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Covid-19 : le Conseil d’État juge que le gouvernement n’était pas habilité à raccourcir les délais du CSE

Le Conseil d’État annule les dispositions (ordonnance et décret) ayant réduit les délais de consultation du CSE au début de l’épidémie de covid-19. La loi habilitant le gouvernement à procéder par ordonnance ne l’autorisait pas à procéder à ces décisions. Si ces textes ne sont aujourd’hui plus applicables, cette décision pourrait toutefois ouvrir une voie contentieuse…

par Bernard Domergue, actuEL-CEle 27 mai 2021

Dans une décision rendue le 19 mai 2021, le Conseil d’État annule l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, ainsi que le décret n° 2020-508 du 2 mai 2020 qui s’y rattache. Ces deux textes adaptaient temporairement les délais relatifs à la consultation et à l’information du CSE afin de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19.

L’article 9 de l’ordonnance prévoyait, à titre temporaire, un raccourcissement des délais légaux ou conventionnels de communication aux membres du CSE de l’ordre du jour des séances consacrées aux décisions de l’employeur ayant pour objectif de faire face à l’épidémie, à l’exception des procédures de licenciement de dix salariés ou plus. Sur le fondement de cette ordonnance, le décret du 2 mai 2020 précisait que les délais réduits (8 à 10 jours selon les cas de consultation au lieu d’1 à 3 mois) s’appliquaient entre le 3 mai et le 23 août 2020.

Pas d’habilitation expresse

Ces dispositions ont été contestées pour excès de pouvoir par FO, Solidaires et par le Syndicat des avocats de France (SAF). Le Conseil d’État leur donne aujourd’hui raison, alors même que ces textes ne sont plus applicables.

Le juge administratif considère que la loi du 23 mars 2020 habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance ne l’autorisait pas à réduire les délais d’information et de consultation des CSE, ni les délais applicables au déroulement des expertises décidées par les comités. Le juge se réfère non seulement au texte de la loi d’habilitation, mais aussi à son exposé des motifs et aux travaux parlementaires lors de son adoption, pour rappeler que la loi d’habilitation visait non pas le raccourcissement explicite des délais de consultation mais « les modalités d’information et de consultation des IRP, d’organiser la consultation des IRP par voie dématérialisée […] et l’adaptation, l’interruption, la suspension et le report du terme de certains délais », le texte évoquant même un moratoire sur les délais.

Une voie contentieuse ?

Les effets de cette annulation sont cependant limités : ces textes n’ont été applicables que quatre mois et ils ne sont donc plus en vigueur. Mais, comme s’il s’agissait d’un avertissement adressé à l’exécutif, le Conseil d’État, d’une certaine façon, montre les dents. Peu convaincue par une ministre du Travail qui « se borne à évoquer qu’une telle annulation pourrait seulement donner lieu à l’engagement d’éventuelles actions indemnitaires en vue d’obtenir la réparation des préjudices susceptibles d’être causés par l’organisation de procédures passées d’information et de consultation des CSE », la plus Haute juridiction administrative estime qu’il n’y a pas lieu de limiter les effets de ces annulations, alors même qu’elle pourrait considérer qu’il en va de l’intérêt général et décider que les effets rétroactifs de l’annulation ne jouent pas. Autrement dit, cette décision pourrait ouvrir une voie de contentieux sur des décisions d’entreprises fondées sur ces délais abrogés de consultation du CSE ou sur l’impossibilité pour le CSE de se prononcer dans les délais impartis, estime l’avocat de FO, Thomas Haas.