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Coronavirus : assouplissement exceptionnel de la chronologie des médias

L’article 17 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19, publiée au Journal officiel du 24 mars adoptée définitivement dimanche 22 mars, met en place « un régime exceptionnel » d’assouplissement de la chronologie des médias.

par Amélie Blocmanle 24 mars 2020

Le dispositif dérogatoire instauré par la loi d’urgence permet au président du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC) d’accorder, pour les films qui faisaient l’objet d’une exploitation en salles au 14 mars 2020, c’est-à-dire la veille de la fermeture de l’ensemble des salles françaises, une dérogation au délai « officiel » de quatre mois pour pouvoir être exploités sous forme de VOD à l’acte ou de DVD/Blu-Ray. Sans cette mesure, le président du CNC ne peut réduire ce délai à une durée inférieure à trois mois (CCIA, art. L. 231-1 s. et arr. du ministre de la culture du 25 janv. 2019 portant extension de l’accord pour le réaménagement de la chronologie des médias du 6 septembre 2018 ensemble son avenant du 21 décembre 2018, JO 19 févr., v. M. Le Roy, Nouvelle chronologie des médias : une évolution précaire, Légipresse 2019. 171 ).

Cette mesure dérogatoire a dans un premier temps rencontré l’opposition de la Fédération nationale des cinémas français. Dans une lettre de protestation adressée le 18 mars au ministre de la culture, son président a jugé « le caractère d’urgence et indispensable à la vie de la nation de cette mesure […] absolument pas avérée » et a exprimé son « opposition à priver sans aucune concertation les professionnels de la maîtrise d’un tel dispositif et à modifier le code du cinéma unilatéralement ».

Afin de rassurer les professionnels, et alors même que le texte était en cours d’adoption au Parlement, le président du CNC, Dominique Boutonnat, a tenu à préciser que cette dérogation exceptionnelle serait examinée au cas par cas, film par film, sous certaines conditions. En premier lieu, la délivrance de la dérogation supposera nécessairement une demande en ce sens du titulaire des droits relatifs à la mise à disposition du public du film en question. En second lieu, l’instruction de chaque demande sera menée en pleine concertation avec les représentants de la filière, notamment les organisations professionnelles des exploitants de salles de cinéma. Cet examen se fera en outre « au vu de critères objectifs dégagés dans le cadre de cette concertation ».

Cette dérogation ne concerne pas les films qui n’étaient pas encore sortis au moment de la fermeture des salles de cinéma. Ces films ne sont pas soumis à la chronologie des médias et les titulaires de droits sont libres de les exploiter sur tous supports dans le cadre de leur liberté contractuelle.

Toutefois, dans ce cas, le CNC est en principe tenu de réclamer, aux bénéficiaires d’aides accordées dans le cadre du soutien financier au cinéma, la restitution de ces sommes lorsque la première exploitation des films ne se fait pas en salles. « À période exceptionnelle, il nous faut apporter des réponses exceptionnelles », rappelle le président du CNC, qui a lancé dès cette semaine, pour les films non encore « sortis » en salles, une concertation associant toute la filière du cinéma et de l’audiovisuel, pour réfléchir aux modalités selon lesquelles certains d’entre eux pourraient, le cas échéant, être mis à la disposition du public directement sous forme de VOD à l’acte ou de DVD/Blu-Ray, sans que les bénéficiaires des aides « cinéma », ainsi d’ailleurs que des autres financements « réglementés », soient contraints pour autant de les restituer.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a, de son côté, réagi à l’initiative lancée par Canal+ le jour de l’annonce du confinement de la France, de passer en clair pour tous et de laisser ses abonnés accéder à toutes les chaînes du groupe. « L’opération que Canal+ a lancée ne peut être que limitée dans la durée car elle est de nature à altérer l’équilibre entre les chaînes payantes et les chaînes gratuites. Elle est de nature à remettre en cause la chronologie des médias et elle pose des questions vis-à-vis des autres diffuseurs et des ayants droit », a déclaré le président du CSA. Initialement prévue pour durer jusqu’au 15 avril, la chaîne cryptée a revu ses projets d’ouverture à la baisse.