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Convocation aux audiences : le formalisme au service de la connaissance des actes du procès

Dans le cadre de deux litiges en contestation d’honoraires, la Cour de cassation revient sur la convocation des parties à l’audience. L’occasion pour elle de réaffirmer l’importance du formalisme en la matière, seul à même de garantir le respect des droits de la défense.

par Jérémy Jourdan-Marquesle 5 juillet 2018

Dans une première affaire, une partie a confié la défense de ses intérêts dans divers litiges à un avocat. À la suite d’un différend sur le paiement des honoraires, l’avocat a saisi le bâtonnier de son ordre d’une demande en fixation de ceux-ci. Le client a exercé un recours contre la décision du bâtonnier. Dans son ordonnance, le juge délégué par le premier président retient que l’appelant, non comparant ni représenté, n’est pas venu soutenir son recours bien qu’il ait été convoqué à l’audience par lettre simple. Un pourvoi est formé, lequel soutient que l’avocat et le client doivent être convoqués par le greffier en chef, au moins huit jours à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Or en considérant que l’appelant avait été régulièrement convoqué par lettre simple en application de l’article 937 du code de procédure civile, le juge délégué par le premier président aurait violé, par fausse application ce texte et, par refus d’application, l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. L’ordonnance est cassée par la Cour de cassation (Civ. 2e, 14 juin 2018, n° 17-20.419) au visa des articles 14 et 937 du code de procédure civile et de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, au motif que l’appelant n’avait pas été régulièrement convoqué à l’audience.

L’arrêt pose la question des modalités de convocation d’une partie à l’audience dans le cadre d’une procédure d’appel à la suite d’une contestation des honoraires. L’article 177 du décret n° 91-1197 énonce que « l’avocat et la partie sont convoqués, au moins huit jours à l’avance, par le greffier en chef, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ». Le texte prévoit ainsi expressément le recours à une lettre recommandée. Une lettre simple peut-elle valablement la remplacer ? Dès lors que l’on connait la faiblesse de la lettre simple par rapport à la lettre recommandée, notamment quant à la preuve de l’émission et de la réception du courrier, on pouvait légitimement douter que les deux formalités soient jugées équivalentes. C’est donc logiquement que l’ordonnance est cassée.

On signalera toutefois que la question de la nature de la nullité de la convocation n’est pas évoquée par la Cour de cassation. Or si l’on observe la tendance récente de la Cour de cassation, il y a fort à parier qu’elle considérerait qu’il s’agit d’une nullité de forme exigeant la preuve d’un grief (Cass., ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20.026, Bull. ch. mixte, n° 6 ; D. 2006. 1984, obs. E. Pahlawan-Sentilhes ; RTD civ. 2006. 820, obs. R. Perrot  ; JCP 2006. II. 10146, note E. Putman ; JCP 2006. I. 183, n° 12, obs. Y.-M. Serinet ; Procédures 2006, n° 200, obs. R. Perrot ; Dr. et patr. 2007. 118, obs. S. Amrani-Mekki ; en dernier lieu, Civ. 2e, 22 mars 2018, n° 17-10.576, Dalloz actualité, 10 avr. 2018, obs. J. Jourdan-Marques isset(node/190016) ? node/190016 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190016 ; JCP 2018. 702, obs. S. Dorol ; Procédures 2018. Comm. 182, obs. C. Laporte). En l’espèce, la question ne se posait pas, le client n’ayant pas comparu. Néanmoins, une partie comparante pourrait ne pas être en mesure de se prévaloir de la nullité faute de grief.

La seconde affaire prolonge les interrogations soulevées par la première. Une partie a confié la défense de ses intérêts dans un litige à un avocat. À la suite d’un différend sur le montant des honoraires, le client a saisi le bâtonnier de son ordre d’une contestation de ceux-ci. Le client a exercé un recours contre la décision du bâtonnier. L’avocat a été convoqué à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cependant, la lettre est retournée avec la mention « pli avisé et non réclamé ». L’ordonnance retient toutefois que l’intimé a été régulièrement convoqué. Un pourvoi est formé par l’avocat. L’ordonnance est cassée au visa de l’article 670-1 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, ensemble l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. La Cour énonce qu’« en cas de retour au secrétariat de la juridiction d’une lettre de notification dont l’avis de réception n’a pas été signé dans les conditions prévues à l’article 670 du même code, le secrétaire invite la partie à procéder par voie de signification » (Civ. 2e, 14 juin 2018, n° 17-21.149).

Ainsi, dans cette seconde affaire, la partie avait été valablement convoquée par lettre recommandée, conformément à l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. Simplement, celle-ci est revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé », ce qui signifie que l’adresse indiquée était bonne, mais que le destinataire n’a pas fait la démarche de venir récupérer sa lettre. Fallait-il, dans cette hypothèse, sanctionner la négligence ou imposer une signification pour s’assurer que le destinataire ait connaissance de la convocation ? C’est en faveur de la seconde hypothèse que tranche la Cour de cassation. Ce n’est pas la première fois que la Cour retient une telle solution (Com. 13 déc. 2016, n° 15-14.316 ; Civ. 2e, 8 janv. 1997, n° 95-11.452, Gaz. Pal. 1998. 2. 797, note E. Du Rusquec ; beaucoup plus ambigu, Civ. 3e, 26 oct. 2017, n° 16-25.048).

Dès lors, le retour de la lettre impose, conformément à l’article 670-1 du code de procédure civile, le recours à la signification. Se faisant, la jurisprudence contribue à favoriser la connaissance de la convocation à l’audience et offre une large place à la signification comme acte subsidiaire à la notification par lettre recommandée (en ce sens, S. Jobert, La connaissance des actes du procès civil par les parties, thèse, P. Théry (dir.), Paris II, 2016, LGDJ, à paraître, n° 335). Sans doute peut-on s’en réjouir, car il s’agit là de la meilleure manière de s’assurer que chaque partie puisse être entendue.

On finira par remarquer que l’application de l’article 670-1 du code de procédure civile ne relevait pas de l’évidence. En effet, la Cour de cassation considère que la procédure en contestation d’honoraires bénéficie d’une autonomie procédurale. En conséquence, il lui arrive d’exclure l’application, à titre résiduel, des dispositions du code de procédure civile (Civ. 2e, 24 mai 2018, nos 17-18.458 et 17-18.504, Dalloz actualité, 13 juin 2018, obs. J. Jourdan-Marques isset(node/190980) ? node/190980 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190980 ; JCP 2018. 1194, obs. C. Caseau-Roche). À cet égard, nous avions déjà eu l’occasion de remarquer que « si l’on peut comprendre la volonté de la Cour de cassation de ne pas soumettre cette action aux exigences du code de procédure civile, il n’en demeure pas moins qu’un retour au droit commun sera souvent nécessaire ». L’arrêt en commentaire illustre finalement parfaitement cette hypothèse.