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La Cour de cassation soustraite à la procédure de conflit positif

La procédure de conflit positif organisée par la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits et le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 n’est prévue que devant les juridictions de première instance et d’appel ; elle ne peut être engagée devant la Cour de cassation.

Nul n’ignore que le Tribunal des conflits, cette institution juridictionnelle très hexagonale, permet au dualisme juridictionnel à la française de fonctionner dans une certaine mesure. Mais encore faut-il qu’il soit saisi, ce qui suppose, dans l’hypothèse d’un conflit positif, que le préfet puisse procéduralement élever le conflit. Il le peut assurément devant les juridictions du fond ; c’est chose courante, pour ainsi dire. Mais le peut-il devant le juge de cassation ? C’est la problématique au cœur du présent arrêt. Elle n’est pas nouvelle mais se présente sous un nouveau jour.

À la racine de cet arrêt figure l’édification de sept aérogénérateurs – des éoliennes – et d’un poste de distribution, laquelle édification fut réalisée en exécution d’un permis de construire. Une association assigne le constructeur devant le juge judiciaire en vue de la démolition du parc éolien, après avoir obtenu l’annulation définitive du permis de construire par une décision du Conseil d’État.

Le 19 février 2021, un jugement est rendu, qui condamne à la remise en état par la démolition des éoliennes et de toute installation y attachée ou nécessaire à l’exploitation, le tout sous astreinte. Le 3 juin 2021, une cour d’appel infirme et rejette les demandes de démolition. Le 11 janvier 2023, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et renvoie devant une autre cour d’appel. Par arrêt du 7 décembre 2023, la cour d’appel de renvoi confirme le jugement et accueille donc la demande de démolition et remise en état. Le 9 janvier 2024, un nouveau pourvoi est formé cependant que, simultanément, le requérant saisit la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Par décision du 25 avril 2024, la Cour de cassation dit n’y avoir lieu à transmission de celle-ci. Puis, par lettre parvenue au greffe de la Cour de cassation le 19 juillet 2024, le préfet de l’Hérault présente un déclinatoire de compétence au visa de l’article 13 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, et du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles. Il initie ainsi la procédure de conflit positif, en demandant à la Cour de cassation de décliner sa compétence au profit des juridictions administratives.

Dans cet arrêt du 21 novembre 2024, la troisième chambre civile de la Cour de cassation se penche sur la recevabilité du déclinatoire de compétence et, plus généralement, sur l’applicabilité devant elle de la procédure de conflit positif.

La solution ne se fait pas attendre. Après avoir rappelé la teneur des textes suscités, les articles 13 de la loi de 1872 et 22 du décret de 2015, la Cour de cassation énonce sèchement que « la procédure de conflit positif, qui n’est prévue que devant les juridictions de première instance et d’appel, ne peut être engagée devant la Cour de cassation » (§ 10). Le déclinatoire de compétence est en conséquence déclaré irrecevable.

Voyons si cette solution est effectivement dictée par les deux textes pertinents, i.e. la loi de 1872 relative au Tribunal des conflits et le décret de 2015 qui l’accompagne.

La loi de 1872 relative au Tribunal des conflits

Ouvrons sur un truisme : la loi de 1872 n’a pas toujours été ainsi intitulée, comme « relative au Tribunal des conflits ». À l’origine, comme chacun le sait – au moins si sommeille en lui une âme publiciste –, elle était la légendaire loi « portant réorganisation...

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