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Article
Coronavirus : licéité de la surveillance policière par drones
Coronavirus : licéité de la surveillance policière par drones
Par ordonnance de référé rendue le 5 mai 2020, le tribunal administratif de Paris rejette la demande de deux associations tendant à suspendre le dispositif de captation d’images par drones ordonnés par le préfet de police de Paris.
par Cécile Crichtonle 15 mai 2020
Depuis le 18 mars, un dispositif de surveillance aérien par drones a été déployé par la préfecture de Police de Paris dans le cadre du confinement. Ce n’est que le 25 avril, par le biais d’un article publié par Mediapart (C. Le Foll et C. Pouré, Avec le confinement, les drones s’immiscent dans l’espace public) que la préfecture de police a apporté des précisions par la communication de deux documents (« L’emploi des drones à la PP dans le cadre des mesures de confinement et de protection des populations » : interview et communiqué).
Sur le fondement de ces communications, deux associations, La Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’homme, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d’une requête tendant à demander la suspension de « la décision du préfet de police ayant institué depuis le 18 mars 2020 un dispositif visant à capturer des images par drones et à les exploiter afin de faire respecter les mesures de confinement », et l’injonction au préfet de police de cesser la captation, l’enregistrement, la transmission et l’exploitation de ces images, et de détruire les images déjà captées.
Rappelons que les drones utilisés pour le compte de l’État dans le cadre de missions de police, lorsque les circonstances de la mission et les exigences de l’ordre et de la sécurité publics le justifie, peuvent évoluer en dérogation aux dispositions de l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent (art. 8) et de l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord (art. 10).
Le cas échéant, d’une part, l’utilisation de drones dans le cadre d’une mission de police est régie par les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives à la vidéoprotection (CSI, art. L. 251-1 à L. 263-1), sous réserve d’utiliser ces drones pour l’une des finalités visées par la liste limitative de l’article L. 251-2 du même code (M. Bourgeois et B. Touzanne, Les aéronefs civils télépilotés avec capteurs : des « drones de droit », CCE 2015. Étude 22, spéc. n° 13).
Le cas échéant, d’autre part, l’utilisation de drones dans le cadre d’une mission de police est limitée par le droit au respect de la vie privée (C. civ., art. 9 ; C. pén., art. 226-1) ainsi que par le droit à la protection des données personnelles (Règl. (UE) 2016/679 du 27 avr. 2016 ; Dir. (UE) 2016/680 du 27 avr. 2016. – V. sur cette articulation : M. Bourgeois et B. Touzanne, préc. ; C. Rotily et L. Archambault, Drones civils professionnels et RGPD : enjeux liés à la collecte des données personnelles et au respect de la vie privée, Dalloz IP/IT 2019. 376 ).
C’est sur ce dernier fondement que les associations requérantes ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris.
Il ressort de l’interview communiquée par la préfecture de police que « l’objectif est de transmettre des images en temps réel au directeur des opérations, via la réalisation de plans d’ensemble permettant une vision élargie d’une situation dans l’espace public qui constitue une aide à la décision pour le commandement ». Le communiqué ajoute que les drones sont pilotés par des fonctionnaires disposant de la certification adéquate, et qu’ils sont équipés « d’une gamme d’accessoires permettant d’optimiser les différentes interventions, et dans le cadre du confinement, notamment, d’un haut-parleur qui informe le public par des messages d’informations et de mise en garde des contrevenants. Ils sont audibles jusqu’à 40 mètres de distance. Ces moyens aériens permettent également de guider les équipes au sol ». Plus spécifiquement, expose l’interview, « Les images captées, qui sont transmises sur une tablette à disposition de l’autorité responsable du dispositif ou sur un poste fixe dédié, installé dans le centre de commandement de la direction en charge de la conduite des opérations, sont prises en utilisant un grand angle pour filmer des flux de circulation, des rassemblements, des zones urbaines ou rurales ou la progression de cortèges. Elles ne permettent donc pas l’identification d’un individu, sauf lorsqu’elles sont utilisées dans un cadre judiciaire que ce soit en flagrance, en préliminaire ou au titre d’une instruction. Dans ce cadre, fixé par le code de procédure pénale, la captation, la transmission et l’enregistrement des images à partir de caméras à haute résolution est légalement fondée par la finalité même de l’activité judiciaire, c’est-à-dire l’identification des auteurs d’infractions et le rassemblement des preuves en vue de la manifestation de la vérité ».
À l’appui de ces éléments, le tribunal administratif juge qu’en matière de police administrative, « il ne résulte d’aucune des pièces du dossier que les services de la préfecture de police auraient utilisé les drones dans des conditions permettant d’identifier les individus au sol », et qu’en matière de police judiciaire, « il n’est pas non plus établi ni soutenu que les appareils auraient été utilisés dans un tel cadre, depuis le début du confinement ». En l’absence de telles pièces, la préfecture de police n’aurait pas procédé à un traitement de données à caractère personnel et ne serait donc pas soumise à ses dispositions, quand bien même elle aurait selon le tribunal « procédé à la collecte, à l’enregistrement provisoire et à la transmission d’images ».
L’une des associations requérantes a indiqué qu’elle allait exercer un recours à l’encontre de cette décision (La Quadrature du net, Nous attaquons de la police parisienne, mis à jour le 5 mai 2020).
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