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Coronavirus : adoption en cours d’un projet de loi de finances rectificative pour 2020

Le projet de loi de finances rectificative pour 2020 présenté ce 18 mars 2020 en conseil des ministres et adopté le lendemain même par les députés constitue le véhicule législatif du volet financement des mesures de soutien aux entreprises décidées en faveur des entreprises frappées par la crise sanitaire liée au virus covid-19. Sa principale mesure consiste en la mise en place d’un mécanisme de garantie de l’État des prêts consentis par des établissements de crédit à hauteur de 300 milliards d’euros.

par Xavier Delpechle 20 mars 2020

À la suite des récentes annonces du président de la République visant à soutenir l’économie dans le contexte de crise sanitaire que connaît la France lié au virus covid-19, un projet de loi de finances rectificative pour 2020 a été présenté en conseil des ministres ce mercredi 18 mars pour être examiné et adopté par les députés dès le lendemain. C’est ce texte qui constitue le véhicule législatif des principales dispositions économiques contenues dans ces annonces. Ce projet de loi a un double objet.

Financement du chômage partiel et du fonds d’indemnisation pour les très petites entreprises

Le projet de loi de finances rectificative vise en premier lieu à financer un « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », à hauteur de 6,25 milliards d’euros, destiné à prendre en charge, d’une part, le dispositif exceptionnel de chômage partiel qui a été décidé pour éviter les licenciements (5,5 milliards d’euros) et, d’autre part, à abonder un fonds d’indemnisation pour les très petites entreprises, qui doit être cofinancé par les régions (750 millions d’euros) (art. 2). Le projet de loi de finances ne concerne que le volet financement du fonds. C’est une ordonnance – qui sera prise dans les trois mois sur habilitation de la future loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (le projet de loi d’habilitation a été présenté lors du même conseil des ministres mais a été examiné d’abord par le Sénat, qui l’a également adopté le 19 mars, v. Dalloz actualité, 20 mars 2020, art. P. Januel) – qui en précisera le fonctionnement. Très précisément, l’habilitation porte sur la mise en place d’un mécanisme « [d]’aide directe ou indirecte aux entreprises dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces entreprises ainsi que d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions » (art. 7, I, 1°, a). L’habilitation prévoit, en outre, une modification par voie d’ordonnance de notre « droit des procédures collectives et des entreprises en difficulté afin de faciliter le traitement préventif des conséquences de la crise sanitaire » (art. 7, I, 1°, d).

Garantie de l’État des prêts bancaires

Le projet de loi de finances rectificative instaure ensuite – c’est son principal objet – une garantie de l’État sur les prêts octroyés aux entreprises par les établissements de crédit (art. 4). Cette garantie – dont la nature n’est pas précisée (garantie autonome ? cautionnelent ?) – concerne les prêts qui seront octroyés entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020 pour répondre aux besoins de financement des entreprises françaises – très précisément les « entreprises non financières immatriculées en France », quelle que soit leur forme juridique – dont l’activité, ainsi que le précise l’exposé des motifs, « subit un choc brutal à la suite des mesures d’urgence sanitaires prises par les autorités à partir du 5 mars 2020 et renforcées le 14 mars 2020, et plus généralement à la contraction de la demande globale ». La garantie couvre le remboursement du crédit, à la fois en principal, intérêts et accessoires dans la limite d’un encours total garanti de 300 milliards d’euros.

Le texte entend cibler ce mécanisme de garantie sur les seuls crédits répondant aux besoins particuliers des entreprises dans le contexte actuel. Ainsi, la garantie ne pourra bénéficier qu’aux « prêts » – ce terme doit-il s’entendre au sens strict ou vise-t-il l’ensemble des opérations de crédit, par exemple le crédit-bail ? – remplissant un ensemble de conditions qui seront fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie, parmi lesquelles le fait de comporter un différé d’amortissement d’un an minimum et la possibilité, laissée à la discrétion du seul emprunteur, d’amortir le prêt sur une période additionnelle de cinq ans, ou encore le fait de ne prendre aucune autre sûreté ou garantie et de ne pas s’accompagner d’une réduction des concours apportés par l’établissement prêteur à l’entreprise concernée par rapport au niveau qui était le leur le 16 mars 2020.

Par ailleurs, dans le but d’assurer un bon alignement d’intérêt entre l’État et les prêteurs et afin de protéger les finances publiques, le présent article prévoit que les caractéristiques de la garantie, qui seront elles aussi fixées par arrêté, assurent notamment que la garantie est rémunérée, ne peut couvrir la totalité du prêt garanti, n’est acquise qu’après un délai de carence, et qu’elle ne peut pas bénéficier à des entreprises faisant l’objet d’une procédure collective (sauvegardes, redressement judiciaire et liquidation). En revanche, les entreprises faisant l’objet d’une procédure préventive de type conciliation sont éligibles à la garantie.

Afin de « répondre à une demande potentiellement nombreuse et urgente », selon les termes de l’exposé des motifs, la garantie sera octroyée selon une procédure qui se veut aussi simple que possible. Le texte apporte cependant une distinction, en fonction de la taille de l’entreprise. S’agissant des crédits consentis aux entreprises qui emploient, lors du dernier exercice clos, au moins 5 000 salariés, et ont un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros, la garantie sera octroyée sur la base d’un arrêté du ministre chargé de l’économie. Le ministre décidera donc au cas par cas du bien-fondé de la demande de bénéfice de la garantie. Pour toutes les autres entreprises, en revanche, les crédits octroyés bénéficieront de la garantie de l’État dès lors qu’ils rempliront les conditions du cahier des charges et sur simple notification à Bpifrance Financement SA.

En outre, le projet de loi prévoit que l’État charge la banque publique Bpifrance Financement SA, sous son contrôle, pour son compte et en son nom, de l’administration du dispositif : suivi des encours et des prêts garantis, perception des commissions de garantie, vérification, en cas d’appel de la garantie, que les conditions définies dans le cahier des charges sont remplies, et paiement des sommes dues, remboursées par l’État dans des conditions fixées par une convention qu’il conclut avec le ministre chargé de l’économie. Cette mission sera assurée à titre gratuit.