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Cours criminelles : les députés tirent un premier bilan positif

Dans les conclusions d’une mission flash présentée ce matin en commission des lois, les députés Stéphane Mazars (LREM) et Antoine Savignat (LR) établissent un premier bilan positif de l’expérimentation des cours criminelles départementales. Ils formulent toutefois six recommandations. Si le ministère de la Justice a lui aussi tiré un premier bilan favorable, il attend les conclusions de sa mission sur l’avenir des assises.

par Pierre Januelle 16 décembre 2020

L’objectif principal des cours criminelles était de juger plus rapidement certains crimes, notamment sexuels. Ceci pour, notamment, éviter des correctionnalisations. Les réticences étaient nombreuses. D’abord, « la crainte du recul de l’oralité, soulevée par les avocats, y compris l’actuel garde des Sceaux ». Ensuite, le coup porté au principe du jury populaire. Par ailleurs, certains avaient soulevé une possible hiérarchisation des crimes, au détriment des viols (ils constituent 90 % des affaires renvoyées devant les cours criminelles). Plus globalement, les opposants craignaient une dégradation de la qualité des débats dans un simple objectif d’économies.

Les députés constatent que ces risques « ne se sont pas ou peu matérialisés en l’état de l’expérimentation mise en place », même s’il « est encore trop tôt pour évaluer l’ensemble des effets », notamment sur les pratiques de correctionnalisation. Mais la trentaine d’auditions a « mis en évidence une quasi-unanimité des professionnels », à laquelle les députés ne s’attendaient pas forcément.

« Un bon exemple d’expérimentation efficace »

Les députés ont « observé in situ que les audiences se tiennent de la même manière que devant la cour d’assises » : les débats sont intégralement oraux, les témoins nombreux, les plaidoiries longues bien qu’adaptées à des juges professionnels. « Seuls des témoins périphériques sont parfois écartés, tout comme les experts qui ne sont plus nécessaires du fait de l’absence de jurés. » Toutefois, les députés notent que « l’absence de jurés conduit bel et bien à une perte de l’esprit et de la solennité qui caractérisaient la cour d’assises, ainsi qu’à un risque de déconnexion de la justice avec le peuple ».

Les audiences durent environ une demi-journée de moins qu’en cour d’assises et la préparation des audiences est plus rapide (tirage au sort, préparation des jurés). Même si ce gain reste limité : le stock d’affaires reste très élevé et les tribunaux disposent rarement de salles pour accueillir simultanément des sessions d’assises et de cour criminelle. Le gain financier est lui aussi réduit, ne serait-ce que parce qu’une cour criminelle nécessite de mobiliser cinq magistrats, dont au moins trois en activité. À noter, le taux d’appel reste, pour l’instant, bas (environ 20 %).

Les députés réaffirment leur « attachement à la cour d’assises » et souhaitent son maintien notamment pour les affaires les plus graves et les appels. Mais les cours criminelles constituent « un bon exemple d’expérimentation efficace », permettant d’affiner la réforme et de la faire accepter par les professionnels.

Six recommandations

Les députés s’interrogent toutefois sur les critères d’orientation. Actuellement, ce sont les crimes punis de quinze à vingt ans d’emprisonnement qui sont orientés vers la cour criminelle. Les députés préféreraient que le choix se fasse en fonction des affaires : certains crimes passibles de moins de vingt ans méritent d’être jugés un jury populaire, quand d’autres, plus graves, pourraient passer en cour criminelle, parce que les faits sont reconnus, la victime fragile ou l’affaire très technique. L’orientation pourrait s’opérer après consultation des parties et en cas de désaccord, le juge d’instruction trancherait sur des critères objectifs. Les députés proposent aussi de faire converger à neuf mois les délais maximaux entre la mise en accusation et le procès lorsque l’accusé est en détention provisoire.

Parmi les bonnes pratiques à conserver, les députés suggèrent « de s’assurer que la présidence soit confiée à un président de cour d’assises qui a l’habitude et la pratique de l’oralité des débats ». Dans certains ressorts, les députés notent qu’il y a eu un accord entre la juridiction et le barreau pour fixer le nombre de témoins. Une idée qu’il faudrait inscrire dans la loi.

Enfin, afin de renforcer le caractère « citoyen » de la cour criminelle, les députés suggèrent que des personnes extérieures qualifiées puissent être assesseurs, à côté des magistrats. Ils pensent notamment aux avocats honoraires.