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La conventionnalité du barème Macron

Le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’est pas contraire à l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT. Le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale. La loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct.

L’ordonnance du 22 septembre 2017, dite « Macron », avait établi, à l’article L. 1235-3 du code du travail, un barème déterminant l’indemnité que doit verser l’employeur à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse. Ce barème, abondamment discuté tant sur le plan de sa conventionnalité que sur celui de sa constitutionnalité (v. Cons. const. 21 mars 2018, n° 2018-761 DC concluant à une conformité, Dalloz actualité, 23 mars 2018, obs. C. Dechristé ; D. 2018. 2203, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 2019. 1248, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Dr. soc. 2018. 677, tribune C. Radé ; ibid. 682, étude B. Bauduin ; ibid. 688, étude A. Fabre ; ibid. 694, étude Y. Pagnerre ; ibid. 702, étude J. Mouly ; ibid. 708, étude P.-Y. Verkindt ; ibid. 713, étude G. Loiseau ; ibid. 718, étude D. Baugard et J. Morin ; ibid. 726, étude C. Radé ; ibid. 732, étude P.-Y. Gahdoun ; ibid. 739, étude L. He ; RDT 2018. 666, étude V. Champeil-Desplats ), encadre le niveau d’indemnisation strictement en fonction de l’ancienneté du salarié, la somme pouvant être versée est soumise à un plancher et à un plafond. En 2018, le Conseil constitutionnel avait toutefois déclaré ce barème conforme à la Constitution. Après plusieurs décisions de juridictions du fond controversées et dissonantes (v. à ce propos le dossier doctrinal, Licenciement et barème. Prévoir et sécuriser ?, Dr. soc. 2019. 280 ), la position de la chambre sociale de la Cour de cassation était éminemment attendue, bien qu’elle ait déjà pu livrer un avis sur la question en juillet 2019 (Cass., ass. plén., avis, 17 juill. 2019, n° 19-70.010 P, D. 2019. 1916, et les obs. , note T. Sachs ; RTD civ. 2020. 59, obs. P. Deumier ). C’est finalement le 11 mai 2022, par deux arrêts distincts, que l’éminente juridiction livre son interprétation de la conformité du barème français à certains textes internationaux.

Dans les deux espèces commentées, des salariées s’estimant injustement licenciées ont saisi la juridiction prud’homale.

Elles ont contesté la conformité du barème à des conventions internationales signées par la France, en l’occurrence l’article 24 de la Charte sociale européenne (n° 21-15.247) et l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT (n° 21-14.490), dans l’optique de voir ledit barème écarté afin de neutraliser la limitation du montant indemnitaire perçu au titre de leur licenciement.

La cour d’appel saisie de la conformité à la convention de l’OIT a fait droit à la demande de la salariée en écartant le barème sur ce fondement (n° 21-14.490), là ou celle saisie d’une demande identique sur le fondement de la Charte sociale a rejeté la prétention et maintenir l’application du barème (n° 21-15.247).

La chambre sociale de la Cour de cassation a, au terme de raisonnements nourris à la fois des textes internationaux, de leur contexte d’édiction, et de sa propre jurisprudence en matière de libertés fondamentales, conclu à l’impossibilité d’écarter le barème français sur le fondement des textes internationaux invoqués.

La conventionnalité du barème au prisme de la convention n° 158 de l’OIT

L’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) prévoit en effet qu’en cas de « licenciement injustifié », le juge doit pouvoir ordonner le versement d’une indemnité « adéquate » au salarié.

La question centrale du...

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