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[PODCAST] « Cyber consentement » : je t’aime, un peu, beaucoup, virtuellement ?

Pour la Saint-Valentin, Les Temps électriques s’est penchée ce mois-ci sur une rencontre atypique : celle du consentement amoureux et du numérique. 

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Il fut un temps … où « les rencontres dépendaient largement des hasards des sociabilités ordinaires, des bals de la France rurale du début du XXe siècle aux camarades de promotion avec la massification du supérieur des années 1990 » (M. Déage, M. Bergström, Les nouvelles lois de l’amour : sexualité, couple et rencontres au temps du numérique, Réseaux, n° 219, vol. 1, 2020, p. 241 s.). Puis vint une nouvelle ère…celle désormais s’imposant dans tous les recoins de nos vies comme « l’ère numérique », sans que l’on en mesure vraiment l’étendue bien que pressentant combien les changements portés par le terme s’annoncent importants.

La France voit alors apparaître les premiers sites de rencontre sur internet à la fin des années 1990, quelques années après les États-Unis. Aujourd’hui, ces espaces se sont multipliés et diversifiés au point de devenir un microcosme virtuel, dans lequel le temps de la rencontre a dû revoir, bon gré mal gré, ses règles et ses codes. Le lieu de la rencontre ne saurait pourtant être anodin (M. Bozon et F. Héran, La découverte du conjoint. II. Les scènes de rencontre dans l’espace social, Population, n° 1, 1988, p. 121 s.).

Sites de rencontre dédiés ou simplement communautaires, ils ont pour point commun de placer la personne en quête de partenaire face à un nombre très grand de possibles contacts… qu’elle ou il ne rencontrera pourtant peut-être jamais.

Apparentés parfois à des « supermarchés » de l’amour, ces espaces entrent ainsi « en contradiction avec les imaginaires relatifs à l’amour et à la formation du couple stable » (M. Bergström, La loi du supermarché ? Sites de rencontres et représentations de l’amour, Ethnologie française, 2013, vol. 43, n° 3, p. 433 s.).

Cyberrencontre, cyberdrague, cybersexe … que reste-t-il de tangible dans tout cela ?

Pourtant, au cœur de la relation amoureuse, charnelle, le consentement est une exigence juridique bien réelle. En droit, le consentement est particulièrement lié à la relation contractuelle, renvoyant alors à la manifestation de volonté de chacune des parties. Puis s’affranchissant de ce cadre, la notion a gagné bien d’autres domaines du droit, « l’idée sous-jacente [étant] que le consentement comme manifestation de la volonté d’une entité juridique (personne physique ou personne morale) crée une situation qui peut entraîner, pour cette entité, des obligations, voire un détriment » (M. Messu, Chapitre 3. Le consentement : une notion juridique aux multiples facettes, Consentir ou céder à la nécessité, [dir.] M. Messu, PUF, 2022, p. 37 s.). Ainsi, parmi ces domaines, les regards se portent notamment sur le droit pénal au sein duquel la question des violences et infractions sexuelles polarise aujourd’hui le débat public. Dans ce débat, la question du consentement préoccupe les juristes (A. Darsonville et F. Lavallière, Violences sexuelles : « La France doit inscrire le consentement au cœur de l’infraction de viol, Le Monde, 22 nov. 2023), mais tient aussi une place très spécifique au regard des usages multiples qui en sont faits dans des champs non juridiques, tels qu’en philosophie, en sociologie ou encore en politique (M. Christelle, Le consentement, Que sais-je ?, 2013).

Comment des liens pourraient-ils s’être crées entre consentement « amoureux » et numérique ? La symbolique de cette rencontre semble presque anachronique, face à une notion qui n’a pas eu besoin du numérique pour exister.

Pourtant, le numérique bouleverse à bien des égards le consentement amoureux

« Consommer » des relations affectives modifierait-il le rapport à soi et à sa propre liberté, et dès lors, à la notion de consentement ? (E. Illouz, La fin de l’amour. Enquête sur un désarroi contemporain, Points, 2021).

Ces espaces en ligne brouillent notamment les frontières entre le caractère public ou privé de la rencontre. Choisir d’échanger sur le fil de discussion public d’un réseau social n’est évidemment pas la même démarche que celle d’un échange plus intimiste par onglet de messagerie privée. Quelle est alors l’incidence de ce choix sur le consentement ?

Par ailleurs, face à une logique désormais concurrentielle, mise en place par de nombreux sites de rencontre qui banalisent pour ce faire le recours à des mécanismes propres aux jeux (M. Dulaurans et R. Marczak, Sites de rencontre en ligne : comment se gamifie l’amour 2.0 !, Communication & Organisation, 2019, vol. 56, n° 2,  p. 111 s.), comment se préserver d’une nouvelle forme d’addiction numérique altérant la spontanéité de la rencontre ?

Dans un contexte d’actualité marqué chaque jour un peu plus par les actes de cybercriminalité, c’est également en termes de gestion de l’image et de réutilisation de cette dernière qu’il faut pousser le débat. Quelles sont les limites du consentement donné en ligne ? Et, au-delà, consentir en ligne, est-ce consentir hors ligne ?

Pour en parler l’émission Les Temps électriques reçoit ce mois-ci Maxence Christelle, Maître de conférences en droit public à l’Université de Picardie Jules-Verne (CURAPP-ESS).

Pour écouter ce podcast, connectez-vous sur Amicus Radio, rubrique les Temps électriques.

Bonne écoute !