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Article
Coronavirus : l’Autorité de la concurrence s’adapte
Coronavirus : l’Autorité de la concurrence s’adapte
Dans un communiqué de presse fortement étayé, l’Autorité de la concurrence précise aux entreprises comment sont adaptées les règles concernant les délais et procédures en matière de procédure de concurrence (par ex. délais de production des observations et des mémoires en réponse à une notification des griefs) du fait de l’état d’urgence sanitaire.
par Xavier Delpechle 28 mars 2020
Le droit de la concurrence s’adapte à l’épidémie de covid-19. La Commission européenne a d’ores et déjà annoncé un assouplissement dans son contrôle des aides d’État aux entreprises (comm. n° 2020/C91/01, JOUE 20 mars). À l’échelle nationale, l’Autorité de la concurrence n’est pas en reste. Elle vient, en effet, d’annoncer, dans un communiqué de presse particulièrement exhaustif, que les règles concernant les délais et procédures en matière de pratiques anticoncurrentielles et de concentration vont être adaptées du fait de l’état d’urgence sanitaire. Cette adaptation procède de leur confrontation aux règles d’exception posées par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
Sont concernées par ces adaptations l’ensemble des opérations éligibles au pouvoir de régulation de l’Autorité de la concurrence : dossiers de concentration, installation des professions juridiques réglementées, dépôt des observations et mémoires, demandes de clémence, transmission des actes de procédure, prescription, recours, enfin exécution des engagements et des injonctions.
Sur le terrain des sources du droit, le communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence, en ce qu’il procède parfois à une interprétation de la règle de droit, est susceptible de « faire grief ». Sa juridicité ne fait dès lors aucun doute et est, de ce fait, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir conformément à la jurisprudence du Conseil d’État (21 mars 2016, n° 390023, Dalloz actualité, 23 mars 2016, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon avec les conclusions ; AJDA 2016. 572 ; ibid. 717 , chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2017. 881, obs. D. Ferrier ; AJCA 2016. 302 ; Rev. sociétés 2016. 608, note O. Dexant - de Bailliencourt ; RFDA 2016. 506, concl. V. Daumas ; RTD civ. 2016. 571, obs. P. Deumier ; RTD com. 2016. 711, obs. F. Lombard ).
Opérations de concentration et professions juridiques réglementées
En ce qui concerne la suspension des délais d’instruction des cas relatifs aux projets de concentration et à l’installation des professions juridiques réglementées régies par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (notaires, etc.), l’Autorité de la concurrence apporte des précisions importantes qui reposent sur l’application de l’article 7 de l’ordonnance précitée (texte qui s’applique aux « administrations de l’État » au sens de l’article 6 de cette ordonnance, et par conséquent à l’Autorité de la concurrence). Sont notamment suspendus, à compter du 12 mars 2020, et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire :
1. en matière de contrôle des concentrations, les délais légaux et réglementaires fixés notamment aux articles L. 430-5 (délai de vingt-cinq jours ouvrés à compter de la réception de la notification complète pour se prononcer sur l’opération de concentration) et L. 430-7 du code de commerce (en cas d’examen approfondi, délai de soixante-cinq jours ouvrés à compter de l’ouverture de celui-ci) ;
2. en ce qui concerne la liberté d’installation des professions juridiques réglementées :
-
le délai légal de deux mois au cours duquel l’Autorité se prononce, à la demande du ministre de la justice, sur les projets de création d’offices publics et ministériels dans les zones d’installation contrôlée (« zones orange »), et à l’issue duquel une décision implicite dudit ministre est susceptible d’intervenir ;
- le délai de la consultation publique, fixé par l’Autorité entre le 9 mars et le 9 avril 2020, en vue d’élaborer un nouvel avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation (pour rappel, comme annoncé dans un communiqué de presse du 9 mars 2020, l’Autorité de la concurrence a lancé une consultation publique en vue de préparer un nouvel avis relatif à la liberté d’installation de ces professionnels, les contributeurs étant invités à répondre à un questionnaire accessible en ligne sur le site internet de l’Autorité avant le 9 avril 2020).
Le communiqué de presse précise que l’ordonnance du 25 mars 2020 ne fait pas obstacle à la réalisation d’un acte ou d’une formalité dont le terme échoit dans la période visée. Cette ordonnance permet cependant de considérer comme n’étant pas entaché d’illégalité l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti. Il insiste sur le fait que « l’Autorité fera ses meilleurs efforts, chaque fois que c’est possible, pour rendre ses décisions et avis de manière anticipée, sans attendre l’expiration des délais supplémentaires conférés par ces dispositions ».
Délais de production des observations et des mémoires
Le communiqué de presse prévoit une prorogation des délais de production des observations et des mémoires en réponse à une notification des griefs ou à un rapport. Le constat est, en effet, que les restrictions de déplacement actuellement en vigueur sur le territoire national sont de nature à rendre plus difficile l’exercice des droits de la défense. Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, le rapporteur général a décidé que le délai de deux mois dont disposent les entreprises pour présenter, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, leurs observations en réponse à une notification de griefs ou un rapport, est suspendu à compter du 17 mars 2020. Ce délai reprendra à compter du lendemain de la publication du décret qui lèvera les restrictions de déplacement instituées initialement par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020.
