. Bélier ; 3 juin 1998, n° 96-42.455 P, D. 1998. 174 ; Dr. soc. 1998. 744, note A. Jeammaud ), qui comprend donc les temps de présence contrainte, et même d’attente, sur un lieu de travail. Il est aussi un temps de soumission aux ordres de l’employeur (Soc. 9 mars 1999, n° 96-44.080 P, D. 1999. 92 ; Dr. soc. 1999. 524, obs. C. Radé ; RJS 1999, n° 519) ; le temps à disposition doit donc être au moins implicitement demandé ou accepté par l’employeur. Le temps de travail effectif est enfin un temps durant lequel le salarié est en impossibilité de vaquer librement à des occupations personnelles (Soc. 9 mars 1999, n° 96-45.590 P, D. 2000. 445 , note B. Belloir-Caux ; Dr. soc. 1999. 522, obs. C. Radé ; 6 avr. 1999, n° 97-40.058 P, D. 1999. 126 ), ce qui s’entend généralement du temps durant lequel il doit se tenir prêt à répondre à toute demande d’intervention, à proximité de son lieu de travail.

En matière de temps de trajet classique entre le domicile du salarié et le lieu d’exécution de son contrat de travail, l’application de ces critères doit conduire à écarter le trajet du temps de travail effectif ; ce n’est pas un temps de disposition, le salarié n’étant pas tenu à un trajet précis ; il n’est d’ailleurs pas tenu de commencer son trajet depuis son domicile, puisque seul importe à l’employeur que le salarié soit à l’heure sur le lieu de travail. Fort logiquement, puisqu’il n’y a pas de disposition, ce n’est pas non plus un temps de soumission exigé par l’employeur ou implicitement accepté par ce dernier. Puisque le salarié n’est pas à disposition de l’employeur, il peut d’ailleurs vaquer à des occupations personnelles durant ce temps de trajet. En somme, le principe posé par...

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