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De l’activité de l’avocat « intermédiaire en assurances » à celle de « mandataire d’un intermédiaire d’assurances »

Par décision du 7 mai 2021, le Conseil national des barreaux redéfinit dans le RIN l’encadrement de l’exercice à titre accessoire de l’activité de mandataire d’un intermédiaire d’assurances par un avocat au regard de l’identification du client, de la rémunération de la mission et du respect de la réglementation applicable à cette activité prévue par le code des assurances.

Dès 2009, le barreau de Paris avait intégré l’activité d’intermédiaire en assurances dans son règlement intérieur (RIBP, art. P.6.2.0.1 – Créé en séance du Conseil de l’ordre du 17 nov. 2009 ; devenu art. P.6.3.6). La même disposition fut reprise au niveau national à l’article 6.3.6 du RIN, dans sa rédaction issue de la décision à caractère normatif du 26 janvier 2017 (JO 13 avr.), autorisant l’avocat « à exercer à titre accessoire une activité d’intermédiaire en assurances, uniquement en qualité de mandataire de l’assuré ». Cette activité entrait ainsi dans la catégorie des mandats spéciaux de l’avocat au même titre que les missions de mandataire en transaction immobilière, mandataire sportif, délégué à la protection des données, tiers de confiance, représentant d’intérêts ou fiduciaire compatibles avec les principes essentiels de la profession (pour une présentation complète, S. Bortoluzzi, D. Piau et T. Wickers, Règles de la profession d’avocat, Dalloz Action, 6e éd., 2019, nos 640 s.).

L’encadrement de cette activité d’intermédiaire en assurances posait toutefois difficulté, au regard notamment de la règlementation spécifique prévue par le code des assurances. La directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances (JOUE L26, 2 févr. 2016), transposée en droit interne par l’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018 (JO 17 mai, texte n° 29), a modifié la définition de l’intermédiation en assurance. Ainsi, le nouveau régime instauré ne porte plus seulement sur l’activité « d’intermédiation » d’assurance mais sur l’activité de « distribution de produits d’assurance ou de réassurance », laquelle consiste à fournir des recommandations sur des contrats d’assurance ou de réassurance, à présenter, proposer ou aider à conclure ces contrats ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre (C. assur., art. L. 511-1, I ; mod. par Ord. n° 2018-361 du 16 mai 2019, art. 4). Est un distributeur de produits d’assurance ou de réassurance tout intermédiaire d’assurance ou de réassurance, tout intermédiaire d’assurance à titre accessoire ou toute entreprise d’assurance ou de réassurance (C. assur., art. L. 511-1, III).

Un statut d’intermédiaire d’assurances incompatible avec l’exercice de la profession d’avocat

Ce statut d’intermédiaire d’assurances n’est pas apparu compatible avec l’exercice de la profession d’avocat au regard des dispositions de l’article R. 511-2 du code des assurances définissant limitativement les catégories de personnes pouvant exercer l’activité de distribution de produits d’assurance ou de réassurance (courtiers d’assurance ou de réassurance, agents généraux d’assurance, mandataires d’assurance ou d’intermédiaires d’assurance, salariés des entreprises d’assurance ou de réassurance, intermédiaires enregistrés sur le registre d’un autre État membre de l’UE), et de celles de l’article 6.3.6 du RIN, dans sa rédaction issue de la décision à caractère normatif du 26 janvier 2017, limitant l’exercice de cette activité à titre accessoire en qualité de « mandataire de l’assuré » uniquement « rémunéré par son client ». Le mandataire d’un intermédiaire d’assurance n’est pas, par définition, mandataire de l’assuré au sens du RIN. Il est par ailleurs exclu que l’avocat puisse exercer les professions de courtier, d’agent d’assurance ou même de mandataire d’assurances autre qu’un agent.