Le communiqué de presse prend en considération la situation spécifique des entreprises ayant d’ores et déjà bénéficié, en application du quatrième alinéa de l’article L. 463-2 du code de commerce, d’un délai supplémentaire. En ce qui les concerne, cette prorogation des délais continuera à s’appliquer si elle est plus favorable que la suspension des délais. Dans le cas contraire, un nouveau délai supplémentaire pourra en tout état de cause être demandé après la levée des restrictions de déplacement, si de nouvelles circonstances exceptionnelles le justifient.
Par ailleurs, pendant la durée des restrictions de déplacement, toute demande relative aux délais est adressée aux services d’instruction et au service de la procédure par courrier électronique, à l’exclusion de tout autre mode de transmission.
Demandes de clémence
Le communiqué de presse précise que, jusqu’à la levée des restrictions de déplacement instituées par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, et par dérogation à l’article R. 464-5 du code de commerce, les demandes de clémence sont déposées par voie électronique en envoyant le formulaire accessible sur le site de l’Autorité de la concurrence dûment rempli à l’adresse suivante : clemence@autoritedelaconcurrence.fr, à l’exclusion de tout autre mode de transmission.
Par ailleurs, les délais d’ores et déjà accordés dans le cadre du marqueur de clémence sont suspendus à compter du 17 mars 2020, et reprendront à la levée des restrictions de déplacement.
Modalités de transmission des actes de procédure
Le constat est que les échanges par lettre recommandée avec demande d’avis de réception prescrits par la partie réglementaire du code de commerce impliquent des déplacements qui pourraient être assimilés à des « déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle ». Si de tels déplacements ne sont pas interdits en tant que tels pendant la période de confinement, il convient de les éviter dans toute la mesure du possible, afin de ralentir la propagation du virus. L’Autorité précise à cet égard qu’à ce stade, et nonobstant le secret des correspondances, elle n’envisage pas de recourir à la lettre recommandée électronique pour des raisons de confidentialité.
Le communiqué de presse précise que, compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, pendant toute la durée des restrictions de déplacement instituées initialement par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, et par dérogation aux articles R. 463-1, R. 463-11, R. 463-13, R. 463-15 et R. 464-30 du code de commerce, les saisines, observations à une notification de griefs, mémoires en réponse à un rapport, demandes de secret d’affaires ou de levée du secret des affaires sont transmises par voie électronique à l’Autorité, qui en accusera réception, à l’adresse suivante : L-PROCEDURE@autoritedelaconcurrence.fr.
De la même manière, les notifications de griefs, les rapports, les projets de déclassement d’informations confidentielles et les décisions de l’Autorité et du rapporteur général seront notifiés par voie électronique aux personnes concernées et au commissaire du gouvernement.
Les décisions ou les avis de l’Autorité sont adressés par voie électronique aux personnes concernées. La notification faisant courir les délais de recours n’interviendra, sauf exception, qu’à la suite de la levée des restrictions de déplacement. Ces transmissions ou notifications au format électronique pourront s’opérer par tout moyen : messagerie informatique, plateforme d’échanges de documents, application de transferts de fichiers, etc.
Quant aux actes transmis à l’Autorité par lettre recommandée pendant la période allant du 12 mars 2020 à aujourd’hui, ils doivent être à nouveau envoyés par voie électronique, à l’adresse électronique ci-dessus.
Délais de prescription et délais de recours
Le premier alinéa de l’article L. 462-7 du code de commerce prévoit que « l’Autorité ne peut être saisie de faits remontant à plus de cinq ans s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ». Le troisième alinéa du même article dispose que « la prescription est acquise en toute hypothèse lorsqu’un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s’est écoulé sans que l’Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci ».
En application de l’article 2, alinéa 1er, de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, les actes ou décisions mentionnés à l’article L. 462-7, qui auraient dû intervenir dans la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, afin d’éviter la prescription d’action de l’Autorité, pourront être accomplis dans un délai de deux mois à compter de la fin de cette période, sans être sanctionnés pour leur tardiveté.
De même, les recours contre les décisions de l’Autorité, qui auraient dû être formés dans la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, conformément aux délais prévus aux articles L. 464-7 (recours devant la cour d’appel de Paris dans les dix jours de la notification de la décision), L. 464-8 (introduction d’un recours dans le délai d’un mois à compter de la notification) et L. 464-8-1 (décision du rapporteur général en matière de protection du secret d’affaires) du code de commerce, pourront être accomplis dans un délai de deux mois à compter de la fin de cette période, sans être sanctionnés pour leur tardiveté.
Délais d’exécution des engagements et des injonctions
En application de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, les délais de mise en œuvre des engagements, injonctions ou mesures conservatoires sont dès lors suspendus ou reportés jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
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