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La cour d’assises de Pontoise ordonne qu’un accusé soit jugé hors du box en verre

Lors d’une audience criminelle, la cour d’assises de Pontoise a ordonné l’extraction de son box d’un homme accusé de viol. Cette décision très motivée s’inscrit dans une fronde qui se généralise contre ce qui est dénommé des « cages en verre » et qui ont été installées sans concertation, cet été, par le ministère de la justice.

par Julien Mucchiellile 20 décembre 2017

Le 12 décembre, alors que la cour d’assises de Pontoise, présidée par Isabelle Rome, jugeait un homme pour viol sur mineur de 15 ans, la défense a demandé à ce qu’il soit remis en liberté où, à titre subsidiaire, extrait du box en verre dans lequel il comparaissait. La partie civile s’est associée à cette demande. La cour a rendu un arrêt de rejet de mise en liberté et ordonnant l’extraction du dispositif sécurisé, motivé comme suit :

« Attendu que la cour constate que l’accusé, en détention provisoire, comparaît dans un box recouvert d’une grille, entièrement fermé par des vitres, dont les seules ouvertures sont deux bandes longitudinales, disposées à une vingtaine de centimètres l’une de l’autre, d’une hauteur de quinze centimètres chacune, situées sur l’intégralité de la longueur de la paroi frontale de celui-ci, la plus basse des deux se trouvant à moins d’un mètre du sol ; qu’un tel aménagement oblige l’accusé à une gesticulation particulière, tout aussi mal aisée que peu discrète et encore moins secrète, pour communiquer avec son avocat ; que la configuration de ce dispositif de sécurité limite et empêche confidentialité ou secret de cette dernière, ce qui constitue une entrave manifeste à la liberté de sa défense ;

Attendu qu’il sera également précisé en l’espèce, que les partiels civiles soutiennent la demande de la défense au fond que la justice soit rendue dans de bonnes conditions ;

Attendu qu’il sera enfin retenu que le dispositif susvisé et précédemment décrit, revêt pour l’accusé qui n’a jamais été condamné, adopte un comportement qualifié de correct et respectueux avec le personnel pénitentiaire, et présente de surcroît un handicap majeur – l’absence d’avant bras gauche – un caractère particulièrement attentatoire à sa dignité, et lui impose ainsi des conditions de comparution dégradantes devant ses juges ;

Qu’il y aura lieu, au vu de l’ensemble de ces considérations, d’ordonner l’extraction de M. X. du dispositif vitré dans lequel il est placé ainsi que sa comparution, libre, devant la cour, seulement entouré de gardes pour l’empêcher de s’évader. »

Cette décision s’inscrit dans le contexte d’une bataille judiciaire engagée désormais sur l’ensemble du territoire pour lutter contre l’installation – déjà effective dans de nombreuses juridictions – de box en verre, recouvrant intégralement l’accusé ou le prévenu. Ces « cages en verres » posent des problèmes d’ordre de pratique (communication avec l’avocat, compréhension du comparant par les magistrats), d’ordre juridique (atteinte à la présomption d’innocence) et d’ordre symbolique. Le fait que tous ces éléments soient relevés par la cour, et que cette décision intervienne au cours d’une audience criminelle, renforce l’argumentaire de ceux qui veulent faire tomber les cages. « Ces cages ultra-sécurisées, tout comme le développement de la comparution par visioconférence, je crains que tout cela se fasse dans une logique de management et de réduction au détriment du rituel judiciaire », explique Gérard Tcholakian, du syndicat des avocats de France (SAF). « Le ministère de la justice enfume l’opinion et les médias en expliquant qu’il s’agit de sécurité en invoquant la menace terroriste », pense-t-il. De fait, peu de terroristes seront jugés à Alençon, où des barreaux de fer ont été installés dans une salle qui accueille des audiences criminelles, délictuelles, et qui juge des mineurs. En outre, les cas d’évasion depuis le box sont extrêmement rares, et n’ont pas augmenté ces dernières années. Pour l’avocat, qui rappelle que les cages sont fermées en haut par un grillage, l’objectif est que les mis en cause comparaissent seuls, sans escorte, dans le box.

En sortant de sa cage un homme accusé d’un crime, la présidente de la cour d’assises de Pontoise a signifié aux autorités que l’encagement systématique des mis en cause n’était pas nécessaire, même lors des audiences d’assises. Lundi 11 décembre à Créteil, c’est le président de l’audience de comparution immédiate, Matthieu Bonduelle, qui avait ordonné à l’escorte de faire comparaître les prévenus à la barre plutôt que dans le nouveau box de verre. La semaine précédente, à Toulouse, une magistrate avait fait de même mais l’escorte avait refusé – prétextant des ordres hiérarchiques. À Nîmes, une avocate qui souhaitait faire sortir son client du box s’est placée à ses côtés après que le magistrat eut refusé.

Jeudi 21 décembre, le tribunal Nanterre rendra une ordonnance sur une demande, formulée par le SAF et le barreau des Hauts-de-Seine, contestant l’existence de ces box. Le 15, c’est au tribunal de Paris qu’un référé similaire doit être plaidé. Cette décision de la cour d’assises de Pontoise, telle qu’elle a été motivée, est une jurisprudence sur laquelle les demandeurs pourraient s’appuyer.