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Coronavirus : assouplissement des conditions d’exonération de la prime de pouvoir d’achat

Dans le cadre de l’épidémie de coronavirus et pour permettre aux entreprises de récompenser plus spécifiquement les salariés ayant travaillé pendant cette période, l’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020 vient assouplir les conditions d’exonérations de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu de la prime dite « Macron ».

par Loïc Malfettesle 8 avril 2020

Instituée fin 2018 par la loi n° 2018-1213 portant mesures d’urgence économiques et sociales de façon temporaire, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, parfois vulgarisée « prime Macron », avait cet avantage d’être exonérée de toutes cotisations et contributions sociales et d’impôt sur le revenu. Elle a été reconduite par l’article 7 de la loi n° 2019-1446 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020. Le dispositif avait néanmoins été modifié sur plusieurs éléments. Pour bénéficier des exonérations sociales et fiscales, un accord d’intéressement devait notamment être en vigueur au moment du versement de la prime, soit au plus tard avant le 30 juin 2020. Par dérogation au droit commun, la durée de l’accord d’intéressement pouvait dans ce contexte être inférieure à trois ans (sans être inférieure à un an).

Afin d’encourager et de récompenser les salariés qui se sont mobilisés pendant cette épidémie, les pouvoirs publics ont décidé d’assouplir les conditions d’octroi de cette prime « 2020 » (sans pour autant que celle-ci soit textuellement réservée à ces seuls salariés), selon les modalités ci-après exposées.

Suppression de la condition de couverture par un accord d’intéressement

L’ordonnance acte la suppression de la condition initialement prévue d’être couvert par un accord d’intéressement pour que la prime soit exonérée de charges sociales et d’impôt sur le revenu. Contrairement à ce qui avait pu être annoncé à la presse par le ministre de l’économie le 20 mars 2020 (le ministre avait alors évoqué que les entreprises d’au moins 250 salariés seraient toujours dans l’obligation d’être dotées d’un accord d’intéressement), aucune condition liée à l’effectif de l’entreprise n’est prévue dans la version publiée du texte.

La couverture par un accord d’intéressement permettra toutefois aux entreprises de profiter d’un plafond de versement relevé de 1 000 à 2 000 €.

Le montant maximal exonéré de toutes charges sociales et fiscales est donc doublé pour celles-ci, ce qui constitue un signal fort à destination des salariés. Reste à savoir si ce dispositif sera mobilisé et par qui. Pour les entreprises ayant déjà versé la prime, rien ne leur interdit a priori de verser un complément également sujet à ce régime social et fiscal, dès lors qu’elles respectent le plafond (de 1 000 ou 2 000 € selon qu’elles disposent ou non d’un accord d’intéressement), toutes primes additionnées. Les entreprises dont l’activité a considérablement augmenté du fait de l’épidémie (grande distribution, agroalimentaire, fourniture de matériel médical, etc.) seront, au premier chef, intéressées.

Report des dates limites de versement et de conclusion d’un accord d’intéressement dérogatoire

L’ordonnance réalise dans le même temps un report de la date limite du versement de la prime. Précédemment fixé au 30 juin 2020, le délai butoir de versement est désormais fixé au 31 août 2020.

Cela signifie que la date de versement effectif de la prime doit, pour bénéficier du régime social et fiscal favorable, intervenir au plus tard au 31 août de cette année. Une prime dont le principe serait arrêté aujourd’hui et dont le versement serait opéré après cette date (pour des considérations tenant par exemple à une nécessaire prise de recul sur les capacités financières de l’entreprise) n’apparaît pas, à l’aune d’une lecture littérale du texte, éligible au dispositif.

De même, et en alignement avec le report précédent, est également reportée au 31 août 2020 la date pour conclure un accord d’intéressement d’une durée dérogatoire (entre un et trois ans), au lieu du 30 juin 2020.

Ajout d’un nouveau critère de modulation

Il est parfois délicat d’opérer des distinctions entre les salariés dans l’octroi d’un avantage particulier, considérant les principes de non-discrimination et/ou d’égalité de traitement.

Aussi, le texte de la loi de finances prévoyait la possibilité de moduler le montant de la prime en fonction de divers critères. L’ordonnance ajoute d’un nouveau critère, de sorte que le II, 2°, de l’article 7 de la loi n° 2019-1446 prévoit désormais que « son montant peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, des conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ».

Cet ajout du critère « des conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19 » permettra par exemple à l’employeur d’accorder un montant plus important aux salariés devant se rendre sur leur lieu de travail par rapport aux autres en télétravail (à charge pour l’entreprise d’être en mesure de justifier en quoi les « conditions de travail liées à l’épidémie » justifient cette différence de traitement). Une justification portant sur un risque sanitaire accru devra à ce titre être considérée avec la plus grande prudence, considérant l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur, tant à l’égard de ses salariés sur le terrain qu’à l’égard de ceux placés en télétravail.

Ce nouveau critère devra être prévu par accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur mettant en œuvre cette prime. Il conviendra en tout état de cause de porter un soin particulier à la rédaction de l’acte (unilatéral ou accord collectif) mettant en place la prime, qui ne devra pas être porteur de critères discriminatoires, en particulier sur l’état de santé.

À noter enfin que la disposition évoquant le fait que « les congés prévus au chapitre V du titre II du livre II de la première partie du code du travail sont assimilés à des périodes de présence effective » est maintenue dans la loi. Aussi, les salariés ayant posé de tels congés pendant la période de confinement ne devraient pas, à défaut de précisions dans l’acte instituant la prime sur les modalités de prise en compte des « conditions de travail liées à l’épidémie », voir leur droit à la prime réduit au prorata des congés posés. Les entreprises devront donc porter le plus grand soin à la rédaction des modalités d’octroi et de modulation du versement de la prime, si elles entendent intégrer le nouveau critère.