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Crédit à la consommation et cautionnement professionnel imposé contractuellement

Dans un arrêt rendu le 13 mars 2025, la Cour de justice de l’Union européenne répond à dix questions préjudicielles concernant le lien entre un crédit à la consommation et un cautionnement professionnel octroyé par l’une des filiales de la société prêteuse de deniers.

Le cautionnement professionnel est une figure qui est aujourd’hui assez répandue dans la vie civile comme dans celle des affaires (v. M. Bourassin, Droit des sûretés, 8e éd., Dalloz, coll. « Sirey », 2024, p. 65, n° 87). Une telle variété de cautionnement donne, par ailleurs, lieu régulièrement à des décisions publiées au Bulletin rendues par la Cour de cassation (Com. 5 avr. 2023, n° 21-21.184, Dalloz actualité, 1er juin 2023, obs. C. Hélaine ; RDI 2023. 470, obs. J. Bruttin ; Civ. 1re, 13 avr. 2023, n° 21-23.334, Dalloz actualité, 20 avr. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 732 ; Rev. prat. rec. 2023. 7, chron. O. Salati et C. Simon ; 13 avr. 2023, n° 22-16.060, Dalloz actualité, 17 mai 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 780 ; ibid. 1765, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; RTD civ. 2023. 367, obs. H. Barbier ; 20 avr. 2022, n° 20-23.617, Dalloz actualité, 19 mai 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 788 ; ibid. 1724, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; RDI 2022. 458, obs. J. Bruttin ).

Aujourd’hui, nous étudions un arrêt APS Beta Bulgaria EOOD rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, publié le 13 mars 2025. La décision examine, sous de nombreuses coutures, le rapport entre un crédit à la consommation et un cautionnement professionnel imposé contractuellement ou, du moins, très fortement suggéré au sein du contrat de prêt. Presque toutes les questions imaginables en droit de la consommation sont abordées : lien avec la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives, dépendance avec les dispositions de la directive 2008/48/CE s’agissant des crédits à la consommation ou encore interférence avec la directive 2005/29/CE portant sur l’interdiction des pratiques commerciales déloyales. En résulte le sentiment que certaines questions n’avaient pas nécessairement d’utilité tandis que d’autres apportent des réponses intéressantes en droit économique de l’Union.

Les faits à l’origine du renvoi préjudiciel se déroulent en Bulgarie. Plusieurs crédits à la consommation sont conclus entre des personnes physiques et des sociétés financières. Le taux annuel effectif global (TAEG dans la suite de ce commentaire) de ces crédits est fixé entre 39,99 % et 50 %. Les prêts octroyés sont à la fois de faible amplitude pécuniaire (entre 150 € et 870 €, pt n° 23 de la décision) mais également de faible amplitude temporelle (entre 3 et 18 mois pour les échéances contractuelles). Les contrats prévoient que, pour débloquer les fonds prêtés ou obtenir ceux-ci plus rapidement, les emprunteurs doivent souscrire un cautionnement auprès d’une tierce-société. Notons immédiatement qu’il apparaît que la caution professionnelle suggérée par la banque est, dans l’ultra-majorité des cas, une de ses filiales ! Le coût d’un tel cautionnement est important car il représente 75 % de la somme à rembourser sans que ledit coût soit intégré au TAEG du crédit. Le nœud du problème commence à se révéler.

Dans les affaires au principal, les débiteurs deviennent défaillants de sorte que c’est la caution professionnelle qui règle les échéances en souffrance. Quelques temps plus tard, ces cautions cèdent leurs créances à des sociétés de recouvrement. Ces dernières sollicitent devant le Sofiyski rayonen sad (le Tribunal d’arrondissement de Sofia) des ordonnances d’injonction de payer à l’égard des débiteurs principaux. Plusieurs difficultés apparaissent tant sur le terrain des clauses abusives que sur celui des règles issues du crédit à la consommation et des pratiques commerciales déloyales.

La juridiction saisie se questionne sur l’interprétation des textes de l’Union européenne en la matière dans cette situation précise où un crédit à la consommation impose la conclusion d’un cautionnement professionnel. Elle décide ainsi de surseoir à statuer afin de renvoyer des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.

Sur les douze questions préjudicielles renvoyées, les deux dernières sont déclarées irrecevables par la Cour de justice pour nature hypothétique (pts nos 40 à 44 de la décision étudiée). D’autres auraient pu probablement suivre le même sort mais la jurisprudence de la Cour reste plutôt clémente quant aux critères de recevabilité des questions posées. 

Voici les dix questions jugées recevables ci-dessous reproduites :

« 1) L’article 4, paragraphe 2, et l’article 6, paragraphe 1, de la [directive 93/13] doivent-ils être interprétés en ce sens que, lorsqu’un contrat de crédit prévoit l’obligation pour le consommateur de conclure un contrat de cautionnement en vertu duquel la caution est une personne désignée par le créancier, le contenu du contrat de cautionnement ne constitue pas “l’objet principal” du contrat avec ce tiers, mais fait partie du contenu du contrat de crédit ? Le fait que le créancier et la caution soient des personnes liées est-il pertinent à cet égard ?

2) Le point 1, sous i), qui figure à l’annexe de la [directive 93/13] doit-il être interprété en ce sens que, lorsque le consommateur a l’obligation de fournir une caution en vertu d’un contrat de crédit déjà conclu, l’une des possibilités à cet effet étant l’engagement d’une personne désignée par le créancier, le contenu de l’obligation du consommateur de fournir une caution en vertu du contrat [de cautionnement] conclu plus tard le jour de la conclusion du contrat de crédit doit être considéré comme ambigu en raison de l’impossibilité de choisir ou de proposer la personne qui lui sera indiquée par le créancier en tant que future caution ?

3) En cas de réponse à la question précédente dans le sens que l’objet du contrat de cautionnement est clair, faut-il interpréter le point 1, sous i), j) et m), qui figure à l’annexe de la [directive 93/13] dans le sens que, lorsque le consommateur s’est engagé à fournir une caution en vertu d’un contrat de crédit déjà conclu, l’une des possibilités à cet effet étant l’engagement d’une personne désignée par le créancier, le...

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