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Coronavirus : mise en place d’une garantie d’État en matière d’assurance-crédit

L’État vient d’être autorisé à apporter sa garantie, dans la limite de 10 milliards d’euros, à la Caisse centrale de réassurance afin qu’elle pratique des opérations d’assurance ou de réassurance des risques d’assurance-crédit de certaines entreprises afin de répondre au risque de contraction du crédit inter-entreprises liée à la crise du covid-19.

par Xavier Delpechle 7 avril 2020

Mise en place d’une garantie en matière d’assurance-crédit

La garantie de l’État des prêts bancaires à hauteur de 300 milliards d’euros ne constitue pas le seul mécanisme financier mis en place par les pouvoirs publics dans le contexte de la crise sanitaire liée au covid-19 au profit des entreprises. La loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 a également conçu un système de garantie en matière d’assurance-crédit. Celui-ci ne figurait pas dans le projet de loi tel qu’adopté en conseil des ministres, mais est issu d’un amendement du gouvernement déposé à l’Assemblée nationale et adopté par les députés (Amdt n° 15, 19 mars 2020). Cet amendement, devenu l’article 7 de la loi du 23 mars 2020, prévoit la mise en place d’un dispositif de réassurance public des risques liés à l’assurance-crédit confié à la Caisse centrale de réassurance (CCR), à travers l’octroi d’une garantie de l’État, afin de faire face aux difficultés de liquidités et aux craintes exprimées par de nombreuses entreprises face au risque de contraction du crédit interentreprises.

La CCR est une société de droit privé dont le capital est entièrement détenu par l’État qui opère dans les domaines de la réassurance publique et de la réassurance de marché. En tant que réassureur public, la CCR propose aux entreprises opérant en France, avec la garantie de l’État et dans l’intérêt général, des couvertures contre les catastrophes naturelles et les risques non assurables. C’est en cette qualité de réassureur public que la CCR est aujourd’hui sollicitée par les pouvoirs publics dans le cadre de la crise liée au covid-19. Néanmoins, si les opérations d’assurance et de réassurance des risques d’assurance-crédit ne constituent pas la principale mission de la CCR, cette dernière avait déjà été mobilisée dans le cadre d’un dispositif analogue entre décembre 2008 et juin 2011 et pour un montant identique à la suite de la crise dite des subprimes (L. n° 2008-1443 du 30 déc. 2008 de finances rectificative pour 2008, art. 125). L’apport de la garantie de l’État à la CCR conçu par la loi du 23 mars 2020 lui permet de faire face à des opérations d’assurance et de réassurance de grande ampleur, sur le modèle du schéma de réassurance prévu dans le cadre de l’indemnisation des catastrophes naturelles (C. assur., art. L. 431-9).

Précisément, en vertu de la loi de finances rectificative pour 2020, la CCR, agissant avec la garantie de l’État, est habilitée à pratiquer les opérations d’assurance ou de réassurance, des risques d’assurance-crédit portant sur des petites et moyennes entreprises (PME) et sur des entreprises de taille intermédiaire (ETI) situées en France, ainsi que des engagements pris dans le cadre des contrats de sous-traitance en matière de construction (il s’agit de l’engagement de garantie, prévu au titre du g de l’article L. 231‑13 du code de la construction et de l’habitation, que l’entrepreneur principal est tenu de fournir s’il confie une partie des travaux à un sous-traitant, afin de garantir le paiement des sommes dues au sous-traitant). Selon l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME) et son décret d’application n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 : une PME est une entreprise dont l’effectif est inférieur à 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros ; une ETI est une entreprise qui n’appartient pas à la catégorie des PME, dont l’effectif est inférieur à 5 000 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 1 500 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 2 000 millions d’euros.

Le dispositif est limité tant dans le temps que dans son montant. En effet, il s’applique aux opérations d’assurance et de réassurance effectuées par la CCR avant le 31 décembre 2020. Par ailleurs, le montant maximal de la garantie pouvant être accordée par l’État est fixé à 10 milliards d’euros. La loi du 23 mars 2020 renvoie à un décret le soin de préciser les conditions d’exercice de cette garantie.

 

Mesures d’application

Les modalités d’octroi de la garantie de l’État aux opérations de réassurance de certains risques d’assurance-crédit effectuées par la CCR sont précisées par le décret d’application n° 2020-397 du 4 avril 2020, qui entre en vigueur dès le 6 avril. Ce décret précise d’abord que la garantie de l’État accordée à la CCR donne lieu, de la part de la CCR, au versement d’une rémunération. Les conditions et modalités de la mise en jeu et de la rémunération de la garantie de l’État vont faire l’objet d’une convention passée entre le ministre de l’Économie et la CCR (art. 1er).

Les opérations de réassurance des risques d’assurance-crédit, ainsi que des engagements pris dans le cadre des contrats de sous-traitance en matière de construction, effectuées avec la garantie de l’Etat, sont classées en deux catégories : les garanties complémentaires (c’est-à-dire non obligatoires) et les garanties de substitution (en vertu d’une convention de substitution, un assureur peut, en effet, transférer tout ou partie de son risque assurantiel à un autre). Pour chaque catégorie, les opérations de réassurance font l’objet de traités de réassurance (conclus pour une période ne pouvant aller au-delà du 31 déc. 2020) distincts conclus avec les entreprises d’assurance, fixés par la CCR « selon les usages et méthodes du marché de la réassurance, et précisant les conditions particulières notamment tarifaires » (art. 2). Puis, le décret précise les conditions dans lesquelles la garantie de l’État est acquise, d’abord pour les garanties complémentaires (art. 3), ensuite pour les garanties de substitution (art. 4).

Sans entrer dans les détails, on précisera que, pour les garanties de substitution, la garantie de l’État « n’est acquise que dans la mesure où l’assureur-crédit conserve à sa charge, pour chaque risque réassuré, une part minimale de risque et où la quotité garantie par l’assureur-crédit est au maximum de 80 % du risque correspondant ». Enfin, pour chaque catégorie de garantie, les opérations effectuées par la CCR et bénéficiant de la garantie de l’État font l’objet d’un traitement comptable spécifique (art. 6 et 7). En particulier, le bilan de la CCR comporte un compte de réserve spéciale correspondant aux opérations bénéficiant de la garantie de l’État.