On soulignera utilement que les activités traditionnelles de conseil de l’avocat, telles qu’elles sont définies aux articles L 511-1, II et R. 511-1, alinéa 2, du code des assurances, se situent hors du champ de l’intermédiation, et donc de la réglementation spécifique applicable aux activités de distribution d’assurances ou de réassurances (fourniture de conseils n’ayant pas pour objet d’aider le souscripteur à conclure ou à exécuter un contrat d’assurance ou de réassurance, activité consistant exclusivement en la gestion, l’évaluation et le règlement des sinistres, travaux préparatoires à la conclusion d’un contrat d’assurance ou de réassurance mentionnés au I de l’art. L. 511-1).

L’avocat mandataire d’intermédiaire d’assurances

La commission des règles et usages du CNB s’est dès lors emparée de la problématique pour permettre à la fois de clarifier le texte, l’adapter à la règlementation en vigueur et sécuriser l’activité de l’avocat. Elle a ainsi estimé nécessaire de modifier l’article 6.3.6 du RIN afin que le mandat spécial qu’il organise soit compatible avec les dispositions du code des assurances. Il est admis que l’avocat peut parfaitement intervenir dans des opérations d’intermédiation sans conférer un caractère commercial à son activité, dès lors que l’avocat intervient en qualité de mandataire de son client et que cette activité présente un caractère accessoire. Il s’agit en effet d’écarter toute confusion avec le courtage, dont les opérations commerciales par nature sont incompatibles avec l’exercice de la profession (RIN, art. 6.2), et d’éviter à l’avocat de se trouver en situation de conflit d’intérêts.

En conséquence, par décision du 7 mai 2021 portant modification du Règlement intérieur national (RIN) de la profession d’avocat (JO 30 sept., texte n° 22), le CNB supprime de l’article 6.3.6 du RIN l’expression « uniquement en qualité de mandataire de l’assuré » et remplace la notion « d’intermédiaire en assurances » par celle de « mandataire d’un intermédiaire d’assurances ». Elle précise par ailleurs au même article que sa rémunération doit être conforme aux dispositions de l’article 11.3 du RIN, l’avocat intervenant en qualité de mandataire exclusif de son client, intermédiaire d’assurances. Il n’est ni courtier, ni apporteur d’affaires et son activité ne doit pas relever de la pratique des commissions.

Les obligations du code des assurances

La nouvelle rédaction du RIN précise que l’avocat qui décide d’exercer une activité de mandataire d’un intermédiaire d’assurances doit être en conformité avec la réglementation applicable et notamment avec les obligations d’immatriculation et de formation prévues par le code des assurances (C. assur., art. L. 512-1). Il devra ainsi s’immatriculer préalablement auprès du registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, tenu par l’ORIAS. Bien que l’ORIAS effectue un contrôle lors de l’inscription et lors des renouvellements annuels, le contrôle de l’activité des intermédiaires en assurance relève de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), autorité administrative indépendante adossée à la Banque de France.

S’agissant des conditions de solvabilité résultant de l’assurance de responsabilité prévues par le code des assurances, l’activité de l’avocat paraît couverte par son assurance responsabilité civile dès lors qu’elle entre dans les missions particulières énumérées à l’article 6.3 du RIN. L’avocat devra vérifier auprès de son barreau que cette position a bien été validée par la police d’assurance souscrite par ce dernier, ainsi que le niveau de couverture applicable par sinistre.

La déclaration préalable à l’Ordre

Enfin, selon les dispositions de l’article 6.4 du RIN, l’avocat qui entend exercer l’activité de mandataire d’un intermédiaire d’assurances, comme pour celles de mandataire en transaction immobilière, en gestion de portefeuille ou d’immeubles, de mandataire sportif, de mandataire d’artistes et d’auteurs, de lobbyiste, de syndics de copropriété, ou de délégué à la protection des données doit en faire la déclaration à l’Ordre, par lettre ou courriel adressé au bâtonnier. Il s’agit d’une simple déclaration et non d’une autorisation préalable.

Il en ressort que si l’activité de mandataire d’un intermédiaire d’assurances offre un nouveau champ de missions à l’avocat, il appartient à celui-ci d’être particulièrement vigilant sur le mandat qui lui est confié, le caractère accessoire de sa mission et le respect des principes essentiels de sa profession.