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Convocation des parties, office du juge et non-comparution du défendeur

Devant la juridiction de proximité, aucun texte n’impose au greffe d’informer l’avocat de la réouverture des débats, dès lors que son client a été avisé de la nouvelle date d’audience. Si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne peut faire droit à la demande qu’après examen de son bien-fondé.

par François Mélinle 12 février 2018

Un bail d’habitation est conclu. À la suite de la restitution des locaux, le preneur saisit la juridiction de proximité d’une demande de remboursement du dépôt de garantie. Dans ce cadre, deux difficultés d’ordre procédural ont surgi.

1. Le régime des convocations par la juridiction de proximité

La première difficulté concernait le régime de convocation des parties en cas de nouvelle audience.

En l’espèce, une première audience avait été tenue puis une nouvelle audience avait été programmée. Les parties en avaient été avisées mais ce n’était pas le cas de l’avocat de l’une d’elles. Il ne s’était donc pas présenté à la seconde audience.

Le demandeur au pourvoi faisait valoir que lorsqu’une partie a chargé une personne de la représenter en justice, les actes qui lui sont destinés sont notifiés à son représentant.

Ce moyen est toutefois écarté par l’arrêt du 1er février 2018, au motif qu’aucun texte n’impose au greffe d’informer l’avocat de la réouverture des débats, alors que sa cliente avait été avisée de la nouvelle date d’audience.

Cette position s’explique aisément.

La juridiction de proximité, désormais supprimée, était soumise, par le Code de procédure civile, aux mêmes « dispositions particulières » que le tribunal d’instance, dispositions qui sont toujours en vigueur pour ce tribunal. La procédure était dès lors orale devant la juridiction de proximité (art. 846). Les parties se défendaient elles-mêmes et avaient la faculté de se faire assister ou représenter (art. 827). Le greffier devait convoquer le défendeur à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; et le demandeur était avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l’audience (art. 844). Et l’article 847 précisait qu’« à défaut de conciliation constatée à l’audience, l’affaire est immédiatement jugée ou, si elle n’est pas en état de l’être, renvoyée à une audience ultérieure » et que, « dans ce cas, le greffier avise par tous moyens les parties qui ne l’auraient pas été verbalement de la date de l’audience ».

Ce dernier principe est issu du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 et vise à simplifier les conditions de convocation des parties, en évitant le recours aux courriers recommandés, qui ont un coût important et qui implique un travail fastidieux pour le greffe (C. Bléry et J.-P. Teboul, Une nouvelle ère pour la procédure civile, Gaz. Pal. 27 mars 2015, p. 6 ; S. Amrani-Mekki, L’ambition procédurale du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, Gaz. Pal. 14-16 juin 2015, p. 3, spéc. § 11 ; H. Croze, Choc de simplification procédurale ? JCP 2015. 356 ; Y. Strickler, Le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, Procédures n° 6, juin 2015, étude 6, § 4 s.).

Il résulte ainsi de l’article 847 que les parties doivent être avisées du renvoi de l’affaire à une audience ultérieure. Cependant, le code ne prévoit pas que cette exigence s’impose à l’égard de l’avocat dès lors que son client a bien eu connaissance de la date de la nouvelle audience. Cette approche n’est pas surprenante : on peut attendre de la partie avisée qu’elle informe son propre avocat des développements de son dossier. L’arrêt du 1er février 2018 ne peut donc qu’être approuvé.

2. La non-comparution du défendeur et l’appréciation de la demande

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, la juridiction de proximité avait donc convoqué les parties à une nouvelle audience. Le demandeur s’y était présenté mais pas le défendeur, pourtant avisé, ni son avocat. Les prétentions du demandeur avaient alors été accueillies.

Le défendeur, condamné, reprochait à la juridiction de proximité d’avoir statué de la sorte sans avoir analysé les éléments de preuve produits par ce demandeur, ce qui soulevait la question de l’office du juge en cas de défaut du défendeur (sur ce, v. C. Chainais, F. Ferrand et S. Guinchard, Procédure civile, Dalloz, 2016, 33e éd., n° 824).

Cette hypothèse est prévue par l’article 472 du code de procédure civile.

Ce texte énonce, d’une part, que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Il ajoute, d’autre part, que le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

C’est précisément au visa de cet article 472 que la cassation est prononcée en l’espèce, l’arrêt reprochant à la juridiction de proximité de ne pas avoir analysé, même succinctement, les éléments de preuve produits par le demandeur.

Il s’agit là d’une nouvelle illustration d’un contentieux récurrent devant la Cour de cassation (par ex., v. Soc. 19 juin 1991, n° 87-43.056 ; Civ. 2e, 20 mars 2003, n° 01-03.218, D. 2003. IR 943 ; JCP 2003. II. 10150, note du Rusquec), qui trouve sa source dans la tentation de faire droit au demandeur sans examen approfondi de ses prétentions, dès lors que le défendeur ne comparaît pas en vue de les contester.