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Covid-19 : dossier de soin du patient copropriété

La troisième ordonnance, du 20 mai 2020, n’était pas l’ultime prescription pour sauver les copropriétés. La quatrième médication emporte des prolongations de mesures existantes, une nouvelle période juridiquement protégée pour les mandats de syndics et de conseillers syndicaux et une mesure nouvelle astucieuse mais complexe à mettre en œuvre.

par Pierre-Édouard Lagrauletle 26 novembre 2020

Traitement n° 1. Le sauvetage des syndicats de copropriétaires avait débuté par l’adoption de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 qui renouvela les contrats de syndics échus pendant la « période juridiquement protégée », c’est-à-dire entre le 12 mars et le 24 mai 2020 (un mois après la fin de l’état d’urgence), jusqu’au 24 novembre 2020 au plus tard, soit six mois après la fin de la période juridiquement protégée (v. P.-E. Lagraulet, Traitement sur ordonnance : la copropriété est-elle sauvée ?, Dalloz actualité, 27 mars 2020 isset(node/200176) ? node/200176 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>200176).

Traitement n° 2. Le sauvetage s’est ensuite poursuivi et intensifié par l’adoption de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 qui a allongé la durée de la période juridiquement protégée (deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 23 juillet inclus), et prolongé la période de renouvellement des mandats. Cette ordonnance a également étendu le champ d’application aux mandats de conseillers syndicaux et précisé les modalités de calcul – prorata temporis – de la rémunération du syndic. Les mandats des deux organes du syndicat échus entre le 12 mars et le 23 juillet inclus se trouvaient alors renouvelés jusqu’au 23 janvier 2021 inclus, au plus tard (v. P.-E. Lagraulet, Ordonnance coronavirus du 22 avril 2020 : volet immobilier, Dalloz actualité, 22 avr. 2020 isset(node/200801) ? node/200801 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>200801).

De manière incidente, la période de renouvellement des contrats a de nouveau été modifiée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 qui prolongeait la période de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet inclus. La période juridiquement protégée pour le droit de la copropriété s’en trouvait mécaniquement allongée pour s’achever le 10 septembre inclus. Les mandats de syndics et de conseillers syndicaux s’en trouvaient renouvelés jusqu’au 10 mai 2021 inclus.

Traitement n° 3. L’opération de sauvetage des copropriétés s’était achevée lors de la première phase de confinement, par l’adoption de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 (v. P.-E. Lagraulet, Coronavirus : ultime traitement des syndicats de copropriétaires, Dalloz actualité, 26 mai 2020 ).

Le terme de la période juridiquement protégée fut, une nouvelle fois modifié, pour être fixé au 23 juillet 2020 inclus et le terme des mandats de syndic et de conseillers syndicaux renouvelés de plein droit par effet de l’ordonnance fut fixé au 31 janvier 2021.

L’ordonnance avait également élevé temporairement le nombre de voix pouvant être délégué à une seule personne à compter du 1er juin 2020 et jusqu’au 31 janvier 2021. Le seuil était augmenté à 15 % du nombre de voix du syndicat.

Surtout, l’ordonnance du 20 mai 2020 délégua aux syndics le pouvoir de convoquer des assemblées générales sans présence physique des copropriétaires. Ce pouvoir exorbitant permit aux syndics d’organiser jusqu’au 31 janvier 2021 une assemblée générale purement dématérialisée, « par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification », selon les moyens et supports techniques choisis par lui lorsque l’assemblée générale ne les avait pas définis.

Il était également permis au syndic, lorsque le recours à la visioconférence ou autre moyen de communication électronique était impossible, de « prévoir que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance ».

Enfin, le gouvernement prévit que les syndics pouvaient faire application de ces dispositions aux assemblées déjà convoquées, à condition d’en informer les copropriétaires au moins quinze jours avant la tenue de l’assemblée par tout moyen permettant d’établir avec certitude sa date de réception.

Traitement n° 4. Autorisé par l’article 10, I, de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, le gouvernement a adopté de nouvelles mesures de gestion de la crise en faveur des copropriétés figurant à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020. Ces mesures complètent ainsi le dispositif toujours en vigueur de l’ordonnance du 25 mars 2020.

Deux mesures n’apportent pas innovation mais de simples prolongations ou rétablissements des dispositions déjà prises par les précédentes ordonnances (1). Une mesure innove toutefois en permettant au syndic de sauver une assemblée générale dont l’encéphalogramme était pourtant parfaitement plat (2).

1. Prolongation et rétablissement de dispositions déjà prises

Nouvelle période juridiquement protégée pour les mandats. Dans les mêmes conditions que précédemment, les mandats de syndics et de conseillers syndicaux dont le terme est échu entre le 29 octobre et le 31 décembre 2020 inclus sont renouvelés dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau mandat, et au plus tard le 31 janvier 2021.

Prolongation des pouvoirs du syndic. Dans les mêmes conditions que précédemment, les syndics pourront décider de recourir à l’assemblée générale électronique, ou en cas d’impossibilité à la prise de décision par vote par correspondance, jusqu’au 1er avril 2021 et non plus jusqu’au 31 janvier 2021.

Prolongation de l’augmentation du seuil de délégation. Dans les mêmes conditions que précédemment, un mandataire pourra recevoir plus de trois délégations de vote si le total des voix dont il dispose lui-même n’excède pas 15 % des voix du syndicat jusqu’au 1er avril 2021 et non plus jusqu’au 31 janvier 2021.

2. Nouvelle mesure

Le gouvernement a adopté une mesure nouvelle, astucieuse et étonnante, complétant les mesures dérogatoires à la tenue de l’assemblée générale. Celle-ci prévoit que pour les assemblées générales « convoquées à une date comprise entre le 29 octobre 2020 » (et non dont la convocation a été adressée, la différence est importante car l’ordonnance est parue le 19 novembre, soit après qu’une partie de la période visée soit passée) et le 4 décembre 2020, le syndic peut « à tout moment, informer les copropriétaires, par tout moyen permettant d’établir avec certitude la date de la réception de cette information, que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance ».

Ce système est identique à celui que l’on connaissait jusqu’alors.

La nouveauté tient en la possibilité pour le syndic de fixer « un nouveau délai de réception par le syndic des formulaires de vote par correspondance, qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la réception de ce courrier » et au plus tard au 31 janvier 2021. On se demande toutefois pourquoi seul le vote par correspondance a été retenu dans cette situation alors que tous les praticiens constatent les cruelles limites de ce système…

Quoi qu’il en soit, cette mesure paraît ainsi permettre au syndic de sauver une assemblée générale qui n’aura pu se tenir physiquement à cause du confinement décidé brutalement, et ayant rendu impossible pour le syndic de transformer l’assemblée générale en assemblée électronique ou vote par correspondance en respectant le délai de prévenance de quinze jours. Ainsi, l’assemblée non tenue, par exemple le 29 octobre 2020, pourra devenir par application de cette mesure une prise de décision par vote par correspondance intervenant avant le 31 janvier 2021. Quant à l’assemblée générale prévue dans les jours à venir, le syndic pourra reporter sa date sans respecter le délai de prévenance de quinze jours, dès lors que le délai de réception des votes est fixé 15 jours plus tard (soit après la date de l’assemblée générale).

Voici donc venue, après l’assemblée générale physique, l’assemblée générale électronique, l’assemblée générale par correspondance, l’assemblée générale ressuscitée. N’est-ce pas là un bien beau prodige médico-légal et ne serait-ce pas un formidable système à conserver à l’avenir pour sauver les assemblées convoquées hors délai de vingt-et-un jours ?!