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Coronavirus : présentation de l’ordonnance sur la procédure devant les juridictions administratives

Afin de faire face aux conséquences de nature administrative ou juridictionnelle résultant de la crise sanitaire actuelle, la loi du 23 mars 2020 a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnance une série de mesures dérogatoires en matière de procédure juridictionnelle devant l’ordre administratif.

par Thomas Bigotle 28 mars 2020

Parmi les nombreuses ordonnances d’adaptation et d’urgence économique parues afin de limiter la propagation de l’épidémie, l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 a habilité le gouvernement à adapter les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif, ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions administratives.

Adaptation des formations de jugement

L’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 prévoit tout d’abord un certain nombre de mesures pour adapter les formations de jugement des juridictions. En cas d’empêchement ou de vacance de magistrats, l’ordonnance permet au président de juridiction de compléter les formations collégiales par un ou plusieurs magistrats en activité au sein d’une autre juridiction administrative. L’ordonnance autorise les magistrats ayant atteint le grade de conseiller et disposant d’une ancienneté minimale de deux ans, après désignation par le président de la juridiction, à prendre des ordonnances de rejet sur le fondement de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, décisions jusqu’ici réservées aux présidents des formations de jugement.

Aménagement de l’instruction, de l’audience et des modalités de notifications

S’agissant du déroulement de l’instruction, l’ordonnance prévoit que les pièces, actes et avis peuvent, par dérogation aux articles R. 611-1 et suivants du code de justice administrative, être communiqués aux parties « par tout moyen ».

Pour les audiences et par dérogation au principe de publicité prévu à l’article L. 6, le président de la formation de jugement peut décider que l’audience aura lieu hors la présence du public ou que le nombre de personnes admises à l’audience sera limité. Cette disposition est volontairement plus large que l’article L. 731-1, qui requiert, pour décider d’une audience à huis clos, de justifier de la sauvegarde de l’ordre public ou du respect de l’intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi. L’article 7 de l’ordonnance élargit la possibilité de recourir aux audiences par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Ces moyens devront permettre de s’assurer de l’identité des parties et garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Le juge administratif sera, en tout état de cause, garant du bon déroulement des échanges ainsi que du respect des droits de la défense et du principe du contradictoire des débats.

Le rapporteur public pourra, à sa demande et sur décision du président de la formation de jugement, être dispensé de conclusions dans tout type de contentieux, et non plus uniquement ceux qui sont listés à l’article R. 732-1-1.

Les juridictions pourront également statuer sans audience sur les requêtes en référé, à condition d’avoir informé les parties de l’absence d’audience et d’avoir communiqué la date de clôture d’instruction.

Enfin, les décisions pourront être notifiées par mise à disposition au greffe de la juridiction, ou par notification au seul avocat de la partie qu’il représente.

L’ensemble de ces dispositions sont applicables du 12 mars 2020 jusqu’à la date de fin de l’état d’urgence sanitaire.

Délais de procédure et de jugement 

L’article 15 de l’ordonnance prévoit que les interruptions de délais définies par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 s’appliquent aux règles de forclusion gouvernant les recours présentés devant les juridictions administratives, sauf pour les contentieux en matière de droit des étrangers, de droit électoral et d’aide juridictionnelle pour lesquels des règles spécifiques sont déclinées.

Les clôtures d’instruction dont le terme initialement fixé viendrait à échéance entre le 12 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire sont automatiquement prorogées, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de cette période.

Sauf en matière d’étrangers et d’élections, les juridictions disposent d’un délai supplémentaire pour statuer sur les requêtes : le point de départ des délais impartis est reporté au premier jour du deuxième mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.