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La Convention citoyenne mise sur le droit pour sauver le climat

Après neuf mois de travaux, les 150 citoyens tirés au sort pour la Convention citoyenne pour le climat ont remis leurs travaux. Ils préconisent l’adoption de 150 propositions, dont deux seraient soumises à référendum : le renforcement de la place de l’environnement dans la Constitution et la création d’un crime d’écocide. Le droit comme levier d’action pour sauver la planète.

par Pierre Januelle 23 juin 2020

Renforcer la protection constitutionnelle de l’environnement

Les citoyens préconisent l’adoption de deux modifications à la Constitution. D’abord, ils souhaitent préciser dans le préambule que « la conciliation des droits, libertés et principes qui en résultent ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité ». Ils proposent aussi d’indiquer à l’article premier que « la République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ».

Cette rédaction serait légèrement différente de celle du projet de loi constitutionnelle déposé par le gouvernement en 2019 qui prévoyait d’inscrire que la France « favorise la préservation de l’environnement, la diversité biologique et l’action contre les changements climatiques » (v. Dalloz actualité, 3 sept. 2019, obs. E. Maupin). À noter, une rédaction initiale utilisait le verbe « agir » plutôt que de « favoriser ». Mais, dans son avis au projet de loi, le Conseil d’État soulignait qu’un principe d’action « imposerait une obligation d’agir à l’État, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux », ce qui « serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction ».

Depuis, le Conseil constitutionnel a consacré la protection de l’environnement comme un objectif de valeur constitutionnelle (Cons. const. 31 janv. 2020, décis. n° 2019-823 QPC, Dalloz actualité, 12 mars 2020, obs. M. Vervynck ; B. Parance, Les riches promesses de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ?, D 2020. 1159 ). En indiquant que la République « garantit » la préservation l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique, les citoyens souhaitent allait au-delà de l’action mais aussi que ces principes puissent servir de base à une question prioritaire de constitutionnalité (ce qui n’est pas possible aujourd’hui).

Un référendum sur l’écocide ?

Autre proposition qui serait soumise à référendum : la création d’un crime d’écocide. Une idée portée l’an dernier par deux propositions de loi, rejetées par le Sénat (v. Dalloz actualité, 6 mai 2019, art. P. Januel) puis par l’Assemblée nationale. Pour la convention, constituerait un crime d’écocide « toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ».

Cette proposition suscite de nombreuses interrogations. D’abord, un référendum sur le droit pénal serait inédit, et il n’est pas certain qu’il soit permis par l’article 11 de la Constitution. Par ailleurs, plusieurs termes de l’incrimination criminelle proposée restent flous. De plus, le gouvernement a indiqué souhaiter, qu’avant de changer la loi française, une définition internationale soit adoptée. Enfin, de nombreux délits environnementaux sont déjà mobilisables par le juge.

Les citoyens proposent aussi d’inclure dans la loi le délit d’imprudence et élargir le concept de devoir de vigilance (v. Dalloz actualité, 29 mars 2017, obs. P. Dufourq). Ces préconisations seraient garanties par une « Haute Autorité des limites planétaires », consultée par le gouvernement sur tout projet de loi, ordonnance ou décret concernant ses domaines de compétence.

Des citoyens qui croient dans le droit

Parmi plus d’une centaine de propositions dégagées par les citoyens, il est notable que ce soient les propositions juridiques qui soient les seuls à être soumises à référendum. Plusieurs explications : d’abord, les citoyens souhaitent faire appel au peuple pour toucher à la superstructure et au cadre large. Il y a aussi eu, au cours de la convention, un éveil des citoyens au fonctionnement de la norme, et un souhait de faire évoluer la jurisprudence, notamment constitutionnelle. Enfin, les citoyens n’ont pas souhaité utiliser le référendum pour des mesures plus contraignantes (110 km/h sur autoroute, rénovation obligatoire des logements). Un participant note que « de nombreux citoyens ont eux-mêmes cheminé en écoutant les experts et ont été convaincus par la convention. Pour ces sujets moins évidents, il y avait une crainte que le référendum, qui est souvent la coalition des oppositions, aboutisse à un rejet, faute du même travail préalable ».

Une partie des travaux de la convention citoyenne devrait être reprise par le gouvernement. Lundi prochain, Emmanuel Macron recevra les citoyens. Puis il pourrait faire des annonces dans le courant du mois de juillet, lors d’un discours qui marquerait une nouvelle étape dans son quinquennat.