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Coup de grâce porté à l’affactureur subrogé dans les droits de l’acquéreur-revendeur en liquidation judiciaire

La mise à disposition d’une copie d’un logiciel par téléchargement et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation y afférente qui visent à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d’un prix, impliquent le transfert de propriété de cette copie et relèvent donc de la vente. Il en résulte que l’affactureur subrogé dans les droits de l’acquéreur-revendeur en liquidation judiciaire ne peut pas contester le droit de propriété du fournisseur bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété, seul titulaire de la créance de prix de revente des logiciels.

Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation se penche sur la question épineuse du conflit entre le fournisseur bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété et l’affactureur subrogé dans les droits de son adhérent, tous deux prétendant être titulaires de la créance de prix de revente à l’encontre du sous-acquéreur, l’un en vertu de la subrogation réelle, l’autre en vertu de la subrogation personnelle. Les arrêts du 6 mars 2024 portent incontestablement un coup de grâce aux droits de l’affactureur. Ils ne peuvent être lus qu’à la lumière de la jurisprudence qui s’était déjà prononcée en faveur du réservataire de propriété, en jugeant que l’affactureur ne pouvait pas se prévaloir de la subrogation dans les droits de son adhérent pour faire échec à la réserve de propriété invoquée par le fournisseur impayé afin de revendiquer la créance de prix de revente dans la procédure collective de son acheteur. Ainsi, comprendre la portée de ces décisions suppose au préalable de rappeler le contexte dans lequel intervient ce conflit et les raisons qui ont conduit la Cour de cassation à annihiler la transmission de la créance de prix de revente par subrogation de l’affactureur dans les droits de son adhérent.

Le contexte est le même dans les trois arrêts ici commentés : une société a fourni différents logiciels à une autre société (la société Overlap) qui les a revendus aussitôt au client final. La société Overlap ayant été mise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire, le fournisseur qui n’a pas été payé de ses factures s’est prévalu d’une clause de réserve de propriété et a adressé à l’administrateur judiciaire une demande de revendication des logiciels ou à défaut de la créance de prix. Un arrêt de cour d’appel a admis irrévocablement la revendication de la créance de prix. Celle-ci est autorisée en application de l’article L. 624-18 du code de commerce. En effet, lorsque les meubles vendus avec réserve de propriété ont été revendus à un tiers acquéreur, le vendeur réservataire de propriété peut revendiquer le prix ou la partie de prix qui n’a pas encore été payée par le sous-acquéreur à la date du jugement d’ouverture. Par l’effet d’une subrogation réelle prévue à l’article 2372 du code civil (issu de l’ord. du 23 mars 2006 relative aux sûretés, « Le droit de propriété se reporte sur la créance du débiteur à l’égard du sous-acquéreur… »), le droit de propriété du vendeur réservataire impayé portant sur le bien est ainsi reporté sur la créance de prix de revente dont l’acheteur faisant l’objet d’une procédure collective est titulaire à l’encontre du sous-acquéreur. La subrogation réelle s’opère dès la délivrance du bien à celui-ci (F. Pérochon et alli, Entreprises en difficulté, 11e éd., LGDJ, 2022, n° 2937). Ainsi, le bénéficiaire de la réserve de propriété acquiert, dès cet instant précis, la créance de prix de revente et devient le créancier du sous-acquéreur.

Subrogation réelle au profit du bénéficiaire de la réserve de propriété versus subrogation personnelle de l’affactureur dans les droits de l’acquéreur-revendeur

La date de la subrogation réelle est déterminante en cas de conflit avec l’affactureur qui prétend, lui aussi, avoir acquis, par l’effet de la subrogation personnelle, la créance de prix de revente à l’encontre du sous-acquéreur. En effet, la subrogation ex parte creditoris est très utilisée dans les relations d’affacturage où l’adhérent, titulaire de créances contre ses clients, est désintéressé par l’affactureur qui lui paie les créances de façon anticipée moyennant rémunération. L’affactureur en devient alors titulaire par subrogation. (v. sur ce point, J.-Cl. Contrats – Distribution, Transfert d’obligations, par Y. Marjault, fasc. 95, n° 52). Il est admis de longue date que les droits du bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété l’emportent sur ceux de l’affactureur en application de la règle prior tempore (Com. 26 avr. 2000, n° 97-21.486, Com., 26 avr. 2000, n° 97-21.486, Factobail (Sté) c/ Data Recording (Sté), D. 2000. 278 , obs. P. Pisoni ; RTD civ. 2001. 592, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD com. 2000. 1001, obs. B. Bouloc ; JCP E 2001. I. 367, obs. D. Mainguy). Le vendeur réservataire de propriété ayant acquis la créance de prix dès la revente du bien au sous-acquéreur, l’acquéreur-revendeur n’en est pas titulaire et ne peut donc la transmettre à l’affactureur par subrogation. Selon une...

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