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De l’application dans le temps de l’ordonnance du 10 février 2016

Selon l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les dispositions de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 et les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne. En faisant application de l’article 1186 du code civil dans sa rédaction issue de cette ordonnance à un contrat conclu avant le 1er octobre 2016, la juridiction de proximité a violé le texte précité.

par Jean-Denis Pellierle 15 octobre 2018

La question de l’application dans le temps de la réforme du droit des obligations est d’une évidente importance (V. à ce sujet, A. Bénabent, Application dans le temps de la loi de ratification de la réforme des contrats [art. 16 de la loi du 20 avr. 2018], D. 2018. 1024 ; C. François, Application dans le temps et incidence sur la jurisprudence antérieure de l’ordonnance de réforme du droit des contrats, D. 2016. 506 ; S. Gaudemet, Dits et non-dits sur l’application dans le temps de l’ordonnance du 10 février 2016, JCP 2016. 559 ; J.-C. Roda, La loi de ratification du 20 avril 2018 : aspects de droit transitoire, AJ Contrat 2018. 313 ). Il est donc heureux que la première chambre civile se soit prononcée à ce sujet dans un arrêt du 19 septembre 2018, même si la portée de cette décision prête à discussion. En l’espèce, le 18 juin 2013, une dame avait fait l’acquisition d’un climatisateur auprès d’une société, laquelle avait procédé à son installation à l’intérieur et à l’extérieur de son domicile. Le lendemain, elle avait souscrit avec cette même société un contrat de maintenance d’une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction. Par lettre du 15 mai 2015, la société avait fait savoir à sa cocontractante qu’elle ne renouvellerait pas le contrat au motif que l’accès à l’unité extérieure était devenu trop difficile et coûteux puisque nécessitant la location d’un appareil d’élévation. L’intéressée avait alors assigné la société pour obtenir le remboursement des frais de déplacement de l’unité extérieure et la réparation du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de maintenance.

La juridiction de proximité de Marseille, dans une décision du 30 juin 2017, a rejeté ses demandes : après avoir énoncé qu’en application des dispositions de l’article 1186 du code civil, le contrat devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît, le jugement retient que si, lorsque le contrat d’entretien a été souscrit, l’accès au groupe extérieur était possible, la modification de la situation de l’immeuble rend depuis l’entretien impossible, de sorte que la demande de l’intéressée est sans objet.

La décision est censurée au visa de l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 : après avoir rappelé que, « selon ce texte, les dispositions de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 et les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne », la Cour régulatrice considère « qu’en faisant ainsi application de l’article 1186 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 à un contrat dont il ressortait de ses propres constatations qu’il avait été conclu avant le 1er octobre 2016, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ».

À première vue, l’on pourrait croire que la Cour de cassation revient sur sa volonté d’appliquer la réforme par anticipation, volonté déjà manifestée à plusieurs reprises. Dans certains arrêts, la Cour évoque en effet « l’évolution du droit des obligation » (V. Cass., ch. mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20.411, en matière de nullité ; Civ. 1re, 20 sept. 2017, n° 16-12.906, également en matière de nullité, D. 2017. 1911 ; RTD civ. 2017. 837, obs. H. Barbier ; Soc. 21 sept. 2017, n° 16-20.103 et n° 16-20.104, en matière d’offre et de promesse unilatérale de contrat, D. 2017. 2289, obs. N. explicative de la Cour de cassation , note B. Bauduin et J....

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