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D’importantes précisions sur l’exécution forcée en nature et sur la réduction du prix

L’exécution forcée en nature ne peut porter que sur l’obligation prévue au contrat. Elle ne peut être diligentée lorsque ladite obligation devient impossible. En outre, la réduction du prix de l’article 1223 du code civil peut être demandée en justice, et ce, même si le prix n’a pas été payé au créancier.

L’année 2024 a été riche pour le droit des obligations puisque plusieurs belles décisions ont été rendues sur le sujet par la Cour de cassation (v. par ex., en matière de caducité, Com. 10 janv. 2024, n° 22-20.466 FS-B+R, Dalloz actualité, 16 janv. 2024, obs. C. Hélaine ; D. 2024. 342 , note G. Chantepie ; ibid. 275, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 1154, chron. C. Bellino, T. Boutié et C. Lefeuvre ; ibid. 1877, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RTD civ. 2024. 100, obs. H. Barbier ; RTD com. 2024. 147, obs. D. Legeais ; sur les engagements perpétuels, Civ. 1re, 25 sept. 2024, n° 23-14.777 F-B, Dalloz actualité, 1er oct. 2024, obs. C. Hélaine ; D. 2024. 1670 ; en matière d’erreur, Civ. 1re, 4 déc. 2024, n° 23-17.569 FS-B, Dalloz actualité, 9 déc. 2024, obs. C. Hélaine ; D. 2024. 2109 ). Peu de temps avant la trêve des confiseurs, la première chambre civile a rendu trois derniers arrêts destinés à la fois au Bulletin, aux Lettres de chambre mais également au Rapport annuel. Ces décisions sont donc d’une portée maximale et renforcent ce très bon millésime 2024. Les faits qui sont à l’origine des trois affaires sont liés aux conséquences de la sécheresse ayant touché Mayotte durant l’année 2023.

À l’origine des différents pourvois, on retrouve à chaque fois un contrat de distribution d’eau conclu entre la société mahoraise des eaux qui est le « distributeur unique et exclusif d’eau potable à Mayotte » (pt n° 1 de chaque décision) et des personnes physiques. En juin 2023, une sécheresse exceptionnelle touche l’archipel. Le préfet prend, dans ce contexte, plusieurs arrêtés pour organiser des suspensions temporaires de l’accès à l’eau du robinet. Les trois cocontractants de la société, demandeurs à l’action, reprochent à la société mahoraise des eaux de ne pas avoir respecté l’obligation contractuelle de service et de fourniture d’une eau propre et salubre. Ils l’ont donc assignée pour voir rétablir la livraison d’eau potable au robinet sans coupure. À défaut, ils demandaient de leur mettre à disposition des solutions de fortune par la livraison d’eau en bouteille ou en fontaine. En outre, ils sollicitaient également une réduction de 90 % du prix de l’abonnement de distribution d’eau jusqu’à la fin du défaut d’approvisionnement continu. Notons qu’un contentieux s’est également noué autour du préjudice d’anxiété subi par les différents cocontractants mais un article dédié au Dalloz actualité étudiera cette dernière question précisément.

En cause d’appel, les juges du fond refusent d’enjoindre sous astreinte le rétablissement au domicile des demandeurs de la livraison d’eau potable au robinet, sans coupures ni interruptions. La Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion caractérise, en effet, un cas de force majeure au profit de la société mahoraise des eaux eu égard à la situation exceptionnelle. L’exécution forcée d’une obligation de livraison de l’eau en bouteille ou en fontaine a également été rejetée faute de stipulation contractuelle en ce sens. Quant à la réduction du prix, celle-ci est écartée en considérant que le créancier d’une obligation ne peut obtenir du juge une telle réduction qu’après paiement du prix (pt n° 24).

Dans les trois affaires, ce sont les clients de la société mahoraise des eaux qui se pourvoient en cassation. L’arrêt du 18 décembre 2024 est l’occasion de précieuses précisions s’agissant de l’exécution forcée mais également d’une interprétation attendue du champ d’application de l’article 1223 nouveau du code civil tel que modifié par la loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018.

Sur l’exécution forcée en nature

Les pourvois examinés présentent, chacun, deux moyens s’intéressant à l’exécution forcée. Le premier concerne la prestation contractuellement prévue (la fourniture de l’eau potable au robinet) et l’autre traite d’une obligation qui ne l’était pas explicitement (la livraison d’eau en bouteille ou en fontaine).

De l’impossibilité d’exécution

Le premier moyen (pt n° 4 dans toutes les affaires) faisait grief à l’arrêt d’appel de ne pas avoir prononcé une injonction sous astreinte de rétablir la livraison d’eau potable au robinet sans coupures ni interruptions....

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