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CRP : sort de la rupture en cas d’adhésion d’un salarié inéligible

L’adhésion à la convention de reclassement personnalisé (CRP) d’un salarié inéligible à ce dispositif ne rend pas en elle-même la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse.

par Bertrand Inesle 6 novembre 2014

Avant que la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 soit promulguée, l’employeur était tenu de proposer, dans les entreprises de moins de mille salariés à chaque salarié, dont il envisageait de prononcer le licenciement pour motif économique, une CRP qui ouvre droit, après la rupture du contrat de travail, à un certain nombre de mesures destinées à favoriser son reclassement (C. trav., anc. art. L. 1233-65). Mais tous les salariés de l’entreprise n’avaient pas nécessairement vocation à bénéficier de cette convention. Encore fallait-il répondre aux conditions établies par des conventions collectives agréées par arrêté ministériel, lesquelles subordonnaient notamment l’accès à ce dispositif à une ancienneté minimum dans l’entreprise, à des périodes d’affiliation au régime d’assurance chômage et à une exigence d’aptitude physique à l’exercice d’un emploi (Conv. 27 avr. 2005, art. 2, arr. 24 mai 2005, JO 31 mai 2005 ; Conv. 18 janv. 2006, art. 2, arr. 23 févr. 2006, JO 2 mars 2006 ; Conv. 19 févr. 2009, art. 2, arr. 30 mars 2009, JO 1er avr. 2009).

Il revenait à l’institution en charge de la gestion de cette assurance, auparavant l’ANPE et ensuite Pôle emploi, de contrôler l’éligibilité du salarié à la CRP. Sa décision, marquant son refus de donner accès au régime découlant de cette convention faute pour le salarié de répondre à l’ensemble des conditions exigées, n’intervenait toutefois pas toujours dans de brefs délais. Il arrivait, d’ailleurs, qu’elle fût prise et signifiée au salarié postérieurement à son acceptation de la convention et, surtout, passé le terme du délai de réflexion à partir duquel la rupture du contrat de travail prenait effet (Sur la prise d’effet de la rupture, v. Conv. préc., art. 4.). Le salarié ayant alors accepté les conditions dans lesquelles son contrat allait être effectivement rompu eu égard à la proposition qui lui a été faite par l’employeur et à la possibilité corrélative de bénéficier de ces règles particulières, son inéligibilité, tardivement mise en lumière par l’ANPE ou Pôle emploi, avait-t-elle une incidence sur la rupture du contrat de travail ?

Une cour d’appel se risqua à décider que la rupture du contrat de travail produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l’inéligibilité du salarié à la CRP avait vicié le consentement de celui-ci, provoquant la nullité de son adhésion et, par suite, celle de la rupture qui en découle. L’arrêt est cassé par la chambre sociale au visa des articles L. 1233-3, L. 1233-65 et L. 1233-67 du code du travail dans leur version applicable au litige (les faits étaient antérieurs à la loi du 28 juillet 2011 précitée qui a abrogé les dispositions relatives à la CRP [L. n° 2011-893, art. 41]). La Cour de cassation considère que l’adhésion à une CRP constitue une modalité du licenciement pour motif économique et qu’ainsi, l’adhésion d’un salarié inéligible à ce dispositif ne rend pas en elle-même la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse.

Une certitude ressort de cette affirmation. Malgré l’inéligibilité du salarié à la CRP, la rupture est définitivement acquise. Rien de plus logique puisque, en proposant cette convention, l’employeur a, d’ores et déjà, envisagé le licenciement du salarié (C. trav., art. L. 1233-65, al. 1er). En somme, quoi qu’il arrive, le contrat de travail aurait fini par être rompu. Reste à savoir, ce sur quoi l’arrêt ne nous informe...

